Le DIP et l’information précontractuelle dans les contrats de distribution
N’est obligatoire la délivrance d’un document d’information précontractuelle (DIP) que si les deux conditions suivantes sont réunies (C. com. art. L 330-3) :
- La mise à disposition d’une marque, d’un nom commercial ou d’une enseigne (par une licence ou un prêt par exemple) ;
- Un lien de quasi-exclusivité ou d’exclusivité , apprécié en fonction du contrat proposé et pouvant notamment consister en un engagement d’approvisionnement exclusif ou de non-concurrence.
Le champ d’application de cet article est large puisqu’il a vocation à s’appliquer à différents contrats tels que le contrat de franchise ainsi qu’à d’autres contrats de distribution, tel qu’un contrat de licence de marque, de commission, de concession ou de location-gérance.
Le DIP est également requis lors du renouvellement du contrat de distribution.
La délivrance du DIP est requise « préalablement à la signature de tout contrat », de sorte qu’il doit également être remis à l’occasion du renouvellement du contrat de distribution ayant fait l’objet d’un DIP, fût-il tacite (Cass. com. 9-10-2007 n° 05-14.118 FS-PB : RJDA 4/08 n° 394).
Il doit également être remis « lorsque le versement d'une somme est exigé préalablement à la signature du contrat [proposé], notamment pour obtenir la réservation d'une zone » (C. com. art. L 330-3).
Selon l’article R 330-1 du Code de commerce le DIP doit comporter des informations, lesquelles sont réparties dans les sept catégories suivantes :
- La tête de réseau : l’adresse de son siège de la tête de réseau, la nature de ses activités, sa forme juridique, l'identité du chef d'entreprise ou, s’il s’agit d’une personne morale, de ses dirigeants, et le cas échéant, le montant du capital social ;
- Les informations bancaires : le nom et l’adresse des banques de la tête de réseau et les numéros de comptes concernés, dans la limite des cinq principales domiciliations bancaires ;
- La marque concédée : le numéro et la date d’enregistrement de la marque objet du contrat et la nature des droits de la tête de réseau sur cette celle-ci (propriétaire ou licenciée de la marque, avec la date et le numéro de l’inscription correspondante au registre national des marques, et pour les contrats de licence, l’indication de sa durée) ;
- L’évolution et l’historique de la tête de réseau et du réseau : date de création de la tête de réseau, principales étapes de son évolution et toutes les indications sur l’expérience professionnelle acquise par la tête de réseau et ses dirigeants. Ces informations doivent être complétées par un état général de marché et un état local de marché, les perspectives d’évolution du marché, ainsi que par les comptes annuels deux derniers exercices clos de la tête de réseau ;
- La présentation des membres du réseau : liste des membres du réseau, adresse des entreprises établies en France avec lesquelles la tête de réseau a conclu des contrats de même nature que le contrat proposé, nombre d’entreprises liées par un contrat de même nature que celui proposé et qui ont cessé de faire partie du réseau au cours des douze derniers mois précédant la délivrance du DIP, et le cas échéant, l’indication de tout établissement dans la zone d’activité de l’implantation prévue au contrat proposé et dans lequel sont offerts les produits ou services objet du contrat proposé ;
- La durée du contrat proposé ainsi que ses conditions de renouvellement, de résiliation et de cession et le champ des exclusivités ;
- Le montant et la nature des dépenses et investissements spécifiques à l’enseigne que le futur franchisé devra engager avant de débuter l'exploitation : par exemple les dépenses liées aux travaux d’agencement, à l’enseigne ou au mobilier n’ont pas à être détaillées dans le DIP; les dépenses et investissements non spécifiques à l’exécution du contrat proposé, que tout commerçant doit engager pour exercer son activité, et ceux qui devront être engagés pendant le cours de l'exécution du contrat.
L’état de marché, visé dans la 4ème catégorie d’information ci-dessus, constitue un simple recueil de données objectives et brutes relatives à l’offre et à la demande. La présentation du marché local implique la délivrance d’une information sur le nombre d’habitants de la zone de chalandise et d’une liste complète des concurrents implantés sur cette zone (CA Paris 26-1- 2001 n° 2001-151449).
« L’état de marché » ne doit pas être confondu avec l’étude de marché
L’état de marché ne doit pas être confondu avec l’étude de marché. Cette dernière comporte une analyse de l’offre et de la demande et permettant de conclure sur la part de marché de la tête de réseau, que cette dernière n’a aucune obligation de fournir. En cas de remise au candidat d’une étude de marché, la tête de réseau devra alors s’assurer que celle-ci n’est pas susceptible de vicier son consentement.
La tête de réseau a intérêt à ne pas fournir des chiffres d’affaires prévisionnels. En effet, un écart entre les chiffres prévisionnels et les chiffres effectivement réalisés par le distributeur pourraient déterminer un vice du consentement sur le fondement d’un dol ou d’une erreur sur la rentabilité de l'activité entreprise (Cass. com. 4 oct. 2011 n°10-20.956 F-D : RJDA 12/11 n° 1018.
Le DIP doit être communiqué au minimum 20 jours avant la signature du contrat, ou, le cas échéant, avant le paiement de la somme dont le versement est exigé préalablement à la signature du contrat, par exemple un contrat de réservation de zone.
