Déchéance de droits sur la marque et sous-catégorie de produits et services
Le titulaire d’une marque qui ne l’exploite pas peut être déchu de ses droits. Le Tribunal de l’Union Européenne nous donne des indications sur la manière dont doit être appréciée l’exploitation d’une marque pour les catégories de produits et services pour lesquelles elle est enregistrée.
Enregistrer sa marque auprès des offices de propriété intellectuelle n’est pas suffisant pour assurer une protection efficace de la marque. Encore faut-il l’exploiter pour les produits et services désignés dans l’enregistrement. A défaut, si la marque n’a pas été exploitée pendant une période ininterrompu de 5 années pour un ou plusieurs des produits ou services désignés dans l’enregistrement, le titulaire de la marque peut être déchu de ses droits, partiellement ou totalement si l’inexploitation concerne la totalité des produits et services pour lesquels la marque est enregistrée.
La décision rendue par le Tribunal de l’Union Européenne apporte des précisions sur la manière dont doit être appréciée l’exploitation d’une marque pour les produits et services désignés dans l’enregistrement lorsque la marque est seulement exploitée pour une sous-catégorie des produits désignés dans l’enregistrement (Trib. UE, 18 oct. 2016, n° T-367/14, August Stock KG c/ EUIPO).
En l’espèce, la société August Storck KG a procédé à l’enregistrement de la marque de l’Union Européenne « Fruitfuls » en classe 30 pour les produits « Sucreries, chocolat et produits à base de chocolat, pâtisserie. »
Une société concurrente a formé une demande en déchéance de la marque « Fruitfuls » pour tous les produits désignés dans l’enregistrement au motif que la marque n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union Européenne pour ces produits pendant une période ininterrompue de 5 années.
L’EUIPO a fait droit à la demande en déchéance de la marque « Fruitfuls » au motif que son titulaire ne rapportait la preuve de son exploitation que pour un seul type de « sucreries », à savoir des « bonbons durs aux fruits ». La société August Storck KG a donc formé un recours devant l’EUIPO.
Rappelons qu’il résulte du Règlement 207/2009 du 27 février 2009 sur la marque communautaire que la preuve d’usage sérieux doit en principe porter sur l’intégralité des produits ou services pour lesquels une marque contestée est enregistrée. Si la preuve d’usage sérieux n’est apportée que s’agissant d’une partie des produits ou services pour lesquels une marque contestée est enregistrée et si les autres conditions prévues par le Règlement sont réunies, son titulaire peut être déchu de ses droits pour les produits ou services pour lesquels il n’a pas apporté la preuve d’usage sérieux, voire aucune preuve d’usage du tout.
Il résulte par ailleurs d’une jurisprudence constante que :
- si une marque a été enregistrée pour une catégorie de produits ou services suffisamment large pour que puissent être distinguées, en son sein, plusieurs sous-catégories susceptibles d’être envisagées de manière autonome, la preuve de l’usage sérieux de la marque pour une partie de ces produits ou services n’emporte protection que pour la ou les sous-catégories dont relèvent les produits ou services pour lesquels la marque a été effectivement utilisée (TUE, 10 déc. 2015, n° T-690/14, Sony Computer Entertainment Europe / OHMI)
- en revanche, si une marque a été enregistrée pour des produits ou services définis de façon tellement précise et circonscrite qu’il n’est pas possible d’opérer des divisions significatives à l’intérieur de la catégorie concernée, alors la preuve de l’usage sérieux de la marque pour lesdits produits ou services couvre nécessairement toute cette catégorie (TPICE, 14 juillet 2005, n° T- 126/03, Reckitt Benckiser/OHMI- Aladin ; TPICE, 13 février 2007, n° T-256/04, Mundipharma/OHMI - Altana Pharma).
Cette solution paraît logique dans la mesure où, rappelle le Tribunal, « il est en pratique impossible au titulaire d’une marque d’apporter la preuve de l’usage de celle-ci pour toutes les variantes inimaginables des produits concernés par l’enregistrement.»
Pour le Tribunal de l’Union Européenne, le critère permettant de savoir si des produits font partie d’une sous-catégorie cohérente et susceptible d’être envisagée de manière autonome est le critère de « finalité ou de destination des produits en cause ». Ne sont en revanche pas pertinentes la nature et les caractéristiques des produits ou services considérés.
En l’espèce, le Tribunal de l’Union Européenne considère que toutes les sucreries ont la même finalité, même si leur nature et leurs caractéristiques sont très différentes au point que le consommateur final ne les considèrerait pas comme interchangeables.
En l’espèce donc, les « bonbons durs aux fruits » ne constituent pas une sous-catégorie des « sucreries ».
La juridiction en conclut que :
- soit la société August Storck KG parvient à rapporter la preuve de l’exploitation de la marque « Fruitfuls » pour les « bonbons durs aux fruits ». La preuve de l’exploitation vaudra alors pour toutes les sucreries et aucune déchéance de marque ne pourra être prononcée ;
- soit la société August Storck KG ne rapporte pas cette preuve et alors elle sera déchue de ces droits sur la marque « Fruitfuls » en totalité.
L’EUIPO devra se prononcer de nouveau sur ce point.Cette décision a le mérite de rappeler qu’il est primordial de définir avec précision les libellés de produits et services pour lesquels vous souhaitez enregistrer une marque.
Si une marque est enregistrée pour des produits ou services définies largement et qu’une partie de ces produits ou services est considérée comme une sous-catégorie de produits ou services, et si vous n’exploitez pas votre marque pour une ou plusieurs de ces sous-catégorie de produits ou services, vous risquez d’être déchu de vos droits sur votre marque.
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