Analyse de la brutalité de la rupture en présence de relations commerciales croisées
vendredi 24 janvier 2025

Analyse de la brutalité de la rupture en présence de relations commerciales croisées

La Cour d’appel de Paris examine la brutalité de la rupture d’une relation commerciale présentant plusieurs particularités. Elle apporte des éclaircissements pour appréhender une reprise d’activité, des relations commerciales croisées entre les parties et une forte dépendance économique. 

Appelée à statuer sur l’appel d’un jugement du Tribunal de Commerce de Lille, la Cour d'appel de Paris, par décision du 11 septembre 2024, est invitée à analyser la rupture de la relation commerciale établie entre la SARL Harel et la SAS Plastipak Packaging France, qui présente plusieurs particularités. 

Tout d’abord, quelques mots sur le contexte factuel : 

La société Harel a pour activité principale la collecte de déchets plastiques qu’elle commercialise sous forme de « balles de bouteilles ». En 2013, elle a entretenu une relation commerciale avec la société Appe France, laquelle transformait les déchets plastiques en paillettes qui sont revendues ou exploitées pour réaliser des matériaux recyclés. Appe France a fait l’objet d’une procédure d’insolvabilité par le Tribunal de commerce de Barcelone, et son activité a été reprise par la société SAS Plastipak Packaging France en 2015. 

La relation commerciale entre la société Harel et la société Plastipak Packaging France n’était pas encadrée par un contrat écrit mais par une succession de bons de commande et de factures. Elle avait pour particularité d’être une relation commerciale « croisée » : la société Harel était à la fois fournisseur de balles de bouteilles et acquéreur des résidus de déchets de la société Plastipak Packaging France. 

Parallèlement, la société Harel avait mis à disposition de son partenaire commercial, à titre gratuit, des caisses métalliques de stockage. Suite à la dégradation de près de la moitié d’entre elles, la société Harel a émis des factures, lesquelles étaient contestées. 

C’est sur le fondement de ces impayés que la société Harel a mis fin à leur relation commerciale croisée en 2020. Dans le cadre de la procédure, la société Harel soutient que la rupture des relations commerciales est exclusivement imputable à la société Plastipak qui avait, en l’espace d’un mois, tari le flux de commandes et divisé ses ventes par deux. 

Sur le fond, cette relation commerciale avait plusieurs particularités :  

Tout d’abord, la Cour examine la notion de « relation commerciale » en l’absence de contrat écrit entre les parties. La Cour rappelle que l’existence d’une relation n’est soumise à aucun formalisme, mais que la relation peut être caractérisée par une convention ou une succession d’accords poursuivant un objectif commun. 

Ensuite, la Cour examine la notion de « relation établie » et notamment de sa durée, en présence d’une activité qui était initialement exercée par la société Appe, reprise par la société Plastipak. Sur ce point, la Cour rappelle que la poursuite de la relation par une personne distincte de celle qui l'a nouée initialement ne fait pas obstacle à sa stabilité en présence d'une transmission universelle de patrimoine et, à défaut, si des éléments démontrent que la commune intention des parties était de continuer la même relation. En l’occurrence, en l’absence de preuve de la commune intention de reprendre le partenariat établi avec la société Appe, qui ne peut résulter de la seule poursuite de la relation aux mêmes conditions et avec le même personnel, la Cour ne tiendra pas compte de la période 2013-2015 dans la durée de la relation commerciale établie

Une autre particularité de cette affaire est le fait que les parties entretenaient des relations commerciales croisées. La Cour les a dissociées pour retenir que la rupture brutale n’était caractérisée que par le tarissement des commandes de Plastipak (acquéreur) auprès de Harel (fournisseur) ; en effet, n’était pas établi le refus de vente par Plastipak à Harel de ses résidus de déchet. 

Enfin, tenant compte de la durée de la relation, de l’imprévisibilité totale de sa cessation, des caractéristiques du flux d'affaires en progression quasi constante, des possibilités de réorganisation acquises mais forte dépendance économique de plus de 50 %, la Cour a fixé à 6 mois la durée du préavis raisonnable dont la société Harel aurait dû bénéficier ; doublant ainsi la durée du préavis raisonnable qui avait été arrêté en première instance. 

Sur la base de l’ensemble de ces éléments, la Cour chiffre le gain manqué par la société Harel et condamne la société Plastipak à l’indemniser au titre de la rupture brutale dont elle s’est rendue responsable.

Nos solutions

Vous êtes un fournisseur victime d’une brusque baisse des achats ou d’un arrêt brutal de la relation d’affaires avec un client.

GOUACHE AVOCATS vous assiste pour obtenir une indemnisation de ce fait.

Vous êtes un client et souhaitez changer de fournisseur. Veillez à préparer cette séparation pour ne pas être responsable d’une rupture brutale de relation commerciale établie au sens de l’article L. 441-6 du Code de commerce.

GOUACHE AVOCATS vous aide à caractériser la faute de votre fournisseur permettant d’en changer sans préavis ou, en l’absence de faute, à déterminer le préavis auquel il a raisonnablement droit.