Prix d’un fonds de commerce fixé sur un chiffre d’affaires surévalué
Il est essentiel que le repreneur d’un commerce étudie les derniers CA. Une telle étude est cependant insuffisante pour évaluer la rentabilité et fixer le juste prix. Afin d’éviter des désillusions (comme l’acquéreur dans l’espèce commentée), plusieurs méthodes d’évaluation doivent être combinées.
Décision commentée :
Un fonds de commerce est vendu à un prix fixé sur le CA déclaré au dernier bilan comptable.
Au terme de six mois d’exploitation, l’acquéreur considère que ce CA était surévalué et saisit le juge des référés du Tribunal de commerce d’une demande d’expertise comptable.
L’expert judiciaire désigné conclut qu’il ne peut avoir aucune certitude sur l’exactitude du CA.
En ouverture de son rapport, l’acquéreur assigne le vendeur devant le juge du fond afin de voir juger qu’il a manqué à son obligation de loyauté et obtenir des dommages-intérêts.
Ledit juge relève que l’expert judiciaire n’a pas caractérisé une fraude imputable au vendeur, destinée à tromper l’acquéreur, et déboute ce dernier de ses demandes.
L’acquéreur interjette appel.
Il se fonde sur :
- les constatations de l’expert qui a relevé que la comptabilité présentée par le vendeur ne satisfaisait pas aux exigences de justification du détail des ventes, aucun détail des recettes quotidiennes revendiquées ne lui ayant été communiqué,
- et sur ses conclusions selon lesquelles l’absence de justification du détail des ventes ne permettait pas de constater l’exactitude du CA enregistré en comptabilité.
Le vendeur soutient au contraire que :
- l’expert a retenu une seule incertitude formelle du détail de vente, qui repose uniquement sur le fait qu’il ne disposait pas d’une caisse enregistreuse permettant de détailler les ventes journalières,
- l’absence de justification du détail des recettes ne constitue pas une falsification des CA.
La cour d’appel juge que le rapport d’expertise versé aux débats révèle que la comptabilité du vendeur ne présentait pas les caractéristiques nécessaires pour en attester la fiabilité d’un point de vue formel ;
Cependant , elle considère que le seul rapport d’expertise ne suffit pas à établir que, lors de la cession du fonds de commerce, le vendeur a sciemment présenté à l’acquéreur une situation comptable erronée de la société, en faisant état de CA surévalués.
Par ailleurs, la cour d’appel considère que l’acquéreur ne démontre pas que la faute qu’il reproche au vendeur est à l’origine de la moins-value réalisée lors de la revente du fonds de commerce.
Elle confirme donc en toutes ses dispositions la décision du premier juge.
A retenir :
Depuis le 11 décembre 2016, le législateur incite l’acquéreur d’un fonds de commerce à étudier les CA selon le dispositif suivant :
- En application de l’article L 141-2 alinéa 1 du Code de commerce, le vendeur et l'acheteur doivent viser dans l’acte de cession un document présentant les chiffres d'affaires mensuels réalisés entre la clôture du dernier exercice comptable et le mois précédant celui de la vente.
- En application de l’article L 141-2 alinéa 2 du Code de commerce, le vendeur doit mettre ses livres comptables à la disposition de l'acheteur, si ce dernier lui demande, pendant trois ans à partir de l'entrée en jouissance.
Outre l’analyse des CA, il est recommandé de procéder à un diagnostic économique complet. L’étude des trois derniers bilans et comptes de résultat permettront de mieux comprendre les évolutions des CA et leurs effets sur les bénéfices.
Pour déterminer le prix d’un fonds de commerce, il importe :
- d’utiliser plusieurs méthodes d’évaluation (selon le CA, selon la valeur des actifs, selon le rendement …), de « recouper » les résultats et de déterminer une moyenne,
- de pondérer cette moyenne selon des critères essentiels (emplacement, conditions du bail commercial, nature de la clientèle, conjoncture économique etc…).
Cour d'appel de Dijon, 2 e ch. civ., 3 mai 2018, n° 15/01026
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