Une expérimentation dans des succursales à l’étranger suffit à justifier l’existence d’un savoir-faire.
Le franchiseur met simplement des moyens à disposition du franchisé mais n’offre pas une garantie de réitération d’un succès ou d’un modèle. Ce modèle peut en outre avoir été parfaitement expérimenté à l’étranger.
Dans cet arrêt de la Cour d’appel de Lyon rendu le 28 avril 2016, rendu dans le cadre de l’exécution d’un contrat de de franchise, un franchiseur se réclamait d’une créance de marchandises impayée parce que des ventes avaient été formées successivement en exécution du contrat cadre de franchise. Il assigne donc le franchisé défaillant en paiement de sa dette.
Le franchisé, très classiquement, fait valoir de manière reconventionnelle la nullité du contrat de franchise pour vice du consentement, pour défaut de cause et également inexécution du contrat par le franchiseur. Toutes les dispositions de cet arrêt ne sont pas commentées ci-dessous, mais simplement quelques éléments qui intéresseront les enseignes pour leur pratique contentieuse.
Tout d’abord, le franchisé se plaignait de l’absence de remise d’un état local : solution très classique dégagée par la Cour d’Appel de Lyon, il est débouté dans la mesure où il ne prouve pas en quoi cette absence de remise d’état local vicie son consentement.
La Cour relève tout à fait justement qu’il était un commerçant indépendant et qu’il connaissait parfaitement sa zone de chalandise pour y avoir exploité auparavant un magasin dans le même secteur d’activité sous une autre enseigne. Il connaissait donc parfaitement les caractéristiques de la concurrence et de la demande sur cette zone de chalandise. Cette solution est classique. La cour y ajoute que le franchisé avant de s’engager avait bénéficié de plus d’un an de période de réflexion et n’avait pas jugé opportun d’interroger le franchiseur sur ce point pendant la phase précontractuelle.
Par ailleurs le franchisé se plaignait de ce que le projet de contrat de franchise annexé au DIP ne correspondait pas à la version de contrat ensuite signé mais il n’avait pas caractérisé dans ses écritures en quoi ces différences auraient conduit au vice de son consentement, c’est-à-dire, en quoi des modifications auraient êtes introduites à son insu sur des clauses qui eussent été déterminantes de son engagement.
Enfin, sur la période précontractuelle, et donc sur le vice du consentement, il reprochait la transmission d’un prévisionnel irréaliste. En l’espèce, il existait un écart tout à fait significatif de l’ordre de 50% entre la prévision du franchisé « peut-être », et sa réalisation.
Néanmoins la cour, a estimé que le franchiseur n’avait pas fourni un prévisionnel à proprement parler mais un compte d’exploitation type, ce qui était mentionné et qu’il appartenait au franchisé, qui savait d’ailleurs être le premier franchisé français de ce réseau qui avait été jusqu’ici exploité en Belgique, que les chiffres communiqués ne concernaient que des succursales exploitées, le cas échéant, dans un contexte diffèrent. Il revenait donc, pour la Cour, au franchisé, d’établir ses propres prévisionnels en réalisant toutes les adaptations nécessaires aux données comptables qui lui étaient communiquées.
La Cour aussi, dans un attendu tout à fait intéressant considère que le seul fait que le franchisé n’ait pas atteint 50% des prévisionnels ne suffit pas à démontrer une erreur substantielle sur la rentabilité.
En effet elle considère que le franchisé avait une part active dans la réalisation de ce chiffre d’affaire.
Cette décision démontre qu’il est extrêmement important pour une enseigne face à une sous-performance de franchisés de caractériser dans des rapports d’animation cette sous-performance pour pouvoir ensuite développer l’argumentaire suivant lequel si le chiffre d’affaire n’est pas atteint, c’est que le franchisé n’a pas appliqué correctement le savoir-faire.
Je me permets de faire une transition sur le deuxième argument que le franchisé évoquait au soutien de la demande de nullité qui est un défaut de cause. Le franchisé expliquait que le savoir-faire n’avait pas été expérimenté de manière suffisante. La Cour relève que le droit français, pas plus d’ailleurs que le droit communautaire, ne définissent les conditions d’expérimentation de ce savoir-faire et notamment, n’exigent la constitution avant le développement en franchise d’un réseau local de distribution.
Or en l’espèce il existait bien clairement une expérimentation faite en Belgique dans plusieurs succursales et pendant une durée suffisante, c’est-à-dire notoirement supérieure à deux années et donc la cour, ici, exige simplement que soit transmis un savoir-faire qui résulte d’une expérience, de maniéré générique, de connaissances pratiques transmissibles de manière générique, conférant à celui qui le maitrise, un avantage concurrentiel, et à celui auquel il est transmis, la chance, mais non la garantie, de la réitération d’un succès.
Cela signifie que le juge entend bien qu’il s’agit simplement de moyens mis à disposition du franchisé mais non d’une garantie de réitération d’un succès ou d’un modèle et ce modèle peut avoir été parfaitement expérimenté à l’étranger.
En dernier lieu, sur la résiliation du contrat, je voudrais simplement insister sur un point. Le franchisé faisait grief au franchiseur de ne pas avoir créé le réseau de franchise et de ne pas l’avoir finalement développé. Il lui reprochait de l’avoir laissé à un stade trop embryonnaire en France. La Cour relève, qu’il n’existait aucune obligation de développer le réseau de franchise et que les difficultés du franchisé sont sans rapport avec l’absence de développement du réseau en France. Le franchisé a donc été débouté non seulement de sa demande en nullité, mais également de sa demande de résiliation du contrat aux torts du franchiseur et s’est vu condamner à payer la dette résultant de l’exécution du contrat et à indemniser le préjudice subi.
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