Loyers des baux commerciaux et crise sanitaire
lundi 26 avril 2021

Loyers des baux commerciaux et crise sanitaire

Les errements jurisprudentiels contraignent les preneurs à s’organiser : ils doivent privilégier l’esprit de médiation et, parallèlement, affuter l’arme de la révision légale.
  

I. Le juge, freiné par des raisons morales, piétine dans l’application de la règle de droit 

Dans le contexte de la crise sanitaire, des preneurs avisés, dont les activités sont affectées par des mesures administratives (ayant pour conséquences une fermeture ou une réduction de l’activité), ont notifié à leur bailleur une argumentation technique, tirée du droit commun des contrats, à savoir : 

- force majeure (article 1228 du code civil), 
- exception d’inexécution (article 1217 et suivants du code civil), 
- perte partielle de la chose (article 1722 du code civil), 
- disproportion manifeste (1221 du code civil), 
- imprévision (article 1195 du code civil).

En effet, ces mesures administratives destinées à lutter contre la pandémie de COVID-19 constituent un cas de force majeure qui suspend l’obligation au paiement des loyers durant les périodes où l’exploitation est rendue impossible.

Et si le bailleur, empêché d'exécuter son obligation de délivrance pour cause de force majeure, n’a pas le devoir de réparer le dommage subi par le preneur, il ne peut, en revanche, exiger de ce dernier qu'il continue d’exécuter son obligation de payer.

En ce sens, le Juge des référés du Tribunal Judiciaire de Paris a rendu une décision sur le fondement de la théorie de l’exception d’inexécution. Il a considéré que le locataire pouvait soutenir qu’en l’absence de fourniture d’un local exploitable conformément au bail, et même si cette situation ne relevait pas d’un manquement du bailleur à ses obligations mais de la force majeure, il devait pouvoir lui-même cesser d’exécuter son obligation corrélative de régler son loyer (Référés Paris 21 janvier 2020, n°20/58571 ; et 20/55585).

Par ailleurs, le Juge de l’Exécution du Tribunal Judiciaire de Paris a jugé, sur le fondement de l’article 1722 du Code civil, que l’impossibilité juridique survenue en cours de bail, résultant d’une décision des pouvoirs publics, d’exploiter les locaux loués est assimilable à la perte temporaire de la chose louée. Celle-ci a pour effet de libérer le preneur de l’obligation de payer le loyer aussi longtemps qu’il ne peut jouir de la chose louée (JEX Paris 20 janvier 2021, n°20/80923). 

La Cour d’appel de Versailles statuant en matière de référé (CA, Versailles, 14ème chambre, 4 mars 2021, n°20/02572) et même le juge du fond (TJ La Rochelle, 23 mars 2021, n° 20/02428) ont également retenu ce fondement  !

Sur le plan juridique, en conséquence, , les obligations réciproques des parties ayant disparu pendant les périodes provisoires de fermeture, les preneurs ne sont pas tenus au paiement des loyers correspondants. 

Pourtant, le juge hésite à reconnaître l’évidence. Au lieu d’appliquer la règle de droit, rappelée ci-dessus, il croit devoir statuer en équité.

Ainsi, trop souvent, et de façon erronée, , il « sauve » les bailleurs en retenant leur absence de faute. 

La Cour d’appel de Paris a par exemple récemment considéré que le preneur devait payer les loyers au motif qu’aucun manquement lié à la période de confinement n’était établi à l’encontre du bailleur (CA, Paris, pôle 1, ch. 2, 18 mars 2021, n° 20/13262).

Or, comme nous l’avons vu précédemment, la règle de droit n’invite pas le juge à se placer sur le fondement de la responsabilité mais, bien au contraire, à constater objectivement les effets de la crise sanitaire sur les obligations réciproques du contrat.

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II. Les vertus de la négociation des loyers commerciaux selon un processus structuré 

Les atermoiements du juge contraignent les preneurs à rechercher des solutions transigées, mutuellement acceptables.

Le Pôle immobilier du Cabinet Gouache avocats, dont Maître Stéphane Ingold est l’associé responsable, a depuis le début de la crise, privilégié la voie amiable en organisant des réunions sous forme de visioconférences dans un esprit de médiation.

Cette approche, au cas par cas, et sous le sceau de la confidentialité, en suivant un processus structuré, permet de dénouer un certain nombre de blocages et d’obtenir des abandons de loyers.

Maître Stéphane Ingold, formé aux techniques de négociation raisonnées, utilise sa casquette de médiateur pour inciter les parties à quitter leur posture judiciaire.

