jeudi 5 septembre 2024
Entre 2016 et 2018, le Ministre de l’Economie et des Finances (ci-après le « Ministre ») a mené une enquête l’ayant conduit à soupçonner l’existence de pratiques restrictives de concurrence exercées par un groupement d’achat de droit belge à l’égard de fournisseurs établis en France.
Le Ministre a, par la suite, assigné des groupements de droit belge et français, estimant que les pratiques soupçonnées avaient effectivement été réalisées par ceux-ci.
L’assignation avait pour objet de voir constater un déséquilibre significatif opéré par les groupements, et de les condamner in solidum au paiement d’une amende civile de 117,30 millions d’euros.
Devant le Tribunal de commerce de Paris, les groupements de droit Belge ont soulevé in limine litis, une exception d’incompétence pour contester la compétence internationale de celui-ci pour connaître de l’action intentée par le Ministre.
Le Tribunal de commerce a dit l’exception d’incompétence recevable mais mal fondée et s’est déclaré compétent pour statuer sur le respect de l’article L.442-6 I (devenu L. 442-1 I) sur le territoire français.
Il a notamment fondé cette compétence sur le règlement Bruxelles I Bis (Règlement UE n°1215/2012 du 12 décembre 2012), en ce que le litige se rapporte à la matière civile et commerciale au sens de celui-ci, et à l’application de l’article 7.2 au regard de la nature quasi-délictuelle dudit litige.
Le Tribunal a retenu la France comme lieu de dommage en ce que l’action du Ministre vise la protection de l’ordre public français.
Les groupements de droit Belge ont interjeté appel de cette décision.
La Cour d’appel a renvoyé à la Cour de justice de l’Union européenne (« CJUE ») une question préjudicielle relative au l’interprétation de la notion de matière « civile et commerciale » au sens du règlement Bruxelles I Bis au regard de l’action du Ministre dans le cadre de l’article L. 442-6 I, 2° du Code de commerce.
La CJUE a dit pour droit que « La notion de "matière civile et commerciale", au sens de cette disposition, n'inclut pas l'action d'une autorité publique d'un État membre contre des sociétés établies dans un autre État membre aux fins de faire reconnaître, sanctionner et cesser des pratiques restrictives de concurrence à l'égard de fournisseurs établis dans le premier État membre, lorsque cette autorité publique exerce des pouvoirs d'agir en justice ou des pouvoirs d'enquête exorbitants par rapport aux règles de droit commun applicables dans les relations entre particuliers. »
La Cour d’appel a premièrement analysé la possibilité, pour le Tribunal de commerce, de se déclarer compétent pour connaître de l’action du Ministre sur le fondement du règlement Bruxelles I Bis.
Elle rappelle qu’au terme de son article 1er § 1, ce règlement s’applique en matière civile et commerciale, quelle que soit la nature de la juridiction. Elle rappelle ensuite qu’aux termes de la jurisprudence de la CJUE, c’est la manifestation de prérogatives de puissance publique par l’une ou l’autre des parties au litige qui exclut du champ d’application le règlement.
La Cour relève que l’action en cause au principal ayant pour objet la défense de l’ordre public économique français a été introduite sur la base d’éléments de preuve obtenus dans le cadre de visites sur les lieux et de saisies de documents. Or de tels pouvoirs sont exorbitants du droit commun, non seulement ils ne peuvent être mis en œuvre par des personnes privées, mais en outre, toute personne s’y opposant encourt une peine d’emprisonnement et une amende.
Elle en déduit que le Ministre produisant au soutien de son action des éléments de preuve obtenus l’ont été suivant des pouvoirs exorbitants du droit commun.
En somme, l’action intentée par le Ministre à l’encontre des groupements de droit belge constitue un acte accompli dans l’exercice de la puissance publique au sens du règlement Bruxelles I Bis et ne relève donc pas de la matière civile et commerciale.
La Cour d’appel analyse dans un deuxième temps la possibilité de fonder la compétence du Tribunal de commerce de Paris par l’application du droit international privé.
Elle rappelle à cet effet que l’extranéité des parties n’est pas en soi une cause d’incompétence des juridictions françaises, et que lorsqu’il n’existe ni convention internationale, ni règlement européen relatif à la compétence judiciaire, la compétence internationale se détermine par extension des règles de compétence territoriale interne.
En l’occurrence, la Convention entre la France et la Belgique (Convention entre la France et la Belgique sur la compétence judiciaire, sur l’autorité et l’exécution des décisions judiciaires, des sentences arbitrales et des actes authentiques conclue le 8 juillet 1899) prévoit un principe d’assimilation de l’étranger au national.
La Cour suit l’argumentation du Ministre en statuant qu’il ressort des dispositions de la Convention que sont applicables les règles de compétence territoriale interne du for du juge saisi, à savoir les règles de compétence territoriale française.
L’action du Ministre, de nature civile, obéit donc aux règles du code de procédure civile. Aux termes de l’article 42 al. 2 du Code de procédure civile, en cas de pluralité de défendeurs, le demandeur peut saisir à son choix la juridiction du lieu ou demeure l’un d’eux.
Le Ministre qui avait assigné les groupements de droit français devant le Tribunal de commerce de Paris était donc également fondé à assigner devant le même Tribunal les groupements de droit Belge, dès lors que l’objet de la demande était le même à l’égard de chacune des parties attraites dans la cause.
Action du Ministre et compétence du Tribunal de commerce de Paris
En application des dispositions internes du Code de procédure civile, le Tribunal de commerce de Paris est territorialement compétent pour connaître de l’action du Ministre à l’encontre de sociétés de droit belge.
