Pratiques restrictives de concurrence : application dans le temps d’un revirement de jurisprudence
La question de la compétence juridictionnelle en matière de pratiques restrictives de concurrence a donné lieu à un contentieux judiciaire important, et à un revirement de jurisprudence récent. La Cour de cassation précise les modalités d’application dans le temps de ce revirement dans un arrêt du 21 mars 2018.
Pour rappel, les pratiques restrictives de concurrence définies par l’article L. 442-6 du Code de commerce, relèvent des juridictions commerciales spécialement définies par l’article D. 442-3 du même code. Ainsi, qu’il s’agisse par exemple du déséquilibre significatif ou des ruptures brutales de relations commerciales établies, seuls les tribunaux de commerce de Marseille, Bordeaux, Tourcoing, Fort-de-France, Lyon, Nancy, Paris et Rennes sont compétents. Ce même article D. 442-3 du Code de commerce prévoit une seule Cour d’Appel compétente pour connaitre des décisions rendues par ces juridictions, à savoir celle de Paris.
La question s’était par la suite posée de savoir si la Cour d’appel de Paris était également compétente en cas de recours contre une décision rendue par une juridiction de premier degré non spécialement visée par cet article alors même qu’elle aurait rendu une décision sur un litige en lien avec l’application de cet article L. 442-6 du Code de commerce. Après avoir considéré que la Cour d’Appel de Paris était seule compétente, la Cour de cassation avait opéré un revirement de jurisprudence par plusieurs arrêts du 29 mars 2017.
D’autres décisions plus récentes de la Cour de cassation avaient repris ce principe, considérant que « les recours formés contre les décisions rendues par les juridictions non spécialement désignées par l’article D. 442-3 du code de commerce, quand bien même elles auraient statué dans un litige relatif à l’application de l’article L. 442-6 du même code, sont, conformément à l’article R. 311-3 du code de l’organisation judiciaire, portés devant la cour d’appel dans le ressort de laquelle elles sont situées, tandis que les seuls recours formés contre les décisions rendues par des juridictions spécialisées sont portés devant la cour d’appel de Paris ». Elle rejetait ainsi l’existence d’un pouvoir juridictionnel général et exclusif au bénéfice de la cour d’appel de Paris.
En l’espèce, l’arrêt attaqué avait été rendu par la Cour d’Appel de Paris le 28 septembre 2016, soit avant ce revirement de jurisprudence. Une décision avait été rendue en première instance par le Tribunal de commerce de Nanterre, lequel ne figure pas dans la liste des tribunaux compétents en matière de pratique restrictives, rappelée ci-dessus. Saisie en appel, la Cour d’appel de Versailles avait déclaré l’appel formé devant elle comme étant irrecevable. La Cour d’Appel de Paris avait pour sa part considéré l’appel recevable. La Cour de cassation considère « que l’application, à la présente instance, de la règle issue du revirement de jurisprudence, qui conduirait à retenir l’irrecevabilité de l’appel formé devant la Cour d’appel de Paris, aboutirait à priver la société Best, qui ne pouvait ni connaitre, ni prévoir, à la date à laquelle a elle a exercé son recours, la nouvelle règle jurisprudentielle limitant le pouvoir juridictionnel de la cour d’appel de Paris, d’un procès équitable au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que la censure de l’arrêt n’est donc pas encourue ; (…) ».
Cet article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales précise notamment que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (…) ».
De manière générale, les revirements de jurisprudence posent en effet des questions de sécurité juridique et de prévisibilité des solutions pour les justiciables, principe qui doivent être combinés avec le fait qu’il n’existe pas de « droit acquis à une jurisprudence figée, l’évolution de la jurisprudence relevant de l’office du juge dans l’application du droit » (Cass. 1ère civ., 21 mars 2000, n°98-11.982). C’est pour cela que la Cour de cassation, se fonde sur l’article 6 paragraphe 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’hommes et des libertés fondamentales, lorsqu’une application immédiate de la nouvelle règle aboutirait, au cas d’espèce concerné, à une violation dudit article.
Cass. com. 21 mars 2018, n°16-28.412
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