Rupture brutale Relations commerciales établies : absence de prise en compte des modalités formelles de résiliation contractuelle pour l’appréciation de la gravité du comportement d’une partie.
La gravité du comportement d'une partie à une relation commerciale autorise l'autre partie à y mettre fin sans préavis, peu important les modalités formelles de résiliation contractuelle.
Si l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce impose à l’auteur d’une rupture d’une relation commerciale établie de respecter un préavis suffisant tenant compte de l’ancienneté de la relation, celui-ci a néanmoins la faculté de résilier sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.
A cet égard, la jurisprudence considère que le manquement doit revêtir un certain degré de gravité pour fonder une rupture brutale.
Ainsi, il a été jugé qu’il ne peut pas être fait obstacle aux dispositions d'ordre public de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce par des clauses permettant une rupture sans préavis dès lors que l'inexécution du contrat n'a pas un degré de gravité suffisant (en ce sens, Cass. com., 25 septembre 2007, n° 06-15.517).
De la même manière, comme nous le montre l’arrêt ci-après présenté, rendu par la Cour de cassation le 8 novembre 2017, une clause n’autorisant pas une rupture immédiate pour un manquement défini n’empêche pas de fonder une rupture sans préavis dès lors que ce manquement est suffisamment grave.
En l’espèce, une société spécialisée dans la transformation de viande de bœuf et la production de steaks hachés surgelés (ci-après le « Fournisseur ») a conclu un contrat d'approvisionnement avec une autre société, centrale de référencement des sociétés d’un groupe de la grande distribution alimentaire (ci-après la « Centrale de référencement »).
Après avoir procédé à un retrait préventif des produits du Fournisseur et avoir fait analyser des échantillons de ces produits, la Centrale de référencement a résilié le contrat en invoquant des réclamations de consommateurs, des défauts graves et des non-conformités aux spécifications contractuelles et réglementaires.
S’estimant victime d’une rupture brutale de leur relation commerciale, le Fournisseur a assigné la centrale de référencement en paiement de dommages-intérêts, notamment sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce.
Déboutée en première instance, le Fournisseur a interjeté appel du jugement rendu devant la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 10 février 2016, n° 13/20283).
Le Fournisseur faisait valoir que le contrat conclu avec la Centrale de référencement stipulait que la résiliation immédiate ne pourra être prononcée que pour un manquement spécifiquement défini.
En l’espèce, l'article 13.2 du contrat d'approvisionnement conclu entre les parties prévoyait qu'une résiliation immédiate ne pouvait être prononcée qu' « en cas de manquements graves pouvant générer un risque pour la santé et/ou la sécurité des consommateurs ».
Un tel manquement n’était toutefois pas évoqué par la Centrale de référencement dans son courrier de résiliation et aucune allusion à un danger quelconque des produits livrés par le Fournisseur n'avait, semble-t-il, été faite auparavant.
Ainsi, selon le Fournisseur, le manquement visé par la Centrale de référencement ne justifiant pas la résiliation immédiate au sens du contrat, cette résiliation constitue une rupture brutale de relations commerciales établies au sens de l’article L. 442-6, I, 5 du Code de commerce.
La Cour d’Appel a débouté le Fournisseur de sa demande au motif « qu' un cocontractant peut mettre fin au contrat de façon unilatérale sans préavis lorsque l'autre cocontractant manque gravement à ses obligations ; que si le principe de responsabilité pour rupture brutale des relations commerciales de l'article L 442-6I 5° est invoqué par [le Fournisseur] pour prétendre à une indemnisation, la [Centrale de référencement] peut faire état des dispositions in fine de ce texte pour prétendre que la gravité des manquements de la société C. justifiait qu'elle mette fin immédiatement au contrat ».
Le Fournisseur a formé un pourvoi en cassation, à l’appui duquel il soutenait que « si l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce institue une responsabilité d'ordre public à laquelle les parties ne peuvent pas renoncer par anticipation, il ne leur interdit pas de convenir des modalités de la rupture de leur relation commerciale ».
Se posait ainsi la question de savoir si le manquement invoqué par la Centrale de référencement pouvait justifier une rupture brutale au sens de l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, alors même que le contrat n’autorisait pas une résiliation immédiate pour un tel manquement.
La Cour de cassation y répond par la positive en rejetant le pourvoi au motif « qu'il résulte des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce que la gravité du comportement d'une partie à une relation commerciale autorise l'autre partie à y mettre fin sans préavis ; qu'ayant caractérisé la gravité du manquement du Fournisseur à ses obligations contractuelles et réglementaires, la cour d'appel a pu en déduire, peu important les modalités formelles de résiliation contractuelle, que la Centrale de référencement était fondée à rompre sans préavis leur relation commerciale ».
Ce faisant, la Cour de cassation conforte sa jurisprudence selon laquelle le degré de gravité suffisant d’une inexécution contractuelle permettant une rupture sans préavis au sens de l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, s’apprécie indépendamment des clauses du contrat.
Encore faut-il toutefois que les dispositions de cet article aient été invoqués par la victime de la rupture, pour que son auteur puisse valablement opposer un comportement grave justifiant une rupture brutale, ce qui était le cas dans cette affaire, où l’issue aurait été sans doute plus favorable au Fournisseur s’il avait agi sur le fondement de la rupture abusive (et non brutale), à raison, précisément, du non-respect des conditions contractuelles de résiliation.
Cass. com., 8 novembre 2017, n° 16-15.296
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