Compétence internationale en cas d’atteinte en ligne à la réputation d’une personne morale
Devant les juridictions de quel pays agir en cas d’atteinte en ligne à la réputation d’une personne morale ?
L’universalité d’internet permet de mettre en relation des parties de pays différents : un site exploité dans un pays qui parle d’une autre personne, physique ou morale, située dans un autre pays, est consulté par des internautes situés dans un troisième pays. Une telle situation pose inévitablement des questions de compétence. Ainsi, si une société ayant son siège au Luxembourg mais exerçant la majeure partie de ses activités en France, s’estime victime de publications réalisées sur un site exploité en Grande-Bretagne : dans quel(s) pays peut-elle engager une action ?
La Cour de Justice de l’Union Européenne, dans un arrêt du 17 octobre 2017 (aff. C-194/16, Bolagsupplysningen OÜ et Ingrid Ilsjan / Svensk Handel AB) vient de se prononcer sur une situation similaire. En l’occurrence une entreprise estonienne était mentionnée sur le site d’une entreprise suédoise comme commettant des actes de fraude et de tromperie. De nombreux commentaires étaient postés sur le site, dont certains appelants même à la violence contre l’entreprise estonienne et ses employés.
L’entreprise estonienne a engagé devant les juridictions estoniennes une action afin de faire reconnaitre que ses droits de la personnalité avaient été violés par la publication de données inexactes. Elle sollicitait la rectification des données, la suppression des commentaires postés sur le site et la réparation du préjudice subi. Une contestation sur la juridiction compétente est née et la CJUE saisie d’une question préjudicielle par la cour estonienne qui était saisie du contentieux.
Il convient de rappeler les principes posés par le règlement (UE) n°1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale. L’article 4 de ce règlement pose le principe que « les personnes domiciliées sur le territoire d’un Etat membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet Etat membre ». Le règlement prévoit ensuite certaines hypothèses de compétence spéciale. L’article 7-2 prévoit ainsi qu’en matière délictuelle ou quasi-délictuelle, une personne d’un Etat membre peut être attraite devant les juridictions du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire.
En matière de diffamation causée par la publication d’un article, la CJUE avait précédemment considéré (CJUE 7 mars 1995, Shevill e.a., C-68/93) que la victime peut intenter une action devant les juridictions de chaque Etat membre dans lequel la publication a été diffusée et où la victime prétend avoir subi une atteinte à sa réputation. Dans le cas spécifique d’Internet la CJUE avait considéré que la victime devait pouvoir agir devant les juridictions de l’Etat membre où la victime a le centre de ses intérêts (CJUE 25 oct. 2011, eDate Advertising e.a., C-509-09 et C-161/10). Il est considéré que l’atteinte y sera ressentie le plus fortement, dans la mesure où sa réputation y sera la plus forte.
En l’espèce l’arrêt de la CJUE indique donc qu’une personne morale qui estime que ses droits de la personnalité ont été violés et en conséquence souhaite faire corriger les données, retirer des commentaires et obtenir réparation de son préjudice peut agir devant les juridictions de l’Etat membre dans lequel elle a le centre de ses intérêts. Elle précise que celui-ci peut être différent du lieu où se situe son siège statutaire, lorsqu’elle exerce la majeure partie de son activité dans un Etat membre autre que celui dans lequel se situe ledit siège. Elle peut alors attraire l’auteur de l’atteinte présumée devant les juridictions de cet autre Etat membre.
La CJUE précise par ailleurs qu’un seul recours peut être formé, la personne morale victime ne pouvant pas engager d’actions devant les juridictions de chaque Etat membre sur le territoire duquel les informations sont accessibles.
Ainsi, pour reprendre notre hypothèse de départ, une société ayant son siège au Luxembourg mais exerçant la majeure partie de ses activités en France, qui s’estimerait victime de publications réalisées sur un site exploité en Grande-Bretagne pourra attraire la société anglaise exploitant le site devant les tribunaux français. Elle ne pourra par contre engager d’autres actions devant les juridictions d’autres pays.
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