La rédaction du contrat : un outil de gestion fiscale (l'officiel de la franchise, mars 2011)
» Télécharger le pdfAgnès Fernagut, fiscaliste au sein du cabinet Gouache Avocats, livre dans cet article deux illustrations des conséquences que peut avoir la rédaction du contrat de franchise sur la fiscalité du franchiseur et du franchisé.
La rédaction du contrat de franchise : un outil de gestion fiscale
La rédaction du contrat de franchise doit être envisagée sous l’angle fiscal, en vue d’anticiper les problématiques qui risquent de survenir en cas de contrôle fiscal du franchisé ou du franchiseur.
Deux exemples illustrent notre propos :
- l’administration fiscale peut remettre en cause l’immobilisation, puis l’amortissement du droit d’entrée par le franchisé ; la rédaction du contrat de franchise peut influer sur les chances de succès du franchisé en cas de contestation ;
- il est fréquent que l’administration remette en cause la normalité des prix pratiqués entre sociétés d’un même groupe. Au sein du groupe d’un franchiseur, les prix pourront être justifiés plus aisément si le contrat de franchise permet d’isoler le prix de prestations identiques rendues au franchisé, car ils seront réputés être des prix de marché.
Le droit d’entrée peut-il être immobilisé puis amorti par le franchisé ?
Les droits d’entrée payés par les franchisés sont bien souvent immobilisés et amortis sur la durée du contrat. Or, la jurisprudence fiscale n’autorise pas l’immobilisation de ce droit d’entrée, pour des raisons qui tiennent à la nature même des droits conférés au franchisé en vertu de ce contrat.
La Cour Administrative d’Appel de Paris a jugé dans un arrêt du 4 mars 1999 que « le droit d’entrée versé au franchiseur n’a pas pour contrepartie l’acquisition d’un élément de l’actif immobilisé dans le cas où le contrat de franchise, bien que conclu pour une durée de douze ans, ne peut être ni tacitement reconduit ni cédé, peut être facilement résilié par le franchiseur et n’accorde au franchisé aucune réelle exclusivité géographique, aucune indemnité n’étant pas ailleurs due au franchisé en cas de non-renouvellement ou de rupture du contrat. »
Si on se conforme à cette jurisprudence, dans la plupart des cas, le franchisé n’a d’autre choix que de passer ce montant, souvent important, en charges, dégradant ainsi la présentation du résultat comptable de son premier exercice.
Néanmoins, le droit d’entrée est bien souvent la contrepartie de plusieurs prestations : assistance à l’ouverture du point de vente, conseil en matière de prospection commerciale et de communication locale, accès à la marque, au savoir-faire, etc…
Certains de ces éléments sont clairement des prestations de service qu’il sera difficile d’immobiliser, mais d’autres peuvent être isolés et faire l’objet d’une immobilisation. Par exemple, certaines dépenses peuvent éventuellement être enregistrées en frais de premier établissement, et amorties sur 5 ans. La nouvelle réglementation comptable sur les actifs incorporels pourrait également justifier l’immobilisation de certains postes, à l’exception notable de la mise à disposition de la marque.
La rédaction du contrat, si elle permet d’identifier le montant payé par le franchisé pour chaque contrepartie du droit d’entrée, permettra de distinguer les montants enregistrés en charges et en immobilisation.
Il faut également s’assurer, si le droit d’entrée peut être immobilisé, que le franchisé peut l’amortir : dans le cas inverse, il ne déduira jamais cette charge (sauf en cas de cession de son fonds de commerce, si ce droit d’entrée minore la plus-value réalisée). Il faut donc bien délimiter la durée d’usage de la contrepartie de ces droits d’entrée.
L’immobilisation et l’amortissement du droit d’entrée, sécurisés par le contrat, permettent ainsi au franchisé (i) de présenter des comptes plus rapidement équilibrés, pour rassurer ses créanciers, (ii) tout en limitant le risque d’un redressement fiscal qui pourrait lui faire perdre toute possibilité de déduction fiscale du droit d’entrée. L’intérêt pour le franchiseur réside dans une meilleure présentation des comptes de ses franchisés qui lui permet de recruter plus facilement de nouveaux candidats pour développer son réseau.
