Clauses annulées dans les contrats de franchise Subway pour déséquilibre significatif
Plusieurs clauses contractuelles jugées déséquilibrées au détriment des franchisés, ont été annulées par le Tribunal de commerce de Paris dans une décision du 13 octobre 2020 (RG 2017005123). Il a sanctionné Subway d’une amende civile pour trouble grave et manifeste porté à l’ordre public économique.
Déséquilibre significatif dans le contrat de franchise Subway
En 2015, l’enseigne de restauration rapide Subway et son réseau de 400 restaurants franchisés ont fait l’objet d’une enquête de la DGCCRF sur les pratiques commerciales entre franchiseur et franchisés, concluant au déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. Le 13 octobre 2020, dans le litige qui oppose depuis 2017 la franchise Subway au Ministère de l’Économie (et plusieurs franchisés intervenus volontairement à l’instance), le Tribunal de commerce de Paris a rendu un jugement dont l’importance va au-delà du seul réseau de sandwichs sur mesure. En annulant plusieurs clauses contractuelles jugées déséquilibrées au détriment des franchisés et en sanctionnant Subway d’une amende civile de 500 000 euros – équivalent à 3,5% de son chiffre d’affaires avec les franchisés en France en 2018 – pour trouble grave et manifeste porté à l’ordre public économique, le Tribunal de commerce a frappé un grand coup, obligeant les rédacteurs de contrat de franchise et les têtes de réseaux qui les mandatent à ce titre, à une vigilance accrue.
Considérant tout d’abord que Subway refusait à ses franchisés toute négociation des clauses litigieuses, soumettant ceux-ci ou tentant de les soumettre à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, comme l’exige l’article L. 442-6, I, 2° ancien du code de commerce (désormais L. 442-1, I, 2°), le Tribunal rappelle incidemment à toutes les têtes de réseaux qu’il convient de se ménager la preuve d’une négociation des termes du contrat. L’analyse des clauses du contrat Subway a permis au Tribunal d’établir comme il se devait pour qualifier le déséquilibre significatif, « à la fois que la clause soit en faveur du franchiseur, n’apporte aucune contrepartie au franchisé (…) et ne soit pas compensée dans un rééquilibrage global du contrat. » Le Ministre contestait alors certaines clauses qui se sont avérées équilibrées aux yeux du Tribunal. Cependant, ce dernier a jugé que « le concours de plusieurs clauses significativement déséquilibrées », non rééquilibrées par d’autres clauses en faveur du franchisé, caractérisait « le déséquilibre significatif du contrat » dans son intégralité.
Ce faisant, et considérant de prime abord que le contrat Subway n’avait pu être négocié, le Tribunal semble appliquer la définition du contrat d’adhésion de l’article 1110, al. 2 du code civil comme « celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l'avance par l'une des parties » et dans lequel, selon l’article 1171 du code civil, « toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite ».
La question du déséquilibre significatif quant à elle, dans les contrats de distribution, a souvent été abordée sous l’angle du caractère incontournable du cocontractant. En effet, c’est dans le secteur de la grande distribution à dominante alimentaire que l’on peut trouver trace de litiges ayant tourné en faveur du membre du réseau au détriment de la tête de celui-ci, du fait que le peu d’acteurs sur le marché la rendait quasiment incontournable. En l’espèce, Subway faisait valoir qu’elle n’était pas, en tant que tête de réseau de restauration rapide, incontournable du fait d’un grand nombre d’enseignes concurrentes. Ainsi, un franchisé pouvait difficilement avancer avoir dû contracter à de telles conditions sans avoir eu réellement le choix de contracter. Le Tribunal fait pourtant complètement abstraction de cet état de fait et sanctionne Subway, donnant raison au Ministre, en annulant certaines clauses du contrat de franchise, considérant que celui-ci n’avait pu être négocié et soumettait le franchisé à des obligations déséquilibrées compte tenu de celles du franchiseur :
- Clause relative aux horaires d’ouverture des restaurants :
Le contrat Subway stipule que « tous les restaurants doivent être ouverts 7 jours par semaine, pour un minimum de 98 heures par semaine ». Les juges ont retenu le caractère déséquilibré de la clause dans la mesure où il s’agit d’une obligation non négociable à la signature du contrat ne prenant pas en compte les spécificités de la localisation du point de vente des franchisés, imposant à ceux-ci des conditions contraignantes que seul le franchiseur peut alléger unilatéralement.
