Pouvoir de négocier de l’agent commercial
La qualité d'agent commercial suppose la capacité discrétionnaire offerte à ce dernier de négocier les contrats passés au nom du mandant et de disposer, à cet effet, de réelles marges de manœuvre par rapport à son mandant pour arrêter les conditions de vente, notamment quant aux tarifs pratiqués.
Dans un nouvel arrêt rendu le 18 avril 2019, la Cour d’appel de Paris a eu, une nouvelle fois, à se prononcer sur la qualité d'agent commercial d’une société.
Pour mémoire, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi, que la jurisprudence fixe classiquement à deux années de commissions.
C’est dans la même veine que dans l’arrêt du 29 novembre 2018 précité, que la Cour d’appel de Paris a considéré que « la qualité d'agent commercial suppose la capacité discrétionnaire offerte à ce dernier de négocier les contrats passés au nom du mandant et de disposer, à cet effet, de réelles marges de manœuvre par rapport à son mandant pour arrêter les conditions de vente, notamment quant aux tarifs pratiqués ».
Or, il ressortait des éléments versés aux débats que l’intervention de la société qui se prétendait agent commercial était en réalité limitée à des contacts avec des centrales d'achat pour le référencement des produits du distributeur (distributeur avec lequel l’intermédiaire se prétendant agent commercial était en relation). Selon la Cour, cette intermédiation est constitutive d'une mise en relation entre les centrales d’achat et le distributeur en vue d'opérations commerciales futures, exclusive d'une activité de négociation au sens de l'article L. 134-1 du Code de commerce.
Il est intéressant de noter que les juges ont apprécié le rôle de l’intermédiaire, en particulier quant aux tarifs pratiqués, en relevant que l’intermédiaire s'était borné à informer les clients du distributeur des évolutions de prix décidées par cette dernière. Les échanges de courriels entre les parties confirmaient que seul le distributeur avait le pouvoir de consentir des remises et que les commandes étaient adressées directement au distributeur par les centrales de référencement. Tous les contrats de référencement étaient d’ailleurs conclus directement par le distributeur.
La Cour d’appel, considérant que le rôle de la société qui se prétendait agent commercial était limité à celui d'intermédiaire entre les clients potentiels et le distributeur, sans que l’intermédiaire n'agisse au nom et pour le compte du distributeur, a jugé que l’intermédiaire ne pouvait prétendre bénéficier du statut d'agent commercial. Ses demandes en paiement d’une indemnité de fin de contrat fondées sur le statut d'agent commercial sont donc rejetées par la Cour d’appel.
Cet arrêt intervient dans un contexte particulier, depuis que le Tribunal de commerce de Paris a posé le 24 décembre 2018 (Affaire C-828/18) une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne portant sur l'interprétation de la notion de négociation au sens de la directive du 18 décembre 1986 sur le statut des agents commerciaux. Le Tribunal de commerce de Paris a demandé à la Cour si les dispositions de la directive devaient être interprétées comme signifiant qu'un intermédiaire indépendant, agissant en tant que mandataire au nom et pour le compte de son mandant, qui n'a pas le pouvoir de modifier les tarifs et conditions contractuelles des contrats de vente de son commettant, n'est pas chargé de « négocier » lesdits contrats au sens de la directive.
Cette question offre l’opportunité à la Cour de justice de l’Union européenne, dont on attend l’arrêt, de donner son interprétation de la notion de négociation et partant, soit de conforter soit de condamner l’interprétation retenue par la Cour de cassation qui considère depuis plusieurs années qu’une société ne peut bénéficier du statut d’agent commercial si elle ne justifie pas avoir disposé effectivement d’une quelconque marge de manœuvre sur une partie au moins de l’opération économique, ni avoir eu la possibilité d’engager son mandant.
CA Paris, pôle 5 - ch. 5, 18 avr. 2019, n° 17/01169
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