Relation commerciale établie : quel préjudice en cas de rupture brutale ?
Une récente décision de la Cour d’appel de Paris apporte des précisions sur la manière d’apprécier la durée du préavis et estimer le préjudice en cas de rupture brutale de relation commerciale établie.
Nous avions précédemment abordé les conditions pour qu'une relation commerciale soit considérée comme établie. Dans l’affaire qui nous intéresse aujourd’hui, le caractère établi de la relation ne posait pas de question, celle-ci existant depuis presque 60 ans au moment de la rupture. Cet arrêt récent de la Cour d’appel de Paris nous permet par contre d’aborder la question de l’évaluation de la durée du préavis nécessaire en cas de rupture, ainsi que l’estimation du préjudice subi en cas de non-respect dudit préavis.
Sur la durée du préavis nécessaire, la Cour rappelle en premier lieu les critères pris en compte pour évaluer cette durée, dont le principe est qu’il permette à l’entreprise victime de la rupture de se réorganiser, en trouvant un autre partenaire ou une solution de remplacement. Ces principaux critères sont l’ancienneté des relations, le degré de dépendance économique, le volume d’affaires réalisé, la progression du chiffre d’affaires, les investissements effectués, les relations d’exclusivité et la spécificité des produits en cause. En l’espèce compte tenu de tous ces critères la Cour d’appel a jugé qu’un préavis de 30 mois était nécessaire. Je rappelle que l’article L.442-1 II du Code de commerce pose le principe d’un préavis maximum de 18 mois, ce qui semble contradictoire. Cette différence s’explique par le fait que dans l’affaire jugée par la Cour d’appel, la rupture de la relation commerciale était intervenue en 2014, date à laquelle cette limitation de 18 mois n’avait pas encore été introduite dans le code de commerce.
La Cour rappelle ensuite que la durée du préavis s’apprécie au moment de la rupture de la relation commerciale. En l’espèce l’auteur de la rupture avait laissé un délai de 18 mois, avant de proposer une prorogation de 12 mois. La Cour d’appel relève que d’une part cette prolongation était tardive et d’autre part que la victime avait la possibilité de la refuser. Il est donc essentiel de laisser un préavis suffisant dès la notification de la rupture.
Ensuite, la Cour d’appel rentre dans le détail de l’estimation du préjudice. Elle rappelle d’abord qu’il n’y a pas lieu de tenir compte de circonstances postérieures à la rupture. Le préjudice est « constitué par la perte de la marge dont la victime pouvait escompter bénéficier pendant la durée du préavis qui aurait dû lui être accordé ». Elle précise ensuite qu’il faut retenir la marge sur coût variable, constituée par la différence entre le chiffre d’affaires non réalisé, déduction faite des charges non supportées du fait de la baisse d’activité résultant de la rupture.
Là où cet arrêt est intéressant, c’est qu’il précise ce calcul selon les activités concernées.
Ainsi, pour l’activité d’achat revente il précise qu’il convient de faire la différence entre « le coût des achats et le prix de leur revente, en tenant compte des frais de transports et des rabais, remises et autres ristournes, les autres frais (personnels, loyers…) restant des frais fixes de l’activité non entièrement consacrés à la vente de matériel.
Pour les activités de services accessoires relatifs aux produits (en l’occurrence des tracteurs), qui constituaient une activité essentiellement de main d’œuvre, la marge de calcule « au niveau du chiffre d’affaires, le personnel étant permanent ».
Nous rappellerons également que la Cour d’appel de Paris a développé un ensemble de fiches méthodologiques sur la réparation du préjudice, dans lesquelles elle détaille les principes de calcul avant de les appliquer à diverses situations, dont la rupture brutale de relations commerciales établies. Cette fiche apporte des précisions complémentaires, et détaille également les pièces à fournir pour justifier du préjudice invoqué.
CA Paris, 17 mai 2023, n°22/13861
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