Le savoir-faire peut pourtant pousser le franchiseur à imposer que le restaurant demeure ouvert le plus largement possible sur une semaine. Il s’agit même dans le cadre de la restauration rapide d’un de ses fondements : où que le chaland aille, il sait qu’il peut trouver un Subway ouvert à proximité. Si le Tribunal s’est attardé ici sur le fait que le franchiseur pouvait, sans que le contrat n’encadre ce droit, offrir des dérogations au franchisé, il apparaît tout autant judicieux de justifier dans le contrat le recours à de tels horaires par le respect du savoir-faire, que d’encadrer dans le contrat les possibilités de modifier ces horaires afin de ne pas laisser au franchiseur un droit discrétionnaire.
- Clause d’exclusivité territoriale du contrat de franchise :
Le contrat Subway stipule un droit illimité du franchiseur à faire concurrence à ses franchisés du fait de l’absence d’exclusivité territoriale. Le Tribunal ne revient pas sur cette absence de découpage territorial qui demeure possible en matière de franchise, mais a cependant annulé ces clauses « en ce qu’elles ne permettent pas au franchisé de préempter une nouvelle implantation décidée par Subway qui lui ferait territorialement concurrence et de pouvoir résilier dans une telle circonstance le contrat relatif à son actuel emplacement ».
L’exclusivité territoriale n’est pourtant pas une condition d’existence et de qualification du contrat de franchise. A ce titre, le fait même de limiter l’activité d’un commerçant à un territoire, va à l’encontre de la liberté du commerce et de l’industrie, et ce n’est que dans un cadre exceptionnel tel que l’organisation d’un réseau de distribution, que ces clauses sont acceptées. Le tribunal semble pourtant vouloir en faire un principe.
- Clause relative à l’assurance :
Le contrat Subway prévoit que, dans le cas où les franchisés ne respectent pas leurs obligations en matière d’assurance, le franchiseur peut être amené – pour faire respecter cette obligation d’assurance – à dépenser des frais incluant notamment « les frais d’arbitrage, les frais d’avocat, le temps de préparation, les frais de témoignage et de voyage », ces sommes étant soumises à remboursement par les franchisés. Compte tenu de l’absence d’un montant maximum permettant d’encadrer ces dépenses par le franchiseur, le Tribunal a considéré que la clause était déséquilibrée au détriment des franchisés.
Si une telle clause n’est pas bilatérale au sein du contrat, elle apparaît évidemment déséquilibrée. Si en revanche elle est bilatérale et prévoit un montant maximal, il ne peut être question de déséquilibre.
- Clause relative à la durée du contrat de franchise :
Le contrat de franchise Subway est conclu pour une durée de 20 ans et renouvelé automatiquement pour des périodes supplémentaires de 20 ans, sauf dénonciation un an avant une période de renouvellement. Le Tribunal de commerce s’est contenté de rappeler la teneur de l’article L. 330-1 du code de commerce, limitant la clause d’exclusivité dans un contrat de franchise à 10 ans. Il estime ainsi que la durée du contrat de franchise doit suivre celle de la clause d’exclusivité, ce qui semble somme toute logique dans la mesure où le contrat ne peut laisser croire au franchisé que la validité de la clause d’exclusivité irait au-delà des 10 ans prévus par la loi, ce qui était le cas en l’espèce.
- Clauses relatives à la résiliation du contrat de franchise :
Les juges prononcent la nullité d’une clause permettant à Subway de résilier le contrat dans le cas où le franchisé devient insolvable, sans toutefois caractériser la situation d’insolvabilité.
Le Tribunal annule également un ensemble de stipulations qui, réunies, permettent au franchiseur après deux retards ou omissions de paiement – y compris de montants infimes ou résultant de circonstances exceptionnelles – sur une période d’un an, de résilier le contrat.
