mardi 9 mai 2017

Refus de renouvellement de bail commercial et indemnité d’éviction

Même lorsque le preneur reçoit un congé avec offre d’indemnité d’éviction, il doit agir judiciairement à bref délai sous peine de perdre son droit à indemnité.

Le refus de renouvellement du bailleur doit être matérialisé par un congé, délivré soit à l'initiative du bailleur, soit en réponse à une demande de renouvellement du locataire.

Si le bailleur refuse le renouvellement du bail commercial, il doit (sauf motif grave et légitime) payer au locataire une indemnité d'éviction égale au préjudice causé à celui-ci par le défaut de renouvellement.

Cette indemnité d'éviction est égale à la valeur du fonds, déterminée selon les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais accessoires (frais normaux de déménagement et de réinstallation, frais et droits de mutation) sauf si le propriétaire prouve que le préjudice est moindre.

Ainsi, quand l’éviction entraîne la perte de totale de la clientèle, l'indemnité correspond à la valeur du fonds. Quand au contraire le preneur est en mesure de transférer le fonds dans un autre lieu, l’indemnité correspondra au coût lié au transfert.

Tant que le bailleur n’a pas payé l’indemnité d’éviction due au locataire, ce dernier bénéficie d'un droit au maintien dans les lieux. Dans ce cas, le bail étant expiré, il n’y a plus lieu à paiement d’un « loyer » mais d’une « indemnité d’occupation », qui doit en principe correspondre, sauf accord contraire, à la valeur locative des locaux (Cass. 3e civ., 3 oct. 2007, n° 06-17.766).

Si le bailleur change d’avis et ne souhaite plus verser l'indemnité d'éviction, il peut exercer son droit de repentir jusqu'à l'expiration d'un délai de 15 jours à compter de la date à laquelle la décision fixant le montant de l'indemnité d'éviction est passée en force de chose jugée.

Mais que se passe-t-il si suite au congé avec offre d’indemnité d’éviction reçu, le Preneur se maintien dans les lieux et aucune des deux parties ne réagit ? 

Le Preneur pourrait être tenté de tarder à solliciter le paiement de son indemnité d’éviction en profitant de cet argument pour se maintenir dans les lieux aussi longtemps qu’il n’a pas reçu paiement de cette indemnité.

La Cour de cassation vient de rappeler le danger pour le preneur pris d’une telle tentation!

Dans l’affaire commentée, la bailleresse avait donné congé au preneur avec offre d’indemnité d’éviction. Le preneur s’est maintenu dans les lieux et a été assigné en expulsion avec demande de paiement d’une indemnité d’occupation pour le temps postérieur à l’expiration du bail commercial.

Le preneur opposait le principe précité selon lequel il a droit au maintien dans les lieux tant qu’il n’a pas été payé de son indemnité d’éviction.

La Cour de cassation rappelle un autre principe, limitant le précédent :

« (…) il résulte des articles L. 145-28 et L. 145-60 du code de commerce que le locataire, qui entend demander le paiement d'une indemnité d'éviction, doit agir avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné et que le seul fait de délivrer un congé avec offre de paiement d'une indemnité d'éviction en application de l'article L. 145-9 du même code ne vaut pas reconnaissance de ce droit à indemnité et relevé que M. X... n'avait pas demandé le paiement d'une indemnité d'éviction avant l'expiration du délai de deux ans, la cour d'appel en a exactement déduit, sans modifier l'objet du litige, que l'action en paiement de l'indemnité d'éviction était prescrite et que M. X... ne pouvait plus se prévaloir, fût-ce par voie d'exception, du droit au maintien dans les lieux qui en est le corollaire ».

Rappelons que ce délai de 2 ans est un délai de prescription et non plus de forclusion, depuis la loi du 4 août 2008 dite « Loi LME ».

Cet arrêt est dans la lignée du revirement opéré par la troisième chambre civile le 31 mai 2007 selon lequel « la prescription biennale de l’article L. 145-60 du code de commerce n’est pas soumise à la condition que le droit du preneur à une indemnité d’éviction soit contesté ». 

En conclusion, le locataire qui reçoit un congé avec refus de renouvellement et offre d’indemnité d’éviction doit impérativement interrompre le délai de prescription biennal pour réclamer cette indemnité car le seul congé avec offre de paiement de l’indemnité d’éviction ne vaut pas reconnaissance du bailleur à un tel droit. 

Le preneur doit donc agir soit par voie d’assignation soit de conclusions reconventionnelles déposées avant l’expiration du délai de prescription précité.

Cass. 3ème civ., 30 mars 2017, n° 16-13236

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