La rédaction de la clause relative à la redevance de franchise est également susceptible d’influer sur la gestion fiscale du groupe du franchiseur.
Une référence pour justifier les prix pratiqués entre les sociétés du groupe du franchiseur
Selon la réglementation fiscale, une société doit toujours agir dans l’intérêt de son exploitation. Par conséquent, elle ne peut se priver de certaines recettes ou accepter de payer des dépenses à un prix supérieur à un prix de marché, dans le cadre de relations qu’elle pourrait avoir avec des sociétés de son groupe. L’administration fiscale contrôle l’existence de prix de marché dans les relations intragroupe, sur le fondement de la théorie de l’acte anormal de gestion lorsqu’on parle de sociétés situées en France, et sur le fondement de l’article 57 du Code Général des Impôts relatif aux prix de transfert, s’agissant des relations intragroupe entre une société française et une société située à l’étranger.
Les conséquences des redressements en matière d’acte anormal de gestion sont souvent doubles, avec une impossibilité par exemple de déduire la charge pour la société qui a payé un prix supérieur à un prix de marché, et une imposition du produit au niveau de la société bénéficiaire. En matière de prix de transfert, l’administration fiscale peut refuser la déduction de la charge au niveau de la société française, prélever une retenue à la source de 33,33% sur les montants « distribués » à la société étrangère. Dans les deux cas, des redressements collatéraux peuvent également porter sur la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (composante de la contribution économique territoriale, qui remplace la taxe professionnelle) ainsi que sur la réserve de participation des salariés.
Dans le cadre d’un contrôle fiscal, le contribuable peut alors être amené à démontrer que s’il avait contracté avec un tiers, totalement étranger à son groupe, pour la fourniture des mêmes prestations ou des mêmes biens, il aurait payé le même prix que celui qu’il a payé à la société de son groupe.
En cas de discussion avec l’administration sur les prix pratiqués entre sociétés du groupe pour la fourniture de services similaires à ceux dont bénéficient les franchisés, le contrat de franchise constitue une référence de choix pour justifier de prix de marché. En effet, par définition, les franchisés sont des tiers par rapport au franchiseur.
Par exemple, si un dirigeant personne physique, qui concédait à titre gratuit sa marque à sa société de franchise française, décide d’apporter sa marque à une société luxembourgeoise, il doit faire face à deux problématiques fiscales :
- il doit être en mesure de justifier qu’il n’a pas sous-valorisé sa marque au moment de l’apport, pour minorer la plus-value imposable entre ses mains (la valorisation de la marque dépendant en partie de la redevance qu’elle permet de générer) ;
- il doit également justifier d’une redevance fixée à un juste prix entre la société luxembourgeoise qui détient la marque et la société de franchise française.
En isolant, dans le contrat de franchise, la redevance payée au titre de la concession de l’usage de la marque, on facilite la résolution de ces deux problématiques fiscales. En effet, on crée une référence de prix de marché, qui sera opposable à l’administration.
A l’inverse, le contrat de franchise peut desservir le franchiseur si les tarifs pratiqués auprès de franchisés sont beaucoup plus faibles que ceux pratiqués intragroupe et révèlent un transfert de bénéfice à l’étranger.
Le contrat de franchise doit donc être envisagé comme un outil de gestion fiscale à mettre en perspective avec l’ensemble des flux intervenant entre les sociétés du groupe du franchiseur.
Par conséquent, bien que les aspects fiscaux ne doivent pas occulter les nécessités juridiques et économiques de l’équilibre d’un contrat de franchise, il apparaît que franchiseurs et franchisés peuvent tirer profit d’une réflexion menée à l’occasion de la rédaction du contrat sur ses implications fiscales.
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