Prescription de l’action en restitution consécutive à la nullité d’une clause abusive  
jeudi 20 juin 2024

Prescription de l’action en restitution consécutive à la nullité d’une clause abusive  

Par un arrêt du 25 avril 2024, la CJUE a précisé le point de départ du délai de prescription applicable à une action en restitution de frais acquittés par le consommateur consécutivement à un jugement prononçant le caractère abusif d’une clause.

Dans le cadre de cette affaire, des requérants ont conclu un contrat de prêt hypothécaire avec un établissement bancaire espagnol dans lequel une clause stipulait à leur charge le paiement de tous les frais engendrés par le contrat. 

Considérant que cette clause était abusive, une requête a été introduite par ces derniers visant à obtenir l’annulation de cette clause et la restitution des montants versés au titre de celle-ci.  

La juridiction de première instance a déclaré la nullité de la clause et a prononcé la restitution des sommes. Cependant, la juridiction d’appel a considéré, s’agissant du délai de prescription applicable à l’action en restitution de ces montants, qu’il correspondait à la date à laquelle les requérants au principal avaient effectué les paiements indus, c’est-à-dire au moment de la conclusion de leur contrat de prêt hypothécaire, ce qui avait pour conséquence de rendre la demande en restitution prescrite. 

Un pourvoi a été formé devant la Cour suprême espagnole dans lequel les requérants soutiennent que le point de départ du délai de prescription de l’action en restitution des montants payés, en vertu d’une clause abusive, ne saurait être fixé au jour de la conclusion du contrat qui contenait cette clause et allèguent que ce délai doit débuter à compter de la décision judiciaire déclarant la clause abusive.  

Dans cette affaire, la Cour suprême espagnole s’interroge sur cette possibilité dès lors qu’elle aboutirait à rendre l’action imprescriptible et contraire au principe de sécurité juridique. En effet, le délai de prescription de cette action ne pouvant, par hypothèse, pas commencer à courir aussi longtemps qu’il n’a pas été fait droit à l’action en nullité d’une telle clause.  

Ainsi la Cour suprême espagnole interroge la Cour de justice de l’union européenne (CJUE) sur la question de savoir s’il est conforme au principe de sécurité juridique d’interpréter l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, en ce sens que le délai de prescription de l’action en restitution des sommes versées en vertu d’une clause abusive ne commence à courir qu’à compter de la constatation de la nullité de ladite clause par un jugement définitif.  

Dans sa réponse, la Cour de justice de l’union européenne rappelle d’abord qu’une demande introduite par le consommateur aux fins de la constatation du caractère abusif d’une clause figurant dans un contrat conclu entre ce dernier et un professionnel ne saurait être soumise à un quelconque délai de prescription (arrêt du 10 juin 2021, BNP Paribas Personal Finance, C-776/19 à C-782/19, EU:C:2021:470, point 38 et jurisprudence citée).  


Néanmoins, elle rappelle que ce même arrêt ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui soumet une telle action du consommateur à un délai de prescription, dès lors que son application ne rend pas en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par la Directive précitée.  

Ainsi la CJUE a jugé que l’application d’un délai de prescription qui commence à courir à partir de la conclusion du contrat, dans la mesure où elle implique que le consommateur ne peut demander la restitution des paiements effectués en exécution d’une clause contractuelle jugée abusive que pendant un délai déterminé après la signature de ce contrat, indépendamment de la question de savoir s’il avait ou pouvait raisonnablement avoir connaissance du caractère abusif de cette clause, est de nature à rendre excessivement difficile l’exercice des droits de ce consommateur conférés par la directive 93/13 (, arrêt du 16 juillet 2020, Caixabank et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, C-224/19 et C-259/19, EU:C:2020:578, point 91).  

Dès lors, afin de protéger les intérêts du consommateur, la CJUE a donc admis que le délai de prescription d’une action en restitution de frais qui ont été acquittés par le consommateur au titre d’une clause contractuelle dont le caractère abusif a été constaté par une décision judiciaire définitive rendue postérieurement au paiement de ces frais commence à courir à la date à laquelle cette décision est devenue définitive, sous réserve de la faculté, pour le professionnel, de prouver que ce consommateur avait ou pouvait raisonnablement avoir connaissance du caractère abusif de la clause concernée avant que n’intervienne ladite décision. 

S’agissant de la possibilité pour le consommateur d’avoir pu, raisonnablement, avoir connaissance du caractère abusif de la clause, la Cour de justice de l’Union européenne est également interrogée sur la possibilité d’opposer à un consommateur une jurisprudence, rendue dans des affaires distinctes et ayant déclaré abusives des clauses standardisées correspondant à la clause concernée du contrat.  

A cela la Cour de justice de l’union européenne répond par la négative en considérant qu’un tel raisonnement mettrait à la charge du consommateur une obligation de recherche de la jurisprudence de la Cour suprême nationale, alors que l’établissement bancaire qui dispose d’un service juridique est en mesure d’assurer cette veille juridique permettant d’informer les clients concernés par les contrats affectés d’une éventuelle clause abusive.  


Pour conclure, la CJUE rappelle dans cette affaire l’esprit de la Directive 93/13 qui vise à protéger les intérêts des consommateurs et ne saurait mettre à la charge du consommateur une obligation de se renseigner sur la jurisprudence de la Cour suprême nationale (ou de la Cour de cassation en France) en matière de clauses abusives

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