Limite à la protection du preneur en cas d’exercice par le bailleur du droit de repentir.
mardi 12 juin 2018

Limite à la protection du preneur en cas d’exercice par le bailleur du droit de repentir.

Si à la date de l'exercice du droit de repentir, le locataire n’a pas engagé un processus irréversible de départ des lieux, le bailleur peut valablement exercer son droit de repentir.

Une société locataire, titulaire d’un bail commercial, demande son renouvellement. En réponse, la SCI bailleresse signifie un congé avec refus de renouvellement sans offre d’indemnité d’éviction pour motif grave et légitime. Alors que la société locataire a informé la SCI bailleresse de son intention de quitter les lieux, cette dernière exerce son droit de repentir.

Après avoir fait constater par un huissier de justice la fermeture du local et adresser les clés à la SCI bailleresse, la société locataire assigne ladite SCI en paiement d’une indemnité d’éviction et, subsidiairement, au cas où le droit de repentir aurait été régulièrement exercé, en paiement de dommages-intérêts.

La cour d’appel rejette les demandes de la société locataire et considère que la SCI bailleresse a valablement exercé son droit de repentir, la société locataire n'ayant engagé aucun processus irréversible de départ des lieux.

La Cour de cassation confirme la décision de la cour d’appel qui, par motifs propres et adoptés, a souverainement relevé que la société locataire avait informé la SCI bailleresse de son intention de quitter les lieux sans toutefois l’aviser des dispositions prises en vue d’un déménagement, qu’à la date du constat d’huissier le local n'était pas libéré de tous les meubles qui l’encombraient, et que les clés n’avaient été restituées à la SCI bailleresse qu’après l’exercice de son droit de repentir. 

Remarques :

L’article L 145-58 du Code de commerce prévoit deux conditions pour l’exercice du droit de repentir, lesquelles selon la jurisprudence sont alternatives (voir par exemple CA Poitiers 2ème ch. 14 mars 2017 n° 16/00747). 

L’une de ces conditions est l’absence de libération des lieux par le locataire. 

Cette libération nécessitant une organisation, la jurisprudence admet que le droit de repentir ne peut plus être exercé lorsque le locataire a engagé un processus irréversible de libération (Cass. 3ème civ. 10 mars 2010, n°09-10793). 

Elle protège donc le locataire qui a entrepris des démarches pour quitter les lieux (organisation du déménagement, information des institutions représentatives du personnel, licenciement du personnel …).

Cependant, dans la décision commentée, il est précisé que l’information de l’intention de quitter les lieux ne vaut pas mise en place d’un tel processus.

La Haute juridiction limite ainsi la protection du preneur dans le cas où le bailleur décide d’exercer son droit de repentir. 

Arrêt n°519 du 31 mai 2018 - Cour de cassation - Troisième chambre civile F-D -  n° 17-14.179 
  

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