Validité d’un droit de préférence du franchiseur dans le secteur de la grande distribution alimentaire.
mardi 5 juin 2018

Validité d’un droit de préférence du franchiseur dans le secteur de la grande distribution alimentaire.

Dès lors que la clause de préférence est justifiée par la nécessité pour le franchiseur de sécuriser ses investissements pendant plusieurs années, en empêchant l'appropriation, par un concurrent, des effets commerciaux favorables du partenariat avec son franchisé, il revient au franchisé qui conteste la validité de cette clause, d’apporter les éléments de nature à mesurer in concreto, à partir d'une analyse de marché et de données économiques, si la clause de préférence avait pour effet de restreindre artificiellement la concurrence.

L’arrêt rendu le 3 mai 2018 par la chambre commerciale de la Cour de cassation, à la suite de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris sur renvoi après cassation du 7 octobre 2016, se prononce sur l’effet anticoncurrentiel d’un pacte de préférence au profit du franchiseur, dans le secteur de la grande distribution alimentaire.

En l’espèce, un contrat de franchise pour l'exploitation d'un magasin d'alimentation avait été conclu.  Dans ce contrat, un droit de première offre et de préférence était stipulé au profit du franchiseur, à égalité de prix et de conditions, en cas, notamment, de cession de son local ou de son fonds de commerce par le franchisé. Après avoir notifié au franchiseur la résiliation du contrat de franchise, le franchisé l'a informé du prix et des conditions de la cession de son fonds de commerce qu'elle avait consentie à un tiers, sous la condition suspensive, notamment, de la conclusion d'un contrat de gérance-mandat au profit du franchisé.

Le franchiseur a assigné le franchisé aux fins d’interdiction de la vente de son fonds de commerce et a ordonné de régulariser la vente à son profit et, dans l'hypothèse où la vente serait néanmoins intervenue au profit du tiers acquéreur, que soit ordonnée sa substitution de plein droit à ce tiers.

En cours d’instance, le franchisé a régularisé la cession du fonds de commerce au profit du tiers acquéreur et a opposé au franchiseur la nullité du droit de préférence.

Par un arrêt en date du 13 juin 2012, la Cour d’appel de Paris a donné raison au franchiseur et a dit que la cession du fonds de commerce intervenue était inopposable au Franchiseur, ordonnant la substitution du franchiseur dans les droits du tiers acquéreur dans la cession du fonds de commerce et jugeant que l'arrêt valait acte de cession au profit du franchiseur.

Les juges du fond sont censurés par un premier arrêt de la Cour de cassation, pour défaut de base légale, au motif que la Cour d’appel n’avait pas recherché « si la stipulation, dans les contrats de franchise consentis par le [franchiseur], d'un droit de préférence à son profit, valable pendant toute la durée du contrat et un an après son échéance, n'avait pas pour effet, en limitant la possibilité de rachat de magasins indépendants par des groupes de distribution concurrents, de restreindre artificiellement le jeu de la concurrence sur le marché du détail de la distribution à dominante alimentaire » (Cass. com., 4 nov. 2014, n° 12-25.419).

Sur renvoi, la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 7 octobre 2016, n’annule pas la clause de préférence

Après avoir observé que « les dispositions de la clause litigieuse stipulent d'un droit de préférence sur toute autre personne à égalité de prix ou de condition, étant rappelé que la clause de "gérant mandataire" incluse par [le tiers acquéreur] dans l'acte de cession du fonds de commerce, n'entrait pas dans le périmètre visé par le pacte de préférence », la Cour d’appel de Paris juge  que « les questions relatives à la compatibilité du droit de préférence tel qu'édicté dans la clause litigieuse objet de la présente procédure avec les règles en matière de droit de la concurrence et à l'existence d'une possible barrière à l'entrée sur le marché du détail de la distribution à dominante alimentaire de concurrents doit recevoir une réponse négative, dès lors que seule la liberté de choisir son cocontractant est affectée par le pacte, étant ajouté qu'en aucun cas, le franchisé […] ne pouvait craindre de ne pas recevoir un juste prix pour la vente de son fonds de commerce ».

Un second pourvoi en cassation est formé par le franchisé, faisant notamment grief à l’arrêt d’appel, rendu sur renvoi après cassation, de ne pas avoir apprécié in concreto les effets de la clause de préférence sur le jeu de la concurrence, en considération de l'ensemble des clauses contractuelles insérées au contrat litigieux, notamment des clauses de non-concurrence et non-réaffiliation.

Autrement dit, selon le franchisé, les juges auraient dû rechercher si l’effet anticoncurrentiel ne résultait pas d’autres clauses du contrat, et en particulier des clauses de non-concurrence et non-réaffiliation.

La Cour de cassation rejette le pourvoi au motif qu’ayant retenu : 

  • « d'un côté, que [le franchisé]  avait pu bénéficier d'un partenariat commercial solide, justifiant que, par la clause, le franchiseur puisse sécuriser ses investissements pendant plusieurs années, en empêchant l'appropriation des effets commerciaux favorables de ce partenariat par un concurrent » ;
  • « et, de l'autre, que [le franchisé] n'apportait aucun élément de nature à mesurer in concreto, à partir d'une analyse de marché et de données économiques, si la clause de préférence avait pour effet de restreindre artificiellement la concurrence »,

La Cour d’appel a pu valablement en déduire que « le droit de préférence était compatible avec les règles de droit de la concurrence ». 

La Cour de cassation approuve également les juges du fond d’avoir retenu que « la clause de « gérant mandataire », incluse dans le contrat de cession du fonds de commerce, n'entrait pas dans le périmètre visé par le pacte de préférence », de sorte que cette clause ne pouvait empêcher le franchisé de contracter à des conditions équivalentes avec le franchiseur.

Cass. com., 3 mai 2018, n° 16-27.926

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