Le Tribunal prononce encore la nullité de la clause pénale de redevance de 175 € par jour prévue, à l’issue du contrat, pour le retard pris par le franchisé dans la transformation de son ancien restaurant afin d’en faire disparaître les signes de ralliement de la clientèle « dans un délai raisonnable ». Les juges ont alors estimé que la notion de « délai raisonnable » dépendait du seul franchiseur et qu’il convenait de prévoir plus précisément les éléments que le franchisé devrait faire disparaître. En cas de faute du franchisé, le franchiseur n’aura d’autre possibilité que de saisir les tribunaux.
En réalité, la notion de délai raisonnable fait référence à l’usage. Le pouvoir d’appréciation de ce qui est l’usage en vigueur est laissé non pas au franchiseur, mais au juge. Dans le cadre de la disparition des éléments de la franchise, ce délai raisonnable revient en fait au délai des travaux pour ce faire notamment.
- Clauses relatives au droit applicable et aux juridictions compétentes en cas de litige :
Le contrat Subway stipule la compétence d’un tribunal arbitral new-yorkais en cas de litige, lequel devrait être tranché en suivant les dispositions du droit néerlandais. Les juges ont considéré qu’un commerçant français ne pourrait spontanément accepter d’être soumis au droit néerlandais, qui plus est s’il convient de saisir un tribunal arbitral à l’étranger. Le Tribunal a donc annulé ces deux clauses.
D'autres clauses du contrat de franchise n'ont pas été annulées pour déséquilibre significatif
D’autres clauses, contestées par le Ministre de l’économie et les franchisés parties à l’instance, ont été laissées en l’état par le Tribunal :
- Clause relative au droit d’entrée et à la formation initiale :
Le contrat Subway permet au franchiseur de conserver le droit d’entrée versé à la signature du contrat par le franchisé (10.000 euros, l’un des moins onéreux du marché), en cas d’échec du franchisé au test suivant la formation initiale que lui transmet le franchiseur. Le Tribunal n’a pas estimé qu’un déséquilibre significatif pouvait résulter de cette clause étant donné que la tête de réseau permettait largement au franchisé d’obtenir le précieux sésame grâce notamment à un rattrapage en cas d’échec à l’examen. Par ailleurs, les investissements du franchiseur en termes de formation et d’accompagnement du franchisé avant même l’ouverture du restaurant justifient selon les juges qu’il puisse conserver le droit d’entrée.
- Clause relative au paiement des redevances :
Le contrat Subway stipule un prélèvement hebdomadaire des redevances et stipule des pénalités en cas de retard de paiement de celles-ci par le franchisé. Le tribunal a estimé que compte tenu du fait que les franchisés Subway sont pour la plupart des nouveaux entrepreneurs, ce prélèvement hebdomadaire apparaissait « davantage comme une aide à la gestion que comme une contrainte, évitant aux franchisés de « boire le fonds de commerce ». Les juges rappellent également que les pénalités de retard étant prévues par le législateur, la même pratique contractuelle ne peut être synonyme de déséquilibre significatif.
- Portée juridique du préambule :
Le Ministre de l’économie avançait que le préambule du contrat tendait à dégager le franchiseur de toute responsabilité notamment en cas d’échec du franchisé. Le tribunal balaie tout déséquilibre significatif établissant que le préambule « est un avis général de non responsabilité, qui ne met aucun engagement à la charge du franchisé et ne saurait par conséquent caractériser en lui-même un déséquilibre. Il consiste à faire porter toute la responsabilité d’un éventuel échec économique au franchisé, mais, s’agissant d’une déclaration unilatérale, elle n’a aucune portée juridique autre que de préciser la volonté de la partie qui l’énonce. En l’acceptant, le franchisé reconnaît être un entrepreneur indépendant totalement responsable de son choix d’entreprise dans le cadre imposé par Subway. »
Cette décision, dont le franchiseur a déjà indiqué qu’il comptait interjeter appel, au moins pour contester l’annulation de certaines clauses et le montant de l’amende, permet cependant de clarifier la manière dont les juges appréhendent le déséquilibre significatif dans les contrats de franchise et de fournir à d’autres acteurs de la franchise des points de vigilance sur les clauses de leurs contrats.
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