La règlementation de la revente à perte n'entre pas dans le champ de la directive sur les pratiques commmerciales déloyales
L’article L. 442-2 du code de commerce, en ce qu’il vise à prohiber la revente à perte entre professionnels, échappe au champ d’application de la directive du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales.
Une centrale d’achat spécialisée dans l’optique prospecte certains adhérents d’un réseau concurrent en leur offrant une remise sur le prix d’un produit d’optique.
S’estimant victime d’une pratique d’offres tarifaires constitutives de revente à perte, le réseau concurrent assigne la centrale d’achat.
En première instance, le Tribunal estime que la centrale d’achat bénéficie du statut de grossiste, qu’elle peut donc licitement abaisser son seuil de revente à perte et qu’elle n’a donc pas pratiqué de vente à perte au sens de l’article L. 442-2 du code de commerce.
Le réseau concurrent interjette appel du jugement aux motifs que :
- l’offre de la centrale viole l’article L. 442-2 du code de commerce dont la mise en œuvre ne peut être écartée au motif qu’elle ne serait pas conforme à la directive du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs ;
- la France n’a pas fait l’objet d’une demande de mise en conformité de cet article par la commission européenne et aucune jurisprudence n’a statué sur la non-conformité de cet article au regard du droit européen ;
- la décision rendue le 7 mars 2013 par la Cour de justice de l’Union européenne concernait des ventes à perte à destination des consommateurs alors que l’article L. 442-2 précité porte sur des transactions entre professionnels ;
- l’offre litigieuse ne constitue pas une pratique commerciale au sens de la directive qui implique une relation directe avec les consommateurs ;
- la centrale d’achat n’est pas un grossiste au sens de l’article L. 442-2, alinéa 3, du code de commerce, ses revendeurs n’étant ni indépendants, ni libres de décider de leur politique commerciale et leurs relations allant au-delà d’une simple relation d’achat-vente. Elle ne peut donc bénéficier du coefficient grossiste prévu par cet article. En outre, son offre commerciale était calculée à partir de projections de ses achats auprès du fournisseur très optimistes et sur des objectifs de chiffres d’affaires déraisonnables ;
- le démarchage de ses adhérents a perturbé son réseau, certains adhérents ayant sollicité une renégociation de leurs conditions tarifaires et d’autres ayant rejoint l’autre centrale.
Pour sa part, la centrale d’achat soutient que :
- l’article L.442-2 du code de commerce, contraire à la directive, ne peut lui être opposé car cet article poursuit un objectif de protection de consommateurs et que la directive n’exige pas un rapport direct entre l’intervenant et le consommateur ;
- elle bénéficie du statut de grossiste car ses conditions générales laissent une grande liberté à sa clientèle, liberté qui ne peut être assimilée à une affiliation au sens de l’article L. 442-2 du code de commerce ;
- au moment de l’émission de son offre commerciale, celle-ci ne pouvait être qualifiée d’opération de revente à perte car elle était susceptible d’obtenir une remise de son fournisseur supérieure au regard de l’extrapolation réalisée ;
- son concurrent ne justifie pas de son préjudice.
La Cour confirme le jugement rendu en ce qu’il a considéré que l’article L. 442-2 du Code de commerce était applicable :
- « l’article L. 442-2 du code de commerce, en ce qu’il vise, dans ce cadre, à prohiber la revente à perte entre professionnels, échappe au champ d’application de la directive et trouve à s’appliquer »
En effet, la finalité de protection des consommateurs est maintes fois rappelée aux termes de la directive qui envisage la pratique déloyale dans le cadre d’un rapport direct entre le professionnel et le consommateur. Par ailleurs, la Cour de justice, dans son ordonnance du 7 mars 2013, a précisé qu’une disposition nationale ne peut prévoir une interdiction générale d’offre de vente à perte que pour autant qu’elle poursuit des finalités tenant à la protection des consommateurs.
Or, en l’espèce, l’article L. 442-2 est inséré dans une partie du code de commerce relative aux pratiques restrictives de concurrence. Par ailleurs, le législateur a prohibé la pratique de revente à perte afin d’éviter l’éviction des petits commerces ne pouvant rivaliser avec la grande distribution et les pressions exercées sur les fournisseurs pour qu’ils s’alignent sur les conditions pratiquées par le distributeur vendant à perte. Enfin, suite à l’intervention de la Cour de justice sur la loi belge, la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation n’a pas abrogé la prohibition de la revente à perte ce qui démontre la volonté d’assurer l’équilibre des relations commerciales et donc la protection des intérêts économiques.
La Cour infirme cependant le jugement en ce qu’il a considéré que :
- la centrale d’achat avait la qualité de grossiste et pouvait bénéficier du coefficient de 0,9% venant réduire le seuil de revente à perte dont bénéficient les grossistes aux motifs que ses conditions générales organisent un rapport d’affiliation dépassant largement les relations d’achat/vente existant entre un grossiste et un détaillant ;
- il n’y avait pas revente à perte. En effet, l’offre relève bien d’une revente à perte car elle n’est pas calculée à partir d’un « prix d’achat effectif » mais d’un prix extrapolé.
La Cour n’accorde cependant au réseau concurrent qu’une indemnisation limitée car il ne démontre avoir été obligé de renégocier ses conditions tarifaires qu’à l’égard d’un seul adhérent et ne démontre pas le lien de causalité entre l’offre de la centrale d’achat et le départ de certains adhérents, ni le préjudice d’image prétendument subi.
CA Douai, 31 mars 2016, n° 15/02238
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