Etat de cessation des paiements : à quel cadre d’adaptation de votre modèle économique êtes-vous éligible ?
Etes-vous en état de cessation des paiements ? Vérifiez de façon périodique, et saisissez les opportunités que vous offre le droit des entreprises en difficulté pour adapter votre modèle économique (renégociation de contrats, résiliation de contrats, réduction de charges) avant d'être en état de cessation des paiements.
Par Serge Pelletier, Avocat associé de Rescue Cabinet d'avocats, partenaire de Gouache Avocats
Dans un précédent article, nous avons rappelé que le chef d’entreprise devait considérer les procédures de mandat ad hoc, conciliation, sauvegarde ou redressement judiciaire non pas comme des constats d’échec ou une fatalité mais comme des catalyseurs d’adaptation du modèle économique, particulièrement au regard des enjeux de la crise du Coronavirus COVID 19.
Etre ou ne pas être en Etat de Cessation des paiements ? Là est la question.
La notion qui revient systématiquement dans l’appréciation de la situation financière de l’entreprise mais qui reste pourtant mal appréhendée est celle de l’état de cessation des paiements. Sa correcte compréhension est d’autant plus nécessaire dans un contexte de crise que les procédures présentées doivent systématiquement être envisagées au regard de cette notion-pivot.
Ainsi, même si cela ne ressort d’aucun texte, l’usage de la plupart des Tribunaux est qu’un mandat ad hoc ne peut être ouvert que si l’entreprise n’est pas en état de cessation des paiements. La conciliation est accessible à l’entreprise qui éprouve une difficulté juridique, économique ou financière et qui ne se trouve pas en état de cessation des paiements depuis plus de quarante-cinq jours. En d’autres termes, l’état de cessation des paiements peut n’être pas avéré ou il doit l’être depuis moins de quarante-cinq jours. La sauvegarde est ouverte à l’entreprise qui, sans être en état de cessation des paiements, justifie de difficultés qu’elle n’est pas en mesure de surmonter. Enfin, l’entreprise n’est éligible au redressement judiciaire que si elle est en état de cessation des paiements.
En synthèse, l’éligibilité à ces procédures pourrait être présenté comme suit :
Ensuite, dès lors que cela est notamment nécessaire lorsqu’on envisage de solliciter l’ouverture d’une conciliation, il importe de déterminer l’âge de l’état de cessation (qui doit être de moins de 45 jours). Il faut alors faire l’examen de la situation de manière itérative à la fin des deux à trois mois qui précèdent. Par exemple, si on se situe au 15 juin, on fera l’exercice au 31 mai. S’il y a un état de cessation des paiements à cette date, on examinera la situation au 30 avril. S’il n’était alors pas constitué à cette date, l’état de cessation des paiements a moins de 45 jours et une conciliation peut être sollicitée.
Etat de cessation des paiements : attention à la pratique des "retards fournisseurs"
Au risque de se répéter, il faut insister sur le fait que toutes les factures fournisseurs pour lesquelles la date d’échéance est dépassée entrent dans le passif exigible. La Loi et la jurisprudence ne reconnaissent aucune tolérance face au « retard fournisseurs » volontairement (ou non) entretenu dans une pratique des affaires très répandue en France.
La précision est d’autant plus importante que :
- les tribunaux apprécient la notion de plus en plus strictement.
- Les praticiens rencontrent très (voire le plus) souvent des dirigeants qui ont le projet de mettre en œuvre une des procédures préventives ou collectives évoquées et qui se rendent compte que leur entreprise n’est pas éligible à un mandat ad hoc ou une sauvegarde parce qu’elle est en état de cessation des paiements ou qu’elle l’est depuis plus de 45 jours, ce qui exclut la conciliation. Seul le redressement judiciaire s’avère alors possible, alors qu’une anticipation aurait permis au chef d’entreprise d’avoir le choix et d’organiser sa stratégie en conséquence.
C’est d’autant plus dommage que :
- les statistiques montrent que les entreprises qui mettent en œuvre des procédures avant la survenance de l’état de cessation des paiements (Mandat ad hoc, sauvegarde, conciliation) ou entre sa survenance et l’expiration du délai de 45 jours (conciliation) ont nettement plus de chance d’aboutir à un accord ou à l’homologation d’un plan. Ainsi, en moyenne,
- 70 à 80% des mandat ad hoc et conciliations aboutiraient à un accord,
- 55% des sauvegardes aboutissent à un plan,
- 27% des redressements judiciaires aboutissent à un accord / plan.
- le non-respect du délai de 45 jours dans lequel le dirigeant doit solliciter l’ouverture d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire - lorsque la conciliation est insuffisante pour adapter son modèle économique - peut éventuellement donner lieu à des sanctions pécuniaires (comblement de passif) ou civiles (interdiction de gérer).
Il est donc crucial, en particulier lorsque l’entreprise traverse des périodes difficiles qui lui imposent de s’adapter rapidement sauf à se condamner à disparaître, de surveiller particulièrement de l’évolution (i) de l’actif disponible et du passif exigible et (ii) de la trésorerie prévisionnelle prenant en compte des données réalistes. Et ce, pour conserver le confort du choix entre les différents cadres d’adaptation du modèle économique plutôt que de subir la procédure, ce qui, statistiquement, conduit le plus souvent à la disparition de l’entreprise.
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Enfin, il faut signaler que le contexte particulier de l’épidémie de Covid-19 a conduit les pouvoirs publics à modifier les règles applicables à un certain nombre de délais. S’agissant du délai de 45 jours, l’intention a été d’exclure de l’appréciation l’aggravation de la situation financière des entreprises qui surviendrait entre le 12 mars 2020 et le 23 août 2020. Dans ce contexte exceptionnel, le délai de 45 jours à compter de la survenance de l’état de cessation des paiements court à compter :
- du 23 juin 2020 – et expire donc le 7 août 2020 – lorsque l’état de cessation des paiements avait commencé à courir avant le 12 mars 2020.
- du 23 août 2020 – et expire donc le 7 octobre 2020 – s’il survient entre le 13 mars et le 23 août 2020.
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