En cas de non-respect de l’obligation de remise d’un DIP une sanction pénale est prévue. Une amende pouvant s’élever jusqu’à 1 500 euros et jusqu’à 3 000 euros en cas de récidive (C. com. art. R. 330-2 ; C. pén. art. 131-13, 5°)..Le contentieux lié à la délivrance du DIP s’articule autour de la sanction civile de la nullité du contrat. Cette sanction étant peu adaptée aux besoins de la pratique.
En effet, la délivrance d’une information non sincère ou l’absence de fourniture du DIP pourra entraîner la nullité du contrat, mais uniquement si cela a eu pour effet de vicier le consentement du distributeur (CA Reims 19-8-2014 n° 12/02758). En cas de litige, les tribunaux se livrent à une appréciation concrète du caractère sincère de l’information en tenant compte notamment de l’expérience du distributeur ainsi que de sa connaissance du marché. La nullité emportant anéantissement rétroactif du contrat. On considère alors par fiction que le contrat n’a jamais existé. Cela entraîne l’obligation de remettre chaque partie en l’état et, pour ce qui est de la tête de réseau, de restituer les redevances versées ainsi que le droit d’entrée.
De plus, en cas de manquement à son obligation d’information précontractuelle, la tête de réseau pourra engager sa responsabilité civile et se voir condamnée à l’indemnisation du préjudice subi par le distributeur, constitué par la perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses (Cass. com. 15-3-2017 n° 15-16.406 : RJDA 6/17 n° 448).
L’article 1112-1 du Code civil issu de l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 réformant le droit des contrats, pose un devoir général d’information précontractuelle : « celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. »
Ce texte, appliqué aux contrats de distribution, impose à la tête de réseau de ne pas omettre dans son DIP des informations qu’elle connaît et qui pourraient être déterminantes du consentement de son candidat, si ce dernier les ignore légitimement.
Au regard de l’article 1105 du Code civil consacrant l’adage « le spécial déroge au général », on peut s’interroger, , sur l’articulation de l’article 1112-1 du Code civil, texte général, avec l’article L 330-3 du Code de commerce, texte spécial. L’article L 330-3 du Code de commerce ne dispose cependant pas que les informations listées sont les « seules » devant être fournies, de sorte qu’il n’y aurait aucune impossibilité de cumuler ce texte avec celui de l’article 1112-1 du Code civil.
Dès lors, la tête de réseau devra délivrer l’information spéciale prévue par l’article L 330-3 du Code de commerce. Le respect de cette obligation fera naître une présomption qu’une information précontractuelle sincère aura été fournie au candidat. Cette présomption pourra être renversée par la preuve, sur le fondement du droit commun, que le candidat n’a pas reçu une information déterminante de son consentement.
On pourrait limiter le pouvoir d’appréciation du juge sur le caractère déterminant ou non d’une information en invitant le candidat à révéler toute information utile à la perfection de son consentement. Cette possibilité ne semble pas incompatible avec l’impérativité de l’article 1112-1 du Code civil qui dispose que « les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir » dès lors qu’elle contribue à rendre l’obligation d’information précontractuelle plus effective tout en limitant les comportements opportunistes de distributeurs.
La tête de réseau doit prévoir une procédure interne d’actualisation du DIP
L’exigence première de l’article L 330-3 du Code de commerce étant de fournir une information sincère, la tête de réseau devra veiller à délivrer une information complète, récente et vérifiable et à cette fin, à mettre en œuvre un processus interne d’actualisation du DIP permettant de donner une image suffisamment fidèle au réseau et éviter tout risque de vice du consentement du candidat.
Le DIP électronique :
Aujourd’hui, de nouvelles solutions techniques existent, permettant la délivrance de DIP signés électroniquement par le candidat. La remise du DIP au candidat est facilitée puisque celle-ci est faite par voie dématérialisée. Les inconvénients liés à la délivrance des DIP sous format papier sont évités :
- impression des DIP en plusieurs exemplaires souvent volumineux ; les développeurs d'enseigne gagnent un temps précieux pour chaque DIP créé par voie électronique ; ils valorisent auprès des candidats une image moderne pour leur réseau, et une démarche écologique ;
- long processus de signature et de paraphe à chaque page du DIP ; la signature de l'intégralité du document est effectuée en quelques clics.
- stockage du document. Le document est hébergé sur les serveurs de la plateforme, et sur option, poussés vers les coffres-forts électroniques d'un tiers de confiance.
- génération automatisée du DIP et du contrat de franchise : remplissez un questionnaire programmé en fonction des différentes modalités de contrat que vous êtes régulièrement amenés à signer (contrat de corner, dérogation à la clause de non concurrence pour un franchisé qui exploite déjà un point de vente d'une activité concurrente) ; votre contrat se construit de façon automatique, selon les réponses au questionnaire. Les erreurs de versioning sont évitées. Les champs variables sur la désignation des parties, ne sont rentrées qu'une seule fois et s'implémentent dans tous les modèles de contrats qui ont été programmés pour l'enseigne.
La plateforme de signature électronique de DIP permettent d’horodater la signature du DIP en préservant la preuve de la date de la délivrance et du contenu du DIP, ce qui est déterminant en cas de contentieux, lorsqu’il s’agit pour la tête de réseau de rapporter cette preuve. Enfin, cette solution permet d’appliquer à la remise du DIP, fait juridique se prouvant par tout moyen, une preuve littérale, laquelle constitue un mode de preuve parfait en ce qu’elle lie tant le juge que les parties.
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