Les règles de compétence relatives au statut des baux commerciaux prévalent sur les règles de compétence relatives à l’article L. 442-6 du Code de commerce
Aux termes d’un arrêt rendu le 25 novembre 2016, la Cour d’appel de Paris a considéré que les dispositions du statut des baux commerciaux étaient exclusives de toute application conjointe ou alternative des dispositions de l’article L. 442-6 du code de commerce.
1. Aux termes d’un arrêt du 18 octobre 2016 (n°14.27.212), la Cour de cassation a été amené à trancher la question de la détermination de la juridiction compétente pour se prononcer sur un litige survenu suite à un refus de renouvelllement d’un bail commercial lorsque le preneur invoquait une tentative de soumission à un déséquilibre significatif.
Dans cette espèce, le preneur invoquait la compétence du Tribunal de commerce de Paris aux motifs que les questions soulevées par le litige, à savoir la rupture brutale des pourparlers et le déséquilibre significatif dans les relations commerciales, n’impliquaient pas de faire application des dispositions relatives aux baux commerciaux (et ne relevaient donc pas de la compétence du tribunal de grande instance de Paris) mais impliquaient uniquement celles relatives à l’exercice fautif et déloyal d’un contrat.
Il considérait ainsi que la Cour d’appel de Paris ne pouvait juger que le litige nécessitait d’apprécier les conditions dans lesquelles avait été refusé le renouvellement du bail et impliquait nécessairement de vérifier le respect du statut des baux commerciaux.
La Cour de cassation a confirmé que dès lors que la solution du litige nécessitait l’examen préalable des conditions dans lesquelles avait été exercé le droit d’option conféré au bailleur par l’article L. 145-57 du Code de commerce, la Cour d’appel de Paris a retenu à bon droit que « le litige requérait une appréciation du respect du statut des baux commerciaux, qui relève de la compétence du tribunal de grande instance et qu’en considération de l’article L. 442-6, III du code de commerce, qui attribue aux juridictions civiles comme aux juridictions commerciales la connaissance des litiges relatifs à l’application de cet article », le contredit formé par un locataire devait être rejeté.
La Cour de cassation considère ainsi que dès lors que la solution d’un litige nécessite une appréciation préalable du respect du statut des baux commerciaux, le litige doit être soumis à la compétence du Tribunal de grande instance, d’autant plus que l’article L. 442-6, III, du code de commerce n’interdit pas à une juridiction civile de connaître des litiges relatifs à l’article L. 442-6 du Code de commerce.
En rendant une telle décision, on peut cependant se demander si la Cour de cassation n’a pas fait prévaloir les règles relatives à la compétence exclusive du Tribunal de grande instance en matière de bail commercial sur les règles de compétence exclusive de juridictions spécialisées pour les litiges relevant de l’article L. 442-6 du Code de commerce.
2. Aux termes d’un arrêt rendu le 25 novembre 2016 (n°16/08557), la Cour d’appel de Paris, appelée à statuer avant tout débat au fond sur la juridiction territorialement compétente, est venue apporter une réponse à cette question.
Dans cette espèce, une société avait assigné une autre société devant le Tribunal de grande instance de Paris et sollicitait, à titre subsidiaire, sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce, que des clauses de non responsabilité contenues dans un bail, soient considérées comme constitutives de déséquilibre significatif.
En première instance, le juge de la mise en état avait considéré que la demande présentée sur le fondement de l’article L. 442-6 du Code de commerce, fût ce à titre subsidiaire, justifiait la compéténce du Tribunal de grande instance de Paris par application de l’article D. 442-4 du Code de commerce qui désigne les tribunaux de grande instance compétents pour connaître du contentieux né de l’application de l’article L. 442-6 du Code de commerce.
La Cour d’appel de Paris considère que le juge de la mise en état a fait une appréciation inexacte de la question de compétence qui lui était soumise.
