Agent commercial : rupture imputable au mandant et absence de démonstration de fautes graves
A défaut pour le mandant de démontrer les fautes graves invoquées contre son agent, la rupture du contrat lui est imputable et il doit en conséquence verser à son agent les indemnités de préavis et de rupture.
Dans un arrêt du 3 septembre 2019, la Cour d’appel de Poitiers confirme un jugement rendu par le Tribunal de commerce de La Rochelle, le 1er juin 2018, qui impute la rupture du contrat d’agent commercial au mandant du fait de l’absence de démonstration par ce dernier des fautes invoquées contre son agent et met à sa charge les indemnités légales dues à l’agent commercial.
En l’espèce, un contrat d’agence a été signé le 15 septembre 2014 entre la société ABS, mandant, et la société FDA, agent commercial.
Au terme de ce contrat, conclu pour une durée indéterminée, il était notamment stipulé une exclusivité sur l’ensemble du territoire national au profit du mandant et un préavis de trois mois à partir de la troisième année.
A compter du début 2017, le mandant a cessé de verser des commissions à son agent. Suite à une mise en demeure demeurée infructueuse, une ordonnance de référé en date du 11 juillet 2017 a condamné le mandant à verser les sommes dues à son agent.
Par courrier en date du 4 septembre 2017, le mandant a résilié le contrat alléguant une insuffisance de résultat de l’agent en se fondant sur la clause d’exclusivité.
L’agent a alors assigné son mandant aux fins notamment de le voir condamné à lui payer l’indemnité compensatrice de rupture du contrat d’agent commercial et l’indemnité compensatrice pour non-respect du préavis.
Le mandant tente d’échapper au paiement de ces indemnités en imputant la rupture du contrat à son agent et invoque à cet égard plusieurs fautes graves de sa part qui seront successivement rejetées par la Cour, à savoir :
- le chiffre d’affaires minimum prévu au contrat de 30.000 € mensuel n’était pas atteint : la Cour constate que certes ce rendement n’a jamais été atteint mais le mandant s’en est longtemps accommodé et le contrat sanctionne la non-exécution de l’objectif chiffré uniquement par la perte de l’exclusivité.
- la représentation d’entreprises concurrentes : la Cour relève que le contrat stipule que « L’agent commercial pourra effectuer des opérations pour son compte personnel ou pour le compte de toute autre entreprise sans avoir à demander l’autorisation au mandant » ou encore que l’agent jouit de « la plus grande indépendance », ces formules sont larges et « ne comporte strictement aucune réserve ».
- le détournement du fichier clientèle : au soutien de cette prétention, le mandant produit un fichier clients de 2.943 noms et prétend démontrer que 7 d’entre eux auraient passé des commandes auprès de sociétés concurrentes après avoir été sollicités par le centre d’appel de l’agent. La Cour note d’une part que le nombre d’anciens clients du mandant passés à la concurrence est infime et d’autres part que la production de factures (qui relèvent bien des commandes d’anciens clients du mandant auprès de sociétés concurrentes) et d’un tableau indiquant sommairement le nom des télévendeurs ne suffit pas à prouver un tel détournement.
- l’utilisation déloyale de la dénomination ABS : au soutien de cette prétention, le mandant prétend produire des témoignages démontrant que des télévendeurs de l’agent utiliseraient frauduleusement la dénomination ABS pour placer des produits de sociétés concurrentes. Or, la Cour relève que l’essentiel des pièces produites ne sont pas des témoignages au sens de l’article 202 du Code de procédure civile mais simplement des échanges d’emails et les témoignages produits ne permettent d’identifier aucun télévendeur.
La Cour constate donc la défaillance du mandant à rapporter la preuve des fautes reprochées à son agent et lui impute la rupture du contrat.
En conséquence, du fait de l’absence de faute grave de l’agent, le mandant est condamné à lui payer les indemnités de préavis et de rupture.
Concernant l’indemnité de préavis, la Cour confirme le préavis fixé en application de l’article L. 134-11 du code de commerce par le Tribunal qui a retenu un préavis de trois mois compte tenu de la durée de la relation et qui s’est fondé sur l’existence de deux dernières années d’exercice écoulées.
Concernant l’indemnité de rupture, la Cour rappelle qu’elle est laissée à l’appréciation des juges du fond et qu’il est d’usage de prendre pour base 24 mois de commissions, cette somme pouvant varier en fonction de l’ancienneté du contrat et du comportement des parties. Elle confirmera la base de 20 mois de commission retenue par les premiers juges.
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