La démarche est vertueuse puisque la solution n’est pas imposée par un tiers (juge, arbitre ou conciliateur). Les Parties la coconstruisent !

Le juge a validé l’approche du Cabinet Gouache, mise en place dès mi-mars 2020.

En effet, la jurisprudence sur la question du paiement des loyers COVID-19 a souligné l’importance de la loyauté contractuelle et la nécessité de proposer des solutions consistant à ajuster les clauses et conditions du bail.

Ainsi, le Tribunal judiciaire de Paris a jugé que « les parties sont tenues, en cas de circonstances exceptionnelles, de vérifier si ces circonstances ne rendent pas nécessaire une adaptation des modalités d’exécution de leurs obligations respectives » (Référés Paris 21 janvier 2020, n°58571 et n°55750). 

Dès lors, les preneurs ont tout intérêt à « jouer » le jeu de la négociation selon un processus structuré, 

La Loi place en outre un certain nombre de preneurs en position de force : l’article 14 de la Loi n°2020-1379 du 14 novembre 2020 empêche en effet toute action, sanction, voie d’exécution forcée, intérêts, pénalités, acquisition de la clause résolutoire au titre du non-paiement des loyers impayés. Ces dispositions s’appliquent à compter du début des mesures administratives et jusqu’à 2 mois après la fin de ces mesures.

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III. Le véritable enjeu des négociations :  la fixation du loyer à la valeur locative code de commerce 


Bien entendu, il est essentiel que les preneurs obtiennent de leur bailleur des mesures d’accompagnement pour faire face à la crise sanitaire.

Cependant, elles seront limitées dans le temps : elles dépendent des périodes d’impossibilité d’exploitation qui devraient se terminer dans les prochaines semaines ...

Le véritable enjeu pour la relance de l’activité n’est donc pas d’obtenir des abandons ponctuels de loyers mais surtout une baisse définitive de ce loyer jusqu’au terme du bail.

La révision légale est extrêmement efficace lorsque ses conditions sont remplies.

Ce dispositif est prévu par l’article L 145-38 du code de commerce. Le preneur doit rapporter la preuve de ce que :

- la dernière fixation du loyer est intervenue depuis plus de trois années,

- la valeur locative, déterminée selon les dispositions du code de commerce (ou valeur locative « code de commerce »), est inférieure au loyer en vigueur. Or, cette valeur locative est actuellement en baisse du fait des nombreuses crises ayant affecté les activités des preneurs : les grèves, le mouvement des gilets jaunes et la crise sanitaire, et l’accroissement corrélatif des ventes en ligne.

- cette valeur locative a baissé de plus de 10 % du fait d’une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité. Cette modification matérielle s’illustre en général par des travaux réalisés dans l’environnement commercial et, en période de crise, par de la vacance commerciale (locaux voisins non exploités).


La valeur locative déterminée selon les dispositions du code de commerce est mécaniquement, en application de ces dispositions, inférieure à la valeur locative de marché, qui correspond au loyer de locaux libres de toute occupation (c’est-à-dire à la contrepartie financière lors de la prise à bail).

Un preneur, soucieux d’optimiser le coût de son emplacement, doit envisager la mise en place d’une action en révision à la baisse de son loyer.

Le Pôle immobilier du Cabinet Gouache avocats a créé un outil qui permet d’étudier l’opportunité d’une telle action en sondant la valeur locative code de commerce de cet emplacement grâce à son testeur de loyer. 

Ce testeur, consultable gratuitement sur le site du Cabinet Gouache avocats, permet d’obtenir un premier résultat gratuit, en interrogeant la base de son partenaire expert judiciaire en évaluation de valeur locatives, le cabinet Colomer Expertises. Le testeur permet d’obtenir une fourchette de valeur de marché, et de valeur locative code de commerce, ainsi qu’un indice de fiabilité. En cas d’opportunité d’obtenir une réduction de loyer, un avis succinct délivré par Colomer Expertises et une feuille de route juridique de Gouache Avocats permettent au preneur de débuter ses négociations avec le bailleur.

L’argument de la révision légale constitue un levier de négociation bien plus fort que la preuve d’un taux d’effort (rapport entre le loyer et le chiffre d’affaires) qui ne serait plus acceptable ou démesuré au regard de la nature de l’activité du preneur.

En effet, le juge ne peut malheureusement pas tenir compte de ce taux d’effort : il n’est pas un élément de la valeur locative au sens des dispositions du code de commerce.

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