Validité et qualification de la clause d'approvisionnement exclusif stipulée au contrat de franchise
La clause d’approvisionnement exclusif stipulée au contrat de franchise au profit d’un fournisseur référencé constitue une stipulation pour autrui, qui est valide dès lors qu’elle est nécessaire pour protéger le savoir-faire du franchiseur.
L’arrêt de la Cour de cassation du 20 décembre 2017 est l’occasion de revenir sur qualification des rapports entre un franchisé et un fournisseur référencé à titre exclusif par le franchiseur et sur la validité des clauses d’approvisionnement exclusif.
Dans cet arrêt, un franchisé d’un réseau de boulangeries est soumis à une obligation de s’approvisionner exclusivement auprès d’un fournisseur tiers référencé par le franchiseur pour les pains, ce fournisseur ayant développé un process innovant de fabrication de pain traditionnels et spéciaux au levain naturel, livrés congelés.
Cette obligation était justifiée par le fait que les produits du fournisseur référencé constituaient « un facteur de transmission du savoir-faire au franchisé et participe au développement de la marque et de l’enseigne » et que la « spécificité des produits fabriqués par [le fournisseur] contribue à l’image et à l’identité du réseau du fait de leur originalité et de la qualité des produits fournis ».
Reprochant au franchiseur un manquement à ses obligations contractuelles, le franchisé notifiait au franchiseur la résiliation du contrat de franchise avant son terme.
Le franchiseur assignait en conséquence le franchisé aux fins de réparation du préjudice subi du fait de la résiliation anticipée du contrat de franchise.
Le fournisseur référencé assignait quant à lui le franchisé, dans le cadre d’une instance distincte, aux fins de réparation du préjudice subi du fait de la rupture fautive de la convention de fourniture exclusive contenue dans le contrat de franchise, estimé à la perte de marge sur les commandes qui auraient dû être passées jusqu'au terme normal du contrat.
Dans le cadre de cette dernière instance, la Cour d’appel de Paris jugeait valide la clause d’approvisionnement exclusif à laquelle était soumis le franchisé au titre du contrat de franchise en retenant notamment :
- que cette clause constituait une stipulation pour autrui, dès lors que le contrat précisait que le franchiseur demandait au franchisé de s’engager à s’approvisionner exclusivement auprès du fournisseur identifié au contrat, ce qui démontrait une volonté manifeste des parties de faire naitre au profit du fournisseur un droit contre le franchisé et ce, dès l’accord entre le franchiseur et le franchisé ;
- que cette clause était valide dès lors :
- qu’elle s’analysait en une clause de non-concurrence au sens du règlement 330 / 2010 ;
- qu’elle était susceptible de bénéficier de l’exemption individuelle dont bénéficient les clauses « indispensables pour empêcher que le savoir-faire transmis et l’assistance apportée par le franchiseur profitent à des concurrents », et celles qui « organisent le contrôle indispensable à la préservation de l’identité et de la réputation du réseau symbolisé par l’enseigne »
- qu’elle s’analysait en une clause de non-concurrence au sens du règlement 330 / 2010 ;
- que le franchisé n’apportait aucun élément de preuve pour démontrer que la clause n’était pas indispensable à la protection du savoir-faire, à la préservation de l’identité et la réputation du réseau, alors que cette preuve lui incombait.
La Cour d’appel décidait toutefois de sursoir à statuer sur les conséquences de la rupture, dans l’attente du prononcé de la décision de la Cour d’appel sur le litige opposant le franchisé au franchiseur.
Le franchisé décidait de se pourvoir en cassation contre l’arrêt de la Cour de Paris ayant jugé cette clause d’approvisionnement exclusif valide, en faisant valoir notamment :
- que la clause d’approvisionnement exclusif ne constituait qu’une modalité d’exécution du contrat de franchise et ne constituait pas une stipulation pour autrui qui avait pour objet de conférer un droit propre et direct au fournisseur visé au contrat ;
- que la faculté du franchisé, stipulée au contrat de franchise, de pouvoir demander au franchiseur l’approvisionnement d’autres fournisseurs dès lors qu’ils pratiquaient des prix inférieurs à ceux du fournisseur référencé est incompatible avec l’intention de conférer au fournisseur référencé un droit propre et direct dont il pourrait se prévaloir à l’encontre du franchisé ;
- qu’il appartenait au fournisseur référencé, et non au franchisé, de démontrer que la clause d’approvisionnements exclusif pouvait relever de l’exemption individuelle prévue à l’article 5.3 du règlement n°330-2010.
Sur les deux premiers points, la Cour de cassation juge que :
« Mais attendu, en premier lieu, qu’après avoir rappelé que la stipulation pour autrui est un contrat en vertu duquel le stipulant demande au promettant de s’engager envers le tiers bénéficiaire, l’arrêt relève que le contrat de franchise précise que [le franchiseur] a demandé [au franchisé] de s’engager à se fournir exclusivement pour les produits de la gamme fabriqués par [le fournisseur référencé] auprès de [ce dernier], et retient souverainement, et sans dénaturation, qu’il existe une volonté manifeste des parties de faire naître au profit [du fournisseur référencé] un droit contre [le franchisé], né de l’accord entre [ce dernier] et [le franchiseur], peu important la faculté du franchisé de proposer un autre fournisseur ; »
Sur le troisième point la Cour de cassation juge que la Cour d’appel a pu retenir la validité de la clause d’approvisionnement exclusif en retenant, que cette clause était nécessaire pour disposer chez chacun d’eux d’une uniformité de qualité et de goût des produits fabriqués selon un cahier des charges et un procédé propre à la société BTB, constituant ainsi un élément décisif pour l’image et l’identité du réseau de franchise.
Le recours à la notion juridique de stipulation pour autrui, qui n’était possible dans cette affaire qu’en raison d’une rédaction spécifique du contrat de franchise, présente un intérêt certain pour le fournisseur référencé, puisque ce dernier, disposant d’un droit direct contre le franchisé, pouvait solliciter l’indemnisation du préjudice subi du fait de la perte de marge qu’il aurait dû percevoir jusqu’au terme normal du contrat de franchise, soit pendant 51 mois.
Si le fournisseur référencé n’avait pas pu s’appuyer sur ce fondement juridique, il n’aurait pu agir que sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales établies, et solliciter dans ce cadre l’indemnisation du préjudice subi du fait de la perte de marge pendant la période du préavis raisonnable qui n’aurait pas été respectée. Or, les juridictions fixent généralement une durée de deux ans comme durée maximum de préavis, ce qui était en l'espèce bien inférieur à la durée restante du contrat de franchise.
Cass. com., 20 déc. 2017, n° 16-20.501
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