La Cour d’appel de Paris (21 février 2024, n°21/09001) a confirmé la compétence territoriale du Tribunal de commerce de Paris pour connaître de l’action du Ministre de l’Economie et des Finances à l’encontre de sociétés de droit belge.Entre 2016 et 2018, le Ministre de l’Economie et des Finances (ci-après le « Ministre ») a mené une enquête l’ayant conduit à soupçonner l’existence de pratiques restrictives de concurrence exercées par un groupement d’achat de droit belge à l’égard de fournisseurs établis en France.
Le Ministre a, par la suite, assigné des groupements de droit belge et français, estimant que les pratiques soupçonnées avaient effectivement été réalisées par ceux-ci.
L’assignation avait pour objet de voir constater un déséquilibre significatif opéré par les groupements, et de les condamner in solidum au paiement d’une amende civile de 117,30 millions d’euros.
Devant le Tribunal de commerce de Paris, les groupements de droit Belge ont soulevé in limine litis, une exception d’incompétence pour contester la compétence internationale de celui-ci pour connaître de l’action intentée par le Ministre.
Le Tribunal de commerce a dit l’exception d’incompétence recevable mais mal fondée et s’est déclaré compétent pour statuer sur le respect de l’article L.442-6 I (devenu L. 442-1 I) sur le territoire français.
Il a notamment fondé cette compétence sur le règlement Bruxelles I Bis (Règlement UE n°1215/2012 du 12 décembre 2012), en ce que le litige se rapporte à la matière civile et commerciale au sens de celui-ci, et à l’application de l’article 7.2 au regard de la nature quasi-délictuelle dudit litige.
Le Tribunal a retenu la France comme lieu de dommage en ce que l’action du Ministre vise la protection de l’ordre public français.
Les groupements de droit Belge ont interjeté appel de cette décision.
La Cour d’appel a renvoyé à la Cour de justice de l’Union européenne (« CJUE ») une question préjudicielle relative au l’interprétation de la notion de matière « civile et commerciale » au sens du règlement Bruxelles I Bis au regard de l’action du Ministre dans le cadre de l’article L. 442-6 I, 2° du Code de commerce.
La CJUE a dit pour droit que « La notion de "matière civile et commerciale", au sens de cette disposition, n'inclut pas l'action d'une autorité publique d'un État membre contre des sociétés établies dans un autre État membre aux fins de faire reconnaître, sanctionner et cesser des pratiques restrictives de concurrence à l'égard de fournisseurs établis dans le premier État membre, lorsque cette autorité publique exerce des pouvoirs d'agir en justice ou des pouvoirs d'enquête exorbitants par rapport aux règles de droit commun applicables dans les relations entre particuliers. »
La Cour d’appel a premièrement analysé la possibilité, pour le Tribunal de commerce, de se déclarer compétent pour connaître de l’action du Ministre sur le fondement du règlement Bruxelles I Bis.
Elle rappelle qu’au terme de son article 1er § 1, ce règlement s’applique en matière civile et commerciale, quelle que soit la nature de la juridiction. Elle rappelle ensuite qu’aux termes de la jurisprudence de la CJUE, c’est la manifestation de prérogatives de puissance publique par l’une ou l’autre des parties au litige qui exclut du champ d’application le règlement.
La Cour relève que l’action en cause au principal ayant pour objet la défense de l’ordre public économique français a été introduite sur la base d’éléments de preuve obtenus dans le cadre de visites sur les lieux et de saisies de documents. Or de tels pouvoirs sont exorbitants du droit commun, non seulement ils ne peuvent être mis en œuvre par des personnes privées, mais en outre, toute personne s’y opposant encourt une peine d’emprisonnement et une amende.
Elle en déduit que le Ministre produisant au soutien de son action des éléments de preuve obtenus l’ont été suivant des pouvoirs exorbitants du droit commun.
En somme, l’action intentée par le Ministre à l’encontre des groupements de droit belge constitue un acte accompli dans l’exercice de la puissance publique au sens du règlement Bruxelles I Bis et ne relève donc pas de la matière civile et commerciale.
La Cour d’appel analyse dans un deuxième temps la possibilité de fonder la compétence du Tribunal de commerce de Paris par l’application du droit international privé.
Elle rappelle à cet effet que l’extranéité des parties n’est pas en soi une cause d’incompétence des juridictions françaises, et que lorsqu’il n’existe ni convention internationale, ni règlement européen relatif à la compétence judiciaire, la compétence internationale se détermine par extension des règles de compétence territoriale interne.
En l’occurrence, la Convention entre la France et la Belgique (Convention entre la France et la Belgique sur la compétence judiciaire, sur l’autorité et l’exécution des décisions judiciaires, des sentences arbitrales et des actes authentiques conclue le 8 juillet 1899) prévoit un principe d’assimilation de l’étranger au national.
La Cour suit l’argumentation du Ministre en statuant qu’il ressort des dispositions de la Convention que sont applicables les règles de compétence territoriale interne du for du juge saisi, à savoir les règles de compétence territoriale française.
L’action du Ministre, de nature civile, obéit donc aux règles du code de procédure civile. Aux termes de l’article 42 al. 2 du Code de procédure civile, en cas de pluralité de défendeurs, le demandeur peut saisir à son choix la juridiction du lieu ou demeure l’un d’eux.
Le Ministre qui avait assigné les groupements de droit français devant le Tribunal de commerce de Paris était donc également fondé à assigner devant le même Tribunal les groupements de droit Belge, dès lors que l’objet de la demande était le même à l’égard de chacune des parties attraites dans la cause.
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