De l’importance de présenter ses éléments de preuve à temps
Un arrêt du Tribunal de l’Union Européenne vient de le rappeler dans le cadre d’une procédure de nullité de marque de l’Union Européenne
Dans cette affaire, une demande d’enregistrement de marque d’Union Européenne est adressée à l’EUIPO, visant à obtenir la protection d’une marque semi-figurative désignant des produits relevant de la classe 34 (tabac). A la suite de l’enregistrement de cette marque, Philip Morris introduit une demande d’annulation de cette marque, considérant qu’il existait un risque de confusion avec une marque antérieure, du fait de l’utilisation d’éléments figuratifs similaires.
La décision du tribunal de l’Union Européenne ne porte pas sur l’appréciation de ce risque de confusion mais sur une question de procédure: la demande en annulation avait été rejetée par la division annulation de l’office européen des marques (EUIPO) puis par la chambre des recours. Cette dernière avait notamment rejeté l’admissibilité de certains éléments de preuve présentés par Philip Morris, relatifs à la notoriété de la marque antérieure invoquée. On rappellera en effet que les marques notoires bénéficient d’une protection plus importante, considérant que leur notoriété augmente le risque de confusion même en présence de deux signes plus faiblement similaires.
La chambre des recours se basait sur l’article 76, paragraphe 2, du règlement n°207/2009 (devenu article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001) qui l’investit d’un large pouvoir d’appréciation pour décider de l’admissibilité des éléments de faits et de preuve produits tardivement.
Le Tribunal annule toutefois la décision de la chambre des recours. Après avoir constaté que la production était en effet tardive, le Tribunal relève que le rejet de ces éléments par la chambre des recours était contraire au principe de bonne administration, lequel comporte notamment le droit de chaque personne de voir ses affaires traitées équitablement (article 41, paragraphe 1 de la Charte des droits fondamentaux). Cela implique pour la chambre des recours d’examiner avec soin et impartialité les éléments de fait et de droit nécessaires à l’exercice de son pouvoir d’appréciation.
Or en l’espèce Philip Morris faisait valoir, pour démontrer la notoriété de la marque antérieure invoquée, une décision de cette même chambre des recours, rendue 11 mois plus tôt seulement, dans laquelle il avait été reconnu que cette marque antérieure et l’élément graphique invoqué au titre du risque de confusion étaient notoires. Le tribunal relève par ailleurs que les éléments relatifs à la notoriété avaient pu être discutés par l’autre partie et qu’ils avaient ainsi été soumis à un débat contradictoire.
Le tribunal considère donc qu’en « considérant que les éléments de preuve produits par la requérante devant la chambre de recours pour la première fois ne devaient pas être pris en considération à cause de leur introduction tardive, la chambre des recours a commis un vice de procédure en violation du principe de bonne administration ».
Si en l’espèce Philip Morris a obtenu gain de cause, il convient de ne pas se méprendre sur la portée d’une telle décision. En effet, elle ne dispense nullement de faire la preuve des prétentions ou faits allégués, laquelle devra être faite dès que possible, pour éviter tout risque de rejet. Elle ne doit pas laisser à penser qu’une décision reconnaissant la notoriété d’une marque entraîne une reconnaissance définitive de cette notoriété et dispenserait d’avoir à la démontrer dans d’autres affaires intéressant cette même marque. Le Tribunal prend d’ailleurs soin de le rappeler aux paragraphe 56 et 57 de sa décision:
- « 56 Il appartient donc à toute partie qui se prévaut de la renommée de sa marque antérieure de démontrer, dans le cadre circonscrit de chaque procédure dans laquelle elle est partie et sur la base des éléments factuels qu’elle estime les plus appropriés, que ladite marque a acquis une telle renommée, sans se contenter de prétendre rapporter cette preuve par la reconnaissance d’une telle renommée, y compris pour cette même marque, dans le cadre d’une procédure administrative distincte (voir, par analogie, arrêt du 23 octobre 2015, dadida, T‑597/13, non publié, EU:T:2015:804, point 45).
- 57 S’il suffisait à la requérante de se fonder sur une décision antérieure de la chambre de recours pour démontrer la renommée de la marque antérieure, cela, d’une part, violerait les droits de la défense de la partie intervenante, dans la mesure où cette dernière ne pourrait pas examiner, apprécier et contester les éléments factuels sur lesquels la chambre de recours se serait fondée et, d’autre part, étendrait, de manière erronée, le principe d’autorité de la chose jugée à une décision administrative qui concernait d’autres parties que celles qui étaient dans la procédure, faisant ainsi obstacle au contrôle de légalité d’une décision administrative par une autorité juridictionnelle, ce qui serait manifestement contraire au principe de légalité (voir, par analogie, arrêt du 23 octobre 2015, dadida, T‑597/13, non publié, EU:T:2015:804, point 46). »
Il convient donc de rester toujours vigilant quant à la production des preuves au soutien de ses prétentions.
Trib. UE, 1er fée. 2018, off. T-105/16, Philip Morris Brand c/ EUIPO.
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