Elle indique en premier lieu que :
- l’article R. 145-23 du Code de commerce prévoit que la juridiction compétente en matière de bail commercial est celle du lieu de situation de l’immeuble dont dépendent les lieux loués ;
- les relations entre bailleur et preneur liés par un bail commercial, qu’il porte sur une boutique ou la cellule d’un centre commercial, s’inscrivent dans le cadre des dispositions du statut des baux commerciaux prévues aux articles L. 145-1 et suivants du Code de commerce, dont certaines sont d’ordre public et auxquelles les parties ne peuvent déroger, et pour le surplus de celles du code civil relatives au contrat de bail.
Elle indique par la suite que « les dispositions du statut des baux commerciaux qui tendent dans leur ensemble à assurer l’équilibre des droits de chaque partie au contrat de bail sont exclusives de toute application conjointe ou alternative des dispositions de l’article L. 442-6 du code de commerce qui visent pour leur part à réguler les relations commerciales entre professionnels, portant sur la fourniture ou la distribution de produits ou services ».
Or, elle relève qu’en l’espèce :
- le bailleur et preneur ne concourent pas ensemble à des actes portant sur une activité de production, de distribution ou de service au sens de l’article L. 442-6 du Code de commerce ;
- le fait que le loyer prévu soit binaire et dépende pour partie du chiffre d’affaires du commerçant locataire ne fait pas pour autant du bailleur, l’associé ou le partenaire commercial du locataire, même si au sein d’un centre commercial, le locataire participe par son activité propre à l’attractivité du centre.
La Cour considère ainsi que le Tribunal de grande instance compétent pour statuer sur le litige est, en application de l’article R. 145-23 du Code de commerce, celui de Bobigny, faisant ainsi prévaloir les règles de compétence relatives au statut des baux commerciaux sur les règles de compétence relatives à l’article L. 442-6 du Code de commerce.
Les justifications avancées par la Cour d’appel apparaissent contestables sur de nombreux points :
- Le fait que le statut des baux commerciaux soit d’ordre public ne peut justifier qu’il soit exclusif de l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce relatif au déséquilibre significatif, qui est aussi d’ordre public, ce qui reviendrait à instaurer une hiérarchie entre ces règles, d’autant plus que :
- seules certaines dispositions du statut de baux commerciaux (articles L. 145-15 et L. 145-16 du Code de commerce) ont un caractère d’ordre public, ce qui d’ailleurs est relevé par la Cour d’appel,
- la Cour indique que les relations entre le bailleur et le preneur relèvent pour le surplus des règles supplétives du Code civil relatives au contrat de bail. Ces règles supplétives ne peuvent en aucun cas primer sur les règles impératives relatives au déséquiibre significatif. - La Cour relève que les dispositions du statut des baux commerciaux « tendent dans leur ensemble à assurer l’équilibre des droits de chaque partie au contrat de bail » alors que les dispositions de l’article L. 442-6 du code de commerce « visent pour leur part à réguler les relations commerciales entre professionnels, portant sur la fourniture ou la distribution de produits ou services ».
Or, l’article L. 442-6 du Code de commerce vise également à assurer un équilibre en sanctionnant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. - Il est régrettable que la Cour d’appel ait restreint le champ du déséquilibre significatif à la fourniture ou la distribution de produits ou services.
Enfin, dans la mesure où cette jurisprudence fait primer les règles de compétence relatives au statut des baux commerciaux sur les règles de compétence relatives à l’article L. 442-6 du Code de commerce, il en résulterait que le bail commercial ne pourrait être soumis au contrôle du déséquilibre significatif de l’article L. 442-6 du Code de commerce. Cela impliquait donc nécessairement que le bail commercial soit soumis au contrôle du déséquilibre significatif du droit commun des contrats, si tant est qu’un bail commmercial soit considéré comme un contrat d’adhésion.
Dans cette hypothèse, le bail commercial serait soumis au contrôle du déséquilibre significatif de l’article 1171 du Code civil.
Cass. com. 18-10-2016, n°14-27.212 et CA Paris 25/11/2016, n°16/08557
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