Clause résolutoire du bail commercial : moyens offerts aux preneurs pour obtenir des délais
Assignés en acquisition de clause résolutoire, les preneurs ont de multiples moyens d’obtenir des délais et de renverser ainsi les rapports de force.
Les baux commerciaux contiennent généralement une clause résolutoire aux termes de laquelle le bailleur peut obtenir de plein droit la résiliation du bail commercial en cas de manquement du locataire à son obligation de payer les loyers et les charges locatives.
La loi a toutefois mis en place certains garde-fous entourant la mise en œuvre d’une telle résiliation de plein droit :
- Tout d’abord, la clause résolutoire ne peut produire effet que si le bailleur a au préalable fait délivrer au preneur un commandement de payer visant cette clause résolutoire ainsi que le décompte des sommes dues, et laissant au locataire un délai d’un mois suivant la date de la signification du commandement pour régulariser la situation (article L. 145-41, alinéa 1er du Code de commerce).
- Ce n’est qu’à défaut de paiement de l’arriéré dans le délai d’un mois que le bailleur pourra engager une procédure contentieuse pour demander au juge de constater l’acquisition de la clause résolutoire prévue au bail.
En effet, le bailleur doit ensuite faire constater l’acquisition de la clause résolutoire afin d’obtenir l’expulsion de son locataire.
Le plus souvent, le bailleur assignera devant le juge des référés (procédure rapide adaptée aux cas où la créance est évidente, c’est qu’elle ne souffre pas de contestation sérieuse).
Une fois lancée, cette procédure est particulièrement dangereuse pour le locataire, qui peut ainsi voir son bail résilié à ses torts en quelques semaines ou mois, tout en étant privé d’une indemnité d’éviction.
Il doit toutefois être conscient qu’il a la possibilité d’invoquer divers moyens devant le juge, en fonction de son cas particulier :
• Existence de contestations sérieuses sur le bien-fondé de la créance, mauvaise foi du bailleur dans la mise en œuvre de la clause résolutoire, etc).
Au moyen d’une argumentation étoffée et justifiée, le preneur qui parvient à faire reconnaître l’existence de contestations sérieuses obtiendra l’irrecevabilité de la demande du bailleur devant le juge des référés, lequel se retrouvera contraint de saisir le juge du fond s’il veut poursuivre le preneur. Or une telle procédure peut durer entre un et deux ans supplémentaires en moyenne. L’obtention d’une telle décision est un triple bénéfice pour le preneur :
- Tout d’abord, c’est autant de temps gagné pour le preneur pour se maintenir dans les lieux,
- Par ailleurs, le preneur pourra faire entendre ses contestations auprès du juge du fonds pour obtenir le cas échéant une réduction du loyer et/ou des dommages-intérêts en cas de manquements du bailleur,
- Les forces en présences se trouvent rééquilibrées : en effet, le risque pour le bailleur de voir la dette s’accumuler pendant la longueur d’une telle procédure est grand, outre le risque pour le bailleur de se voir lui-même condamné à des dommages-intérêts, sont de nouveaux arguments de poids aux mains du preneur pour peser dans d’éventuelles négociations avec le bailleur.
Dans certains cas précis, le preneur peut aussi arguer du déséquilibre significatif qu’il a pu éventuellement subir lors de la conclusion du bail. Ceci nécessite une étude approfondie des clauses du bail. Ce sujet fera l’objet d’un prochain article spécifique de notre cabinet.
• Délais de paiements
En outre, quand bien même le juge reconnaîtrait le bien-fondé de la créance alléguée par le bailleur, la bonne foi du bailleur et la validité du commandement de payer resté infructueux, le locataire peut demander au juge des délais d’exécution, dans la limite de 2 ans, en application des articles 1244-1 à 1244-3 du Code civil, ainsi que la suspension des effets de la clause résolutoire pendant la période accordée.
Pour apprécier l’opportunité de tels délais, le juge appréciera à la fois la situation du débiteur et les besoins du créancier.
C'est au preneur d'apporter la preuve qu'il remplit les conditions légales en démontrant l'existence de difficultés financières momentanées, ainsi que les efforts qu’il a accomplis pour réduire sa dette et être à même de la rembourser.
Par exemple, la Cour d’appel a rejeté la demande délais du débiteur en raison de l'aggravation constante de sa dette sans que le preneur ne justifie qu'il sera en mesure de l'apurer dans le délai sollicité (CA Paris, 26 févr. 2003, n° 2002/17514).
Le preneur s’attachera à prouver avec le plus grand soin qu’il a la capacité financière de régler les loyers et charges courants en plus de l’apurement de la dette locative (il présentera et justifiera notamment des réductions de charges engagées, l’évolution favorable du chiffre d’affaires, etc).
Parallèlement, les délais accordés ne doivent pas créer d’inconvénients manifestement excessifs qui mettraient en péril la situation du créancier.
Mais attention, en cas de délais accordés par le juge, le preneur devra respecter rigoureusement l’échelonnement accordé par le juge. Au 1er défaut de paiement, la suspension de la clause résolutoire cessera celle-ci sera définitivement acquise (Cass. 3e civ., 26 nov. 2013, n° 12-25.534).
Nos solutions
Le cabinet assiste les enseignes preneuses dans l’ensemble des contentieux liés à l’exécution ou à l’inexécution des baux commerciaux.
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