

Quels risques juridiques et financiers présente la signature d’une lettre d’intention ?
Afin de parvenir à la conclusion d’un bail commercial, les parties ont intérêt à cadrer leur négociation dans une lettre d’intention (letter of interest). Si cette lettre n’a aucune valeur contractuelle, elle exprime néanmoins la volonté des parties. Que se passe-t-il si le candidat preneur met un terme à la négociation organisée dans la lettre d’intention ?
Le candidat preneur à un bail commercial, qui signe une lettre d’intention afin de marquer son intérêt pour un local commercial et exprimer les conditions de son offre, s’expose à certains risques juridiques et financiers dans le cas où il reprendrait sa liberté et ne conclurait pas le bail commercial.
Voici une présentation non exhaustive des principaux risques :
1. Les conséquences sur les engagements pris dans une lettre d’intention
La lettre d'intention est souvent non contraignante. Elle constitue une invitation à entrer en pourparlers et le rédacteur avisé prend le soin de préciser qu’elle ne vise pas à créer un engagement.
Cependant, si la lettre exprime les éléments essentiels du bail commercial, elle pourrait valoir offre contractuelle et sa simple acceptation pourrait lui donner une portée juridique.
Par ailleurs, la lettre d’intention, bien que non contraignante, pourrait contenir des engagements spécifiques.
Par exemple, la lettre d'intention est susceptible d’inclure une clause de confidentialité. La confidentialité est un élément essentiel de la lettre d'intention. L’obligation de confidentialité a d’ailleurs été consacrée par l’ordonnance du 10 février 2016.
L’article 1112-2 du code civil dispose : « Celui qui utilise ou divulgue sans autorisation une information confidentielle obtenue à l'occasion des négociations engage sa responsabilité dans les conditions du droit commun. »
Ainsi, dans le cas d’une clause de confidentialité, si le candidat preneur reprenait sa liberté, le non-respect de la clause de confidentialité constituerait une violation de son engagement et cette violation pourrait permettre au bailleur de réclamer des dommages-intérêts.
2. L’obligation de bonne foi dans l’exécution de la lettre d’intention
Les parties à une négociation doivent respecter une obligation de bonne foi.
Elles doivent la respecter dès la naissance des pourparlers, lors de leur déroulement et de leur rupture.
Si le candidat preneur commet une faute dans les pourparlers, celle-ci pourraient être sanctionnée au titre de sa responsabilité extracontractuelle.
Ce principe jurisprudentiel a été codifié par l’ordonnance du 10 février 2016. Ainsi, l’article 1112 du code civil dispose :
« L'initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi.
En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu, ni la perte de chance d'obtenir ces avantages. »
Il en résulte que le non-respect par le candidat preneur d’une lettre d'intention, sans motif légitime, pourrait être considéré par le bailleur comme un manquement à l’obligation de bonne foi. Ce dernier pourrait tenter de réclamer des dommages et intérêts pour rupture abusive des pourparlers.
Il s’agit donc pour le candidat preneur de ne pas adopter un comportement déloyal lors de la résiliation de la lettre d’intention.
3. Le risque de réclamation de dommages et intérêts
Le candidat preneur s’expose au paiement de dommages et intérêts si la résiliation de la lettre d’intention dont il est à l’origine cause un préjudice au bailleur.
Par exemple, si des investissements ont été réalisés ou des opportunités ont été perdues en raison de la confiance accordée à la lettre d'intention, le bailleur pourrait chercher à obtenir une compensation financière pour ces pertes.
En outre, le candidat preneur s’expose au paiement de dommages et intérêts s’il ne respecte pas ses engagements spécifiques et son engagement de négocier de bonne foi.
Comme vu plus haut (paragraphe 2), cette obligation de négocier de bonne foi prend naissance dès le commencement des pourparlers.
Le bailleur peut lui aussi être sanctionné en cas de non-respect de l’obligation de négocier de bonne foi.
Par exemple, dans une décision rendue en 2012, la haute juridiction avait considéré que la cour d’appel avait pu juger qu'une société, s'étant abstenue, avant la conclusion du contrat, de s'assurer de son pouvoir de consentir valablement un bail commercial de droit privé sur un bien qu'elle savait pourtant appartenir au domaine public, commettait une faute engageant sa responsabilité (Cass. 1re civ., 31 oct. 2012, n° 11-15.529).
Autrement dit, le bailleur avait manqué à son obligation de bonne foi en créant une attente légitime qui ne pouvait pas être concrétisée ou qu’il savait irréalisable.
4. Les frais de procédure en cas de litige relatif à une lettre d’intention
En général, il est prévu dans la lettre d’intention qu’en cas de de litige, les frais de justice et les dépens seront à la charge de la partie qui résilie la lettre d'intention.
Dans l’hypothèse d’une rupture abusive des pourparlers, si une partie assume la totalité des frais, l’autre partie pourrait poursuivre la partie débitrice pour récupérer lesdits frais.
En conclusion
La résiliation d'une lettre d'intention ou la rupture de pourparlers, avant la signature d'un bail commercial, doit être effectuée avec prudence.
Il est essentiel de considérer les engagements pris, de respecter l'obligation de bonne foi et d'évaluer les risques de réclamations pour dommages-intérêts.
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