COVID-19 et non-paiement de loyer : le bailleur peut-il engager la clause résolutoire du bail ?
I - Crise sanitaire et non-paiement des loyers commerciaux : les preneurs disposent de plusieurs dispositifs protecteurs :
1. En premier lieu, l’ordonnance en date du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers interdit pour les entreprises éligibles au fond de solidarité l’application des pénalités, intérêts de retard, dommages et intérêts, astreinte, exécution de clause résolutoire, clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges pour la période du 12 mars 2020 jusqu’à 2 mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.
Rappelons quelques-unes des conditions à remplir pour être éligible au fonds de solidarité :
- votre effectif salarié est inférieur ou égal à dix salariés,
- le montant de votre chiffre d’affaires lors du dernier exercice clos est inférieur à 1 million d’euros,
- votre bénéfice imposable augmenté des sommes versées au dirigeant, est inférieur à 60 000 euros au titre du dernier exercice ;
- vous n’êtes pas lié à votre société par un contrat de travail à temps complet ;
- vous n’avez pas de holding ;
- vous avez subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 50 % durant la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020, – par rapport à la même période de l’année précédente ou votre local ne peut plus recevoir de public suite aux décisions administratives.
Ce texte a été adopté en suite de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, publié au JO le 24 mars 2020 qui permet de reporter intégralement ou d'étaler le paiement des loyers pour les seules « microentreprises », au sens du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 : c’est-à-dire celles employant moins de 10 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel ou un total de bilan n'excédant pas 2 millions d'euros.
Si vous êtes éligible au fonds de solidarité, le bailleur ne peut en aucun cas engager le jeu de la clause résolutoire avant une date qui est fixée deux mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire.
2. En deuxième lieu, l’article 14 II de la Loi du 14 novembre 2020, n°2020-1379 dispose que :
« Jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle leur activité cesse d'être affectée par une mesure de police mentionnée au I, les personnes mentionnées au même I ne peuvent encourir d'intérêts, de pénalités ou toute mesure financière ou encourir toute action, sanction ou voie d'exécution forcée à leur encontre pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locativesafférents aux locaux professionnels ou commerciaux où leur activité est ou était ainsi affectée. Pendant cette même période, les sûretés réelles et personnelles garantissant le paiement des loyers et charges locatives concernés ne peuvent être mises en œuvre et le bailleur ne peut pas pratiquer de mesures conservatoires. Toute stipulation contraire, notamment toute clause résolutoire ou prévoyant une déchéance en raison du non-paiement ou retard de paiement de loyers ou charges, est réputée non écrite ».
Les conditions d’application de ce régime protecteur des locataires faisant l’objet de mesures de police administrative sont fixées par l’article 1 du Décret 2020-1766 du 30 décembre 2020 « Relatif aux bénéficiaires des dispositions de l'article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire et portant sur les loyers et charges locatives » qui dispose que :
« 1° Leur effectif salarié est inférieur à 250 salariés ;
2° Le montant de leur chiffre d'affaires constaté lors du dernier exercice clos est inférieur à 50 millions d'euros ou, pour les activités n'ayant pas d'exercice clos, le montant de leur chiffre d'affaires mensuel moyen est inférieur à 4,17 millions d'euros ;
3° Leur perte de chiffre d'affaires est d'au moins 50 % appréciés selon les modalités fixées au II.
II. - Pour les mesures de police administrative prises dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire déclaré le 17 octobre 2020, le critère de perte de chiffre d'affaires mentionné au 3° du I du présent article correspond à une perte de chiffre d'affaires d'au moins 50 % durant la période comprise entre le 1er novembre 2020 et le 30 novembre 2020, laquelle est définie comme la différence entre, d'une part, le chiffre d'affaires au cours du mois de novembre 2020 et, d'autre part :
- le chiffre d'affaires durant la même période de l'année précédente (…) »
Ainsi, aucune action en recouvrement de loyer ne peut être intentée dès lors que le preneur remplit les conditions suivantes :
1° effectif salarié inférieur à 250 salariés ;
2° montant du CA constaté lors du dernier exercice clos inférieur à 50 millions d'euros ou, pour les activités n'ayant pas d'exercice clos, le montant du CA mensuel moyen inférieur à 4,17 millions d'euros ;
3° perte de chiffre d’affaires d'au moins 50 % sur le mois de novembre 2020.
II. Dans ces conditions, certains bailleurs ne peuvent pas engager la clause résolutoire du bail commercial
Compte tenu des dispositifs ci-dessus rappelés, la question de la validité d’un commandement visant la clause résolutoire d’avoir à payer un arriéré locatif échu dans la période d’état d’urgence sanitaire est posée. La même question est posée s’agissant de la recevabilité d’une action en constat d’acquisition de la clause résolutoire du bail commercial qui se fonderait sur un commandement visant des sommes dont l’échéance rentre dans la période définie.
Si vous n’êtes pas éligible à ce fonds de solidarité, ou aux critères du décret précité du 30 décembre 2021, la clause résolutoire expresse ne peut être engagée que sous plusieurs conditions restrictives et cumulatives.
1. Premièrement, elle ne peut l’être que sur le fondement d’une créance certaine, liquide et exigible. Or, soit le bailleur n’est plus en mesure de vous délivrer le local et vous êtes fondé par le jeu de l’exception d’inexécution à ne plus l’exploiter, soit la maladie et les diverses mesures règlementaires constituant la force majeure ne vous permettent plus d’obtenir et de jouir de la contrepartie normale du loyer, soit les mesures de police administrative affectant votre activité sont assimilables à une perte partielle ou totale de la chose louée : le bailleur ne dispose donc pas d’une créance certaine.
2. Deuxièmement, la clause résolutoire doit formellement être visée dans un commandement de payer qui la reproduit et fait état de la volonté du bailleur de s’en prévaloir.
Si vous receviez un tel commandement, il convient d'opposer au bailleur :
- l’article 2 de l’ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020 précise que tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.
- L'article 14 II de la loi du 14 novembre 2020, n°2020-137 précité.
III. Le risque de voir la clause résolutoire déclarée acquise est limité
Si vous laissez acquérir la clause résolutoire expresse, le bailleur devra prendre l’initiative de saisir le juge des référés pour solliciter le constat d’acquisition de la clause résolutoire.
Il sera alors possible pour le locataire du bail commercial de se défendre en sollicitant à titre liminaire l'irrecevabilité de l'action du bailleur, à titre principal la nullité de commandement, l'absence de créance certaine et à titre subsidiaire la suspension des effets de la clause résolutoire tout en demandant des délais de paiement, dans la limite de 24 mois.
Dans le contexte de la pandémie et compte tenu du caractère impérieux de protection des entreprises, la plupart des juges accordent des délais de paiement.
Il faudra toutefois pour cela que le preneur puisse justifier de ses démarches et de son comportement de bonne foi à l’endroit du bailleur pour solliciter que les loyers ne soient pas réglés (notification des moyens de droit commun autorisant le preneur de ne pas régler) et du refus opposé brutalement par le bailleur.
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