Bientôt des franchises de commercialisation de CBD en France ?
Des extraits de cannabis (CBD) peuvent être légalement commercialisés en France : la Cour de Justice de l’Union Européenne juge la règlementation française relative au CBD non conforme au droit de l’Union Européenne.
Un régime juridique différent selon que le CBD est extrait de la plante entière ou des fibres et des graines du chanvre
L’arrêt de la CJUE a été rendu dans le cadre d’une question préjudicielle, qui permet à une juridiction de l’interroger sur l’interprétation du droit de l’Union. En l’espèce, la CJUE a été saisie par la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence, dans le cadre d’un contentieux pénal engagé contre les dirigeants d’une société française qui avaient commercialisé des cartouches de cigarettes électroniques contenant du CBD.
Il leur était reproché d’avoir vendu des produits résultant de la plante entière de chanvre (de variété cannabis sativa) alors qu’en vertu de la règlementation française actuellement en vigueur, seuls les produits tirés des fibres et des graines dudit chanvre, peuvent être utilisés. Cela résulte d’un arrêté du 22 août 1990 portant application de l’article R. 5132-86 du code de la santé publique pour le cannabis, tel qu’interprété par la circulaire du ministère de la Justice no 2018/F/0069/FD 2, du 23 juillet 2018, ayant pour objet le régime juridique applicable aux établissements proposant à la vente au public des produits issus du cannabis (coffee shops). La question posée à la CJUE portait donc sur la conformité de cette règlementation.
La CJUE commence par rappeler que s’agissant de CBD extrait de la plante, et non pas de la plante brute elle-même, les règlements relatifs à la politique agricole commune ne sont pas applicables. Par contre, les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises au sein de l’Union (articles 34 et 36 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne) sont applicables, dès lors que le CBD ne peut pas être considéré comme un produit « stupéfiant ». Pour considérer que le CBD n’est pas un produit stupéfiant, la CJUE se base sur la convention des Nations unies sur les substances psychotropes, conclue à Vienne le 21 février 1971, et la convention unique des Nations unies sur les stupéfiants, conclue à New-York le 30 mars 1961. Elle considère que contrairement au tétrahydrocannabinol (THC) qui est lui considéré comme stupéfiant, le CBD n’apparaît pas comme ayant des effets psychotropes ni d’effet nocifs sur la santé humaine.
L'examen de la réglementation française par la CJUE sur les restrictions de commercialisation du CBD
Ensuite, la CJUE considère que les dispositions règlementaires françaises constituent « une mesure d’effet équivalent à des restrictions quantitatives » à l’importation, prohibée par l’article 34 TFUE.
La CJUE apporte toutefois une modération, en précisant que la règlementation française pourrait être justifiée pour l’une des raisons d’intérêt général énumérées à l’article 36 du TFUE, qui peuvent permettre d’adopter des mesures en principe prohibées par l’article 34, à savoir l’objectif de protection de la santé publique, invoquée par la France pour justifier sa règlementation. Cela implique de démontrer que la règlementation est « propre à garantir la réalisation dudit objectif et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour qu’il soit atteint ». Cette interprétation relève de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence. Malgré cela, la CJUE donne deux « indications » qui vont en réalité limiter sa marge d’interprétation :
- En premier lieu, dès lors que le CBD de synthèse, ayant les mêmes propriétés, serait autorisé, cela indiquerait que la règlementation française « n’est pas propre à atteindre, de manière cohérente et systématique », l’objectif de protection de la santé publique ;
- En deuxième lieu, le risque pour la santé qui serait allégué devrait « être réel » et ne pas apparaître comme fondé sur des « considérations purement hypothétiques ». La CJUE conclut donc en indiquant « Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que les articles 34 et 36 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale interdisant la commercialisation du CBD légalement produit dans un autre État membre, lorsqu’il est extrait de la plante de cannabis sativa dans son intégralité et non de ses seules fibres et graines, à moins que cette réglementation soit propre à garantir la réalisation de l’objectif de la protection de la santé publique et n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour qu’il soit atteint. Les règlements n° 1307/2013 et 1308/2013 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’appliquent pas à une telle réglementation. »
La règlementation française en vigueur posait la question de la validité des contrats qui avaient pour objet des produits contenant du CBD issus d’autres parties du chanvre que des graines et des fibres. En effet, si le contenu d’un contrat est librement déterminé, cela doit être dans les limites fixées par la loi. Il ne peut déroger à l’ordre public et la prestation prévue dans un contrat doit être possible. Il n’est donc pas possible qu’un contrat ait pour objet des obligations illégales ou contrevenant à la législation en vigueur. A la suite de l’arrêt de la CJUE, les contrats ayant pou objet des produits contenant du CBD issus de la totalité de la plante seront donc valides, sous réserve d’une restriction fondée sur des considérations de santé publique basées sur un risque réel. Les franchises de commercialisation de CBD ont désormais un créneau de développement plus sûr.
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