Requalification d’un congé avec offre de renouvellement en congé sans offre
Lorsque qu’un congé est accompagné d’une offre de renouvellement, celle-ci doit s’apprécier au regard des clauses et conditions proposées au locataire, par comparaison avec celles du bail initial.
Si les clauses et conditions sont significativement différentes ou plus lourdes pour le locataire, le congé ouvre au locataire le droit à une indemnité d’éviction.
Le droit à une indemnité d'éviction en cas de congé délivré par le bailleur sans offre de renouvellement
Une communauté de communes donne à bail un local commercial à usage de restaurant.
La bailleresse fait délivrer un congé avec offre de renouvellement subordonné à la modification de la contenance des lieux loués et à l’obligation d’entretien des locataires.
Le locataire restitue les lieux puis assigne la bailleresse en paiement d’une indemnité d’éviction.
La Cour d’appel observe que le congé ne comporte pas une véritable offre de renouvellement dès lors que celle-ci énonce des conditions substantiellement différentes de celles du bail initial, tenant à la contenance des lieux loués et aux obligations pesant sur le locataire.
Cependant, elle relève que le congé contenait également une invitation à régulariser un nouveau bail. La Cour d’appel déduit de cette seule mention l’existence d’un congé avec offre de renouvellement.
Le locataire forme un pourvoi en cassation contre cet arrêt, estimant que le congé délivré devait s’analyser comme un congé sans offre de renouvellement, lui ouvrant le droit au paiement d’une indemnité d’éviction.
Au visa des articles 1103 du code civil et L.145-8 et L.145-9 du code de commerce, les juges de la troisième chambre civile de la Cour de cassation rappellent que le renouvellement du bail s’opère aux clauses et conditions du bail initial, sauf en ce qui concerne le montant du loyer renouvelé.
Ils rappellent également que la jurisprudence estime de manière constante que la délivrance d’un congé est un acte unilatéral qui met fin au bail par la seule volonté de celui dont il émane.
Les juges de la troisième chambre civile en déduisent que le congé accompagné d’une offre de renouvellement à des clauses et conditions différentes du nouveau bail s’analyse comme un congé avec refus de renouvellement, qui ouvre droit à une indemnité d’éviction pour le preneur.
L’arrêt d’appel est par conséquent cassé et annulé en toutes ses dispositions.
La comparaison entre le bail commercial initial et le nouveau bail proposé lors du congé
Le présent arrêt confirme la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de congé avec offre de renouvellement délivré à l’initiative du bailleur.
En analysant le congé délivré à des clauses et conditions différentes comme un congé sans offre de renouvellement, la Cour de cassation rappelle que pour contenir une offre de renouvellement, le congé doit seulement différer relativement au montant du loyer renouvelé.
En l’espèce, les clauses et conditions proposées par le bailleur dans son congé portaient sur la contenance des locaux et les obligations du preneur en matière d’entretien des locaux, ce qui avait pour vocation de modifier profondément le bail proposé par rapport au bail initial.
En sanctionnant les juges du fond qui n’ont pas tenu compte de la portée des clauses et conditions proposées dans le congé délivré, la Cour de cassation précise que la portée du congé ne doit pas dépendre de la volonté de celui qui le fait délivrer mais du contenu du bail proposé.
En effet, la seule proposition de régulariser un nouveau bail ne peut suffire à analyser le congé en une offre de renouvellement, si les clauses et conditions proposées modifient de manière significative les obligations pesant sur le preneur ou la nature des locaux loués.
Ce faisant, la Cour de cassation entend sécuriser la relation locative et offrir une certaine protection au bénéfice du locataire, contre l’augmentation abusive des obligations mises à sa charge par le bailleur.
L’offre accompagnant le congé étant affectée d’une irrégularité, le locataire dispose d’une alternative :
- Soit il accepte le principe du renouvellement tout en refusant les nouvelles clauses et conditions proposées, qui sont trop exigeantes,
- Soit il refuse le renouvellement du bail et bénéficie du droit à une indemnité d’éviction.
Civ 3ème, 11 janvier 2024, n°22-20.872
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