Pas de pouvoir juridictionnel général pour la Cour d’Appel de Paris en matière de pratiques restrictives de concurrence
Un arrêt de la Cour de cassation, rendu le 17 janvier 2018, apporte une solution importante en matière de compétence dans le domaine des pratiques restrictives de concurrence.
Pour rappel, les pratiques restrictives de concurrence définies par l’article L. 442-6 du Code de commerce, relèvent des juridictions commerciales spécialement définies par l’article D. 442-3 du même code. Ainsi, qu’il s’agisse par exemple du déséquilibre significatif ou des ruptures brutales de relations commerciales établies, seuls les tribunaux de commerce de Marseille, Bordeaux, Tourcoing, Fort-de-France, Lyon, Nancy, Paris et Rennes sont compétents. Ce même article D. 442-3 du Code de commerce prévoit que la Cour d’Appel compétente pour connaitre des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris.
Mais la Cour d’appel de Paris est-elle également compétente en cas de recours contre une décision rendue par une juridiction de premier degré non spécialement visée par cet article alors même qu’elle aurait rendu une décision sur un litige en lien avec l’application de cet article L. 442-6 du Code de commerce.
En l’espèce, une société conclue un contrat de franchise avec l’enseigne Casino en 2001. Elle dénonce le contrat avec effet au 19 novembre 2015. Se prévalant d’un déséquilibre significatif, prohibé par l’article L. 442-6,I,2°) du Code de commerce, elle saisit, par requête fondée sur l’article 145 du Code de procédure civile, le Président du Tribunal de Commerce de Grenoble afin d’être autorisée à obtenir des documents chez un autre membre du réseau. L’enseigne sollicite la rétractation de la mesure. Celle-ci est refusée et Casino saisit alors la Cour d’Appel de Grenoble, laquelle infirme les ordonnances refusant la rétractation, ordonne la rétractation et la restitution des pièces.
L’ancien franchisé conteste la décision de la Cour d’Appel de Grenoble en invoquant son absence de compétence. Se fondant sur l’article D. 442-3 du Code de commerce il soutient que seule la Cour d’Appel de Paris était compétente.
La Cour de cassation pose le principe que « les recours formés contre les décisions rendues par les juridictions non spécialement désignées par l’article D.442-3 du code de commerce, quand bien même elles auraient statué dans un litige relatif à l’application de l’article L. 442-6 du même code, sont, conformément à l’article R. 311-3 du code de l’organisation judiciaire, portés devant la cour d’appel dans le ressort de laquelle elles sont situées, tandis que les seuls recours formés contre les décisions rendues par des juridictions spécialisées sont portés devant la cour d’appel de Paris ; que le moyen, qui postule en sa première branche un pouvoir juridictionnel général et exclusif au bénéfice de la cour d’appel de Paris, manque en droit ».
Cet attendu de principe fait suite à de précédents décision dans un attendu de principe qui confirme la solution à cette importante question de compétence : les recours formés contre une décision d’un tribunal de commerce désigné spécialement pour connaitre des questions relatives à l’article L. 442-6 du code de commerce sont du ressort de la cour d’appel de Paris. Les décisions qui auraient été rendues par d’autres juridictions seront soumises à la cour d’appel dans le ressort duquel elles sont situées.
Au surplus, la Cour de cassation approuve la décision de la Cour d’appel de Grenoble qui a rétracté les ordonnances sur requête et ordonné la restitution des pièces dès lors que le tribunal saisi n’était pas compétent pour statuer sur des demandes fondées sur l’article L. 442-6 du Code de commerce.
La solution posée par la Cour de cassation en matière de compétence ne remet donc pas en cause les règles de compétences définies par le Code de commerce et il conviendra bien évidemment de prendre soin d’assigner devant les juridictions compétentes.
Cass. com., 17 janv. 2018, n°17-10.360
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