Cession d’un fonds de commerce et violation d’une clause de non-concurrence
Le non-respect par le cédant d’une clause de non-concurrence engage sa responsabilité contractuelle et ouvre au cessionnaire la possibilité d’obtenir une indemnisation qui doit être proportionnée au préjudice en résultant.
Une société, exerçant une activité de « Pub, café, bar, cocktail et jeux », cède son fonds de commerce.
L’acte de cession contenait une clause de non-concurrence interdisant aux associés de la société cédante de :
« créer, exploiter, diriger ou faire valoir un fonds de commerce similaire en tout ou partout au fonds objet de la vente, dans un rayon de vingt kilomètres et pour une durée de cinq ans ».
Alors que les associés de la société cédante étaient encore liés par cette clause de non-concurrence, l’un de ces associés créait une nouvelle société.
Celle-ci rachetait et exploitait un fonds de commerce de « Café, Brasserie » situé six minutes à pied seulement du fonds de commerce objet de l’acte de cession comportant la clause de non-concurrence.
La société cessionnaire s’est prévalue de la clause de non-concurrence insérée dans l’acte de cession et a mis en demeure la nouvelle société de cesser l’exploitation de son fonds, en vain.
La société cessionnaire a finalement assigné la nouvelle société et son fondateur afin de faire constater la violation de la clause de non-concurrence et d’obtenir la condamnation solidaire des deux défendeurs à lui verser une indemnité de 75.000 € pour le préjudice financier qu’elle estimait avoir subi, ainsi que 10.000 € au titre du préjudice moral.
Le tribunal de commerce a considéré que l’associé de la société cédante, fondateur de la nouvelle société, avait violé la clause de non-concurrence insérée à l’acte de cession de fonds de commerce et engageait sa responsabilité contractuelle à ce titre.
Le tribunal de commerce a également jugé que la responsabilité délictuelle de la nouvelle société était engagée, pour les mêmes raisons.
Cependant, il a condamné les défendeurs à payer chacun à la société cessionnaire une indemnité limitée à 1 euro au titre du préjudice financier et a débouté cette dernière de ses autres demandes.
La société cessionnaire a interjeté appel de ce jugement et sollicité sa réformation s’agissant du montant des dommages-intérêts alloués au titre du préjudice financier et du rejet de ses autres demandes de dommages-intérêts.
L’appel portait par conséquent uniquement sur le montant des dommages et intérêts sollicités par la société cessionnaire.
Après avoir rappelé le principe de la réparation intégrale du préjudice subi, la Cour d’appel d’Orléans a souligné qu’il appartenait néanmoins à la société cessionnaire de rapporter la preuve de l’existence et de l’étendue du préjudice subi du fait de la violation de la clause de non-concurrence insérée à l’acte de cession du fonds de commerce.
La Cour d’appel d’Orléans précise également que la société cessionnaire n’a pas versé au débat de bilan comptable et d’explications susceptibles de justifier le quantum des dommages-intérêts qu’elle sollicite.
Malgré cela, elle se livre à une analyse minutieuse des situations respectives des deux fonds de commerce exploités par les parties à l’instance, pour évaluer le montant du préjudice financier subi par la société cessionnaire.
La Cour d’appel prend en compte les horaires d’ouverture des deux établissements pour établir la plage horaire pendant laquelle ils sont ouverts en même temps, l’éloignement géographique entre les deux établissements, la nature de leur activité et la durée de la violation de la clause de non-concurrence.
Elle constate que les deux établissements sont tous les deux ouverts entre 17 heures et 20 heures, se situent à 6 minutes à pied l’un de l’autre et permettent tous les deux la consommation de boissons à une heure de forte affluence.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments et du fait que la violation de la clause de non-concurrence a perduré pendant 18 mois, le préjudice financier de la société cessionnaire est estimé à la somme de 10.000 € par la Cour d’appel d’Orléans.
S’agissant des autres préjudices allégués, la Cour d’appel déboute la société cessionnaire de ses demandes, au motif que cette dernière n’établit pas l’existence d’un préjudice moral, ni que la persistance délibérée de la violation de la clause constituerait un préjudice supplémentaire ouvrant droit à réparation.
La Cour d’appel d’Orléans se livre à une analyse in concreto des facteurs locaux de commercialité des fonds de commerce dont l’exploitation est l’objet du litige.
Ce faisant, elle permet de garantir l’effectivité de la clause de non-concurrence insérée dans l’acte de cession du fonds de commerce litigieux en censurant les juges de première instance qui n’ont accordé qu’une réparation symbolique.
Cet arrêt est particulièrement favorable au cessionnaire du fonds de commerce car en plus de rendre effective la clause de non-concurrence qui le protège, la Cour supplée la carence de celui-ci dans l’administration de la preuve de son préjudice en faisant une estimation du quantum des dommages-intérêts.
La Cour d’appel appuie son raisonnement sur les facteurs locaux de commercialité et les conditions d’exploitation des fonds de commerce concurrents.
Cour d'appel d’Orléans, chambre commerciale, 29 février 2024 – n°21/01356
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