Vers la prise en compte de la Covid-19 sur les fixations de loyers
mardi 16 juillet 2024

Vers la prise en compte de la Covid-19 sur les fixations de loyers

La crise de la covid 19 a-t-elle eu un impact sur la fixation des loyers des baux révisés ou renouvelés ?

L’interdiction de réception du public dans les commerces commence à dater, et nous pouvons apercevoir certaines décisions rendues par les juges des loyers commerciaux ayant eu à se prononcer sur les effets de la pandémie.

Ces décisions concernent tant les fixations de loyers révisés, que les fixations de loyer renouvelés.

Impact de la COVID 19 sur les fixations de loyers révisés

Concernant la révision des loyers, il semble que les tribunaux n’aient pas considéré les conséquences de cette pandémie comme un moyen de fixer le loyer révisé à la valeur locative au visa de l’article L. 145-38 du code de commerce.

Ce texte prévoit notamment, en son troisième alinéa, que :

« Par dérogation aux dispositions de l'article L. 145-33, et à moins que ne soit rapportée la preuve d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative, la majoration ou la diminution de loyer consécutive à une révision triennale ne peut excéder la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier, intervenue depuis la dernière fixation amiable ou judiciaire du loyer. Dans le cas où cette preuve est rapportée, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente ».

La fermeture des commerces, la désertification des bureaux ou encore l’absence de tourisme étaient tout autant d’éléments permettant de réviser les loyers de chaque bail commercial, d’autant plus que l’article R. 145-6 du même code vise des modifications durables ou provisoires.

Peu de décisions ont pourtant accepté de réviser les loyers au regard de cette modification des facteurs locaux de commercialité (pour des exemples de rejet de la demande de révision : TJ Pars, Bx. com., 22 octobre 2021, n° 21/05506 ; TJ Pars, Bx. com., 7 octobre 2021, n° 21/00861).

Il doit sans doute s’agir de décisions d’opportunité, les juridictions ne souhaitant pas être envahies de contentieux, comme elles l’ont été s’agissant de la question de l’exigibilité des loyers « Covid ». 

Impact de la COVID 19 sur les fixations de loyers en renouvellement 

En revanche, s’agissant des fixations de loyer en renouvellement, la jurisprudence a été plus clémente avec les preneurs à bail.

Certaines décisions n’ont certes pas entendu minorer les loyers (ni les indemnités d’occupation en cas de refus de renouvellement de bail).

Pour illustration, il a été jugé que « S’agissant de l’épidémie de Covid-19, la société XX ne démontre pas qu’elle ait eu une incidence sur la valeur locative du local.
Il n’y a donc pas lieu de procéder à un quelconque lissage ou à une minoration complémentaire du prix unitaire de ce chef » (TJ Versailles, Bx. com., 14 septembre 2023, n° 22/04574).

De même, dans une récente décision rendue par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Paris, le magistrat a refusé de prendre en considération l’impact de la Covid-19 sur les valeurs locatives et ce, alors même que l’expert judiciaire désigné dans cette affaire avait proposé un abattement de 13 pour cent.

Il a ainsi été jugé que « Concernant les effets de la crise sanitaire, l'expert applique une décote de 13% afin de réaliser un lissage du loyer sur la durée du bail à renouveler.

Il sera rappelé que la valeur locative est appréciée au jour de la date d'effet du renouvellement, soit en l'espèce, le 1er janvier 2021, et non en fonction des événements survenant au cours du bail renouvelé. En l'espèce, le juge des loyers commerciaux relève qu'aucune incidence spécifique de la crise sanitaire sur la valeur locative dans la zone de chalandise ne transparaît des références fournies par l'expert judiciaire. La société locataire échoue à démontrer une diminution des valeurs locatives du fait de la crise sanitaire. Par conséquent, aucune décote ne sera appliquée en raison de la crise sanitaire » (TJ Pars, Bx. com., 12 avril 2024, n° 21/09714 ; voir également en ce sens TJ Pars, Bx. com., 21 mars 2024, n° 22/03478).

En revanche, et à juste titre, d’autres décisions plus circonstanciées, ont pris en compte les effets néfastes de la crise sanitaire pour minorer la valeur locative.

Pour illustration, dans un jugement du 3 mai 2024, l’expert approuvé par le juge des loyers a déterminé la valeur locative en préconisant notamment d'appliquer un abattement de 16% afin de tenir compte des conséquences de la crise sanitaire (TJ Pars, Bx. com., 3 mai 2024, n° 21/09470).

De la même manière, dans un jugement du 5 avril 2024, le juge des loyers a approuvé l’expert désigné, qui avait apprécié la valeur locative au regard des éléments positifs et négatifs du local, et a notamment tenu compte de « la période perturbée de la crise sanitaire dans laquelle s’inscrit le renouvellement du bail et dont on ne connaissait pas encore l’impact sur le coût des loyers, ce qui doit entraîner une modération des prix de référence » (TJ Pars, Bx. com., 5 avril 2024, n° 22/06167).

Encore faut-il rappeler, qu’en matière de fixation d’indemnité d’éviction, les experts, approuvés par les tribunaux, ont pondéré, voire neutralisé, les chiffres d’affaires des années 2020 et 2021 (pour illustration, CA Pau, 24 février 2022, n° 18/02420), démontrant l’impact négatif général de la crise sanitaire sur les commerces.

Nous savons d’ailleurs que certains experts avaient proposé, lors de la crise de la Covid 19, l’application d’un lissage des augmentations de loyer pour tenir compte de la COVID 19.

Cette prise en compte de la crise sanitaire dans les fixations de loyers apparaît légitime au regard des articles L. 145-33 et R. 145-6 du code de commerce précité. 

Etant donné l’étendue des conséquences de l’épidémie sur la fréquentation des commerces, il est cohérent de minorer les valeurs locatives des commerces, lorsque le bail a été renouvelé durant la crise sanitaire.

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