Quels délais de paiement dans un contrat de vente international ?
Le plafond légal de délais de paiement prévu par le code de commerce français ne s’applique pas aux contrats de vente internationale de marchandises relevant de la convention de Vienne du 11 avril 1980. Toutefois, les délais de paiement convenus ne peuvent constituer un abus manifeste à l’égard du créancier.
La Commission d’Examen des Pratiques Commerciales (CEPC) a rendu le 24 juin dernier un avis sur l’application du plafond légal des délais de paiement dans un contexte international.
Plus spécifiquement, la question portait sur le fait de savoir si les délais de paiement relevant de l’article L. 441-6 I alinéa 9 du Code de commerce étaient applicables à un contrat de vente internationale de marchandises conclu entre deux parties, dont l’une établie en France, et soumis à la compétence du juge français. Le contrat en question relevait de la convention de Vienne sur la vente internationale de marchandise du 11 avril 1980, ratifiée par la France.
Pour rappel, les délais de paiement fixés par l’article L. 441-6 I alinéa 9 du Code de commerce sont les suivants : « Le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser soixante jours à compter de la date d'émission de la facture. Par dérogation, un délai maximal de quarante-cinq jours fin de mois à compter de la date d'émission de la facture peut être convenu entre les parties, sous réserve que ce délai soit expressément stipulé par contrat et qu'il ne constitue pas un abus manifeste à l'égard du créancier. »
La convention de Vienne pour sa part ne contient aucune mention de délais maximum ou minimum, en laissant libre les parties de stipuler le moment auquel interviendra le paiement. La Convention prévoit simplement qu’à défaut d’accord ou usage contraire, le paiement intervient lors de la remise des marchandises.
La CEPC, relève l’absence de position claire de la jurisprudence française ou des décisions étrangères ou arbitrales disponibles. La doctrine pour sa part considère schématiquement :
- Soit, en se fondant sur l’article 55 de la constitution qui confère une autorité supérieure aux traités internationaux ratifés, que les textes français ne trouvent pas à s’appliquer et que seules les stipulations de la convention de Vienne doivent trouver à s’appliquer ;
- Soit, que l’harmonisation opérée par la convention n’est que partielle et que l’application de la convention n’exclut pas les stipulations du code de commerce.
La CEPC analyse pour sa part la convention de Vienne pour considérer que si elle aborde la question du moment du paiement, elle ne traite pas spécifiquement de la question des délais de paiement. Elle se fonde ensuite sur l’article 7-2 de ladite convention qui prévoit que les questions relevant des matières régies par la convention mais non expressément tranchées par elle seront réglées « selon les principes généraux dont elle s’inspire ou, à défaut de ces principes, conformément à la loi applicable en vertu des règles de droit international privé ».
Parmi les principes dont s’inspire la convention figure le principe de bonne-foi. Par ailleurs, la convention doit s’interpréter au regard de la directive n° 2011/7/UE du Parlement Européen et du Conseil du 16 février 2011 concernant la lutte contre les retards de paiement dans les transactions internationales, qui bénéficie du principe de primauté du droit de l’UE. Cette directive prohibe les clauses et pratiques contractuelles consistant en un abus manifeste à l’égard du créancier.
La CEPC conclut donc que les délais légaux français ne sont pas applicables à un contrat de vente internationale de marchandise relevant de la convention de Vienne. Toutefois, « les délais de paiement convenus entre les parties ne devraient pas constituer un abus manifeste à l’égard du créancier, c’est-à-dire traduire un écart manifeste par rapport aux bonnes pratiques et usages commerciaux, contraire à la bonne foi et à un usage loyal, compte tenu de la nature du produit ».
D’un point de vue pratique en vue de la conclusion de contrats internationaux, rappelons simplement que la convention de Vienne est supplétive de volonté. Les parties peuvent donc décider d’en écarter l’application, par le biais d’une mention expresse dans le contrat concerné. A défaut le juge sera tenu d’appliquer la convention s’il s’agit d’une vente internationale et si le droit applicable est le droit d’un des Etats parties à la convention. En désignant le droit français applicable et en excluant expressément l’application de la convention, les parties rendraient donc à nouveau applicables les dispositions légales françaises. A minima, il semble prudent que le contrat conclu contienne une clause sur les délais de paiement, pour éviter tout aléa lié à une interprétation du juge fondée sur des bonnes pratiques et des usages difficiles à établir avec précision.
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