Distribution sélective : peut-on interdire la vente en ligne sur des places de marché ?
Le distributeur sélectif peut-il recourir à des plateformes de marché en ligne pour vendre les produits objets du contrat ?
Les conclusions de l’avocat général Nils WAHL qui ont été présentées le 26 juillet 2017 à la Cour de justice de l’Union Européenne dans l’affaire Coty Germany GmbH contre Parfümerie Akzente GmbH. Il s’agit de la possibilité ou non pour une enseigne (ici en distribution sélective, mais la solution sera probablement étendue aux autres formes réseaux de distribution organisés tels la franchise) de recourir à des plateformes de tiers pour distribuer les produits contractuels. C’est donc la question de l’accès, du droit à l’accès, par le distributeur sélectif aux places de marché qui est posé. On se souvient, à cet égard, que la commission européenne, avait finalement retenu une position plutôt favorable aux têtes de réseaux, en estimant que ne serait pas nécessairement anticoncurrentielle la restriction imposée dans les contrats de distribution sélective aux distributeurs de vendre sur les places de marché si cela était nécessité par la protection de l’image de la marque.
Quelles sont les conclusions de l’avocat général ?
Premier point, les systèmes de distribution sélectifs, qui visent principalement à préserver l’image luxe des produits qui en font l’objet, constitue un élément de concurrence conforme à l’article 101 paragraphe 1 du TFUE, dans la mesure où les revendeurs sont choisis sur la base de critères qualitatifs, objectifs, qui sont fixés de manière uniforme pour tous et appliqués de façon non discriminatoire pour tous les revendeurs potentiels, et où la nature du produit en question exige, pour conserver l’image, une distribution sélective.
Deuxième point, qui nous intéresse très directement sur la question des Market Places : pour déterminer si une clause contractuelle portant interdiction fait à des distributeurs agrées d’un réseau de distribution, d’avoir recours de façon visible à des plateformes tierces pour des ventes en ligne, est ou non conforme à l’article 101 paragraphe 1 du TFUE, il incombe à la juridiction d’examiner si la clause contractuelle est conditionnée par la nature du produit, si elle est fixée de façon uniforme et appliquée indifféremment à tous les distributeurs du réseau et si elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire.
Troisième point, l’interdiction faite aux membres du système de distribution sélective, qui opèrent en tant que détaillants sur le marché, d’avoir recours de façon visible à des entreprises tierces pour les ventes par internet, donc aux plateformes de marché, ne constitue pas une restriction de clientèle du détaillant au sens de l’article 4 sous b du règlement d’exemption n° 330/2010.
En dernier lieu, l’interdiction faite aux membres d’un système de distribution sélective d’avoir recours de façon visible aux places de marché, ne constitue pas une restriction de vente passive au sens du même règlement européen d’exemption des ententes verticales.
Conclusion, voilà que la position de l’avocat général, allant dans le sens que celui de la commission avait exprimée, devrait permettre de continuer d’interdire l’accès aux Market Places, sans faire perdre le bénéfice du règlement européen d’exemption par catégorie, à condition toutefois, que le système de distribution sélectif en cause soit licite, et que par ailleurs, la restriction imposée soit proportionnée aux intérêts de l’enseigne.
Ces pratiques contractuelles, qui sont aujourd’hui relativement développées en matière de distribution sélective, devraient donc pouvoir, sauf décision contraire de la CJUE, qui évidemment conserve son pouvoir de juger entier, malgré les conclusions de l’avocat général, devrait pouvoir à priori continuer à se déployer. Suite lorsque l’arrêt de la CJUE aura été rendu.
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