Changement d’enseigne et obligations du franchiseur relativement au contrat en cours
Il appartient au franchiseur, en cas de refus du franchisé de passer sous une nouvelle enseigne appartenant au franchiseur, de permettre l’exécution du contrat de franchise sous l’enseigne visée au contrat.
L’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 12 septembre 2018, est l’occasion de revenir sur la question des obligations du franchiseur en cas de refus de la proposition de changement d’enseigne faite au franchisé pendant l’exécution du contrat.
Lorsqu’un franchiseur rachète une enseigne, il propose généralement aux franchisés dont le réseau a été racheté de changer d’enseigne, pour passer sous sa propre enseigne.
Ainsi, dans cet arrêt, la société DPAM, exploitant le réseau DU PAREIL AU MÊME, procède au rachat du réseau LES PETITS PETONS, et propose à un franchisé du réseau LES PETITS PETONS, dont le contrat est encore en cours, de passer sous l’enseigne DU PAREIL AU MÊME, en concluant un nouveau contrat de franchise, tout en lui précisant qu’elle n’entendait pas poursuivre l’exploitation du réseau LES PETITS PETONS.
En l’absence d’accord entre les parties sur un nouveau contrat de franchise, la société DPAM faisait savoir par email au franchisé que les collections PETITS PETONS n’allaient pas être lancées pour la prochaine saison, alors que le contrat de franchise était encore en vigueur, et qu’elle l’autorisait à rechercher une autre enseigne ou à commercialiser des chaussures multimarques.
Le franchisé fermait en conséquence son point de vente et assignait le franchiseur, notamment en résiliation fautive du contrat de franchise.
Le franchisé faisait valoir que la résiliation du contrat était fautive de la part du franchiseur, dès lors que les termes d’un contrat de franchise ne peuvent être unilatéralement changés et qu’il n’avait pas donné son accord pour que soit modifiée l’économie générale du contrat.
Pour sa part, le franchiseur faisait notamment valoir que le franchisé avait choisi de ne pas changer d’enseigne et par conséquent de procéder à la fermeture de son magasin, de sorte que la résiliation n’était pas imputable au franchiseur.
Compte tenu des termes de l’email adressé par le franchiseur au franchisé pour acter de la rupture des négociations, dans lequel le franchiseur informait le franchisé de la fin de la collection LES PETITS PETONS et l’autorisait à trouver une nouvelle enseigne ou à commercialiser des chaussures multimarques, la Cour juge que le franchiseur est à l’origine de la résiliation du contrat.
La Cour constate ensuite que cette résiliation est intervenue avant le terme du contrat de franchise, et qu’elle n’était fondée sur aucun des motifs visés à la clause résolutoire du contrat, dont ne se prévalait même pas le franchiseur.
Elle relève ensuite que le franchiseur a effectivement cessé d’approvisionner le franchisé en marchandises, alors qu’il est notamment tenu, en vertu du contrat, de proposer des collections conformes à l’image de marque du réseau, d’approvisionner le franchisé de l’intégralité des articles de la collection, et de fournir des collections de produits.
La Cour précise sur ce point que, même si des chaussures PETITS PETONS d’anciennes collections restant en stock pouvaient être livrées par la société DPAM, cette dernière n’a pas poursuivi l’exécution du contrat de franchise la liant au franchisé, en ne fournissant pas de nouvelles collections de chaussures PETITS PETONS à compter de la collection de l’été 2011 et en ne proposant pas des conditions financières similaires, le taux de marge étant notamment inférieur à celle du contrat initial.
Elle juge en conséquence que l’ensemble de ces éléments démontre que la société DPAM a résilié de manière fautive le contrat de franchise pour ne pas avoir respecté le délai d’exécution du contrat, et ne pas avoir exécuté à compter du printemps 2011 ses obligations de franchiseur.
Cette décision rappelle que, sauf accord préalable du franchisé donné au contrat sur la modification de l’enseigne en cours de contrat, il appartient au franchiseur qui se heurte à un refus du franchisé de changer d’enseigne, de poursuivre l’exécution ou l'évolution de l'enseigne en lien avec celle, permise, du savoir-faire du contrat de franchise en vigueur pour permettre au franchisé d’exécuter son contrat sous l’enseigne désignée dans le contrat qu’il a conclu, jusqu’au terme dudit contrat.
CA Paris, 12 septembre 2018, n°15/14222