Régularisation des charges et délai de l’action en recouvrement
mardi 21 janvier 2025

Régularisation des charges et délai de l’action en recouvrement

Si le bailleur omet de vous refacturer les charges, soyez prudents et provisionnez-les !  

Il est susceptible d’agir à votre encontre pour recouvrer les charges au-delà du délai de prescription biennale.  

 

Un bailleur introduit, le 13 mai 2022, une action à l’encontre de son locataire, afin de recouvrer les charges dues au titre des années 2016 à 2019.  

En première instance, le locataire est condamné à payer la régularisation des charges effectuée par le bailleur au titre des années 2016 à 2019.  

Le locataire interjette appel du jugement de première instance et saisit le conseiller de la mise en état, afin de faire constater la prescription de cette action en recouvrement.  

Reddition des charges d’un bail commercial : quel délai de prescription pour le recouvrement ?

Il considère en effet qu’en matière de baux commerciaux, les dispositions relatives à la régularisation des charges sont d’ordre public, ce qui a pour effet d’écarter l’application du droit commun de la prescription, dont la durée est de cinq ans en matière de recouvrement de charges.   

Selon le locataire, eu égard aux dispositions des articles R145-36 et L145-60, si le local pris à bail se situe dans une copropriété, le bailleur dispose d’un délai de trois mois à compter de la reddition des charges sur l’exercice annuel pour régulariser les charges du locataire, puis, à l’expiration de ce délai, d’un délai de deux ans pour recouvrer les sommes dues au titre de celle-ci.  

En l’espèce, les charges dont le recouvrement est sollicité par le bailleur sont principalement relatives à des travaux votés par la copropriété entre 2015 et 2017.  

Le locataire estime par conséquent que le bailleur ne peut poursuivre leur recouvrement car le local commercial se situe dans une copropriété et sa demande a été introduite le 13 mai 2022, plus de deux ans après la reddition des charges des exercices annuels 2015 à 2017.  

Le bailleur estime pour sa part que l’action en recouvrement des régularisations de charge se voit appliquer le droit commun des contrats et se prescrit par cinq ans, conformément aux dispositions de l’article 2224 du code civil.  

Il argue également du fait que l’obligation de régularisation annuelle des charges, qui pèse sur le bailleur en application des dispositions de l’article R145-36 du code de commerce, doit être effectuée soit dans un délai de trois mois suivant la reddition des charges de copropriété sur l’exercice annuel, soit au plus tard le 30 septembre de l’année suivant celle qui fait l’objet de la régularisation, pour les locaux commerciaux qui ne sont pas situés dans une copropriété, n’est assortie d’aucune sanction.   

Dès lors, le bailleur estime qu’il ne peut être sanctionné pour ne pas avoir effectué la régularisation des charges des années 2015 à 2017 au cours des années 2016 à 2018. 

De même, il estime que l’action en recouvrement des charges n’est pas prescrite car elle a été introduite le 13 mai 2022, soit avant l’expiration du délai de prescription de droit commun de cinq ans.  

Le conseiller de la mise en état rappelle les dispositions de l’article R145-36 du code de commerce et précise que le non-respect de ces dispositions n’est assorti d’aucune sanction.  

Il analyse ensuite la nature des demandes du bailleur afin de déterminer si ces demandes relèvent du statut « spécifique » aux baux commerciaux.  

A cet égard, le conseiller de la mise en état relève que les demandes du bailleur consistent à obtenir la condamnation du locataire au paiement des régularisations de charges, conformément aux stipulations contractuelles du bail.  

Le conseiller de la mise en état considère que l’obligation du locataire de payer les régularisations de charges découle de l’obligation plus générale du locataire de payer le loyer et les charges en contrepartie de la jouissance du local pris à bail.  

Cette obligation n’est pas propre au statut des baux commerciaux, car elle est commune à tous les locataires, quel que soit la nature de la chose louée.  

Les demandes du bailleur sont, par conséquent, de nature purement contractuelle et se voient appliquer le délai de prescription de droit commun. 

Le conseiller de la mise en état en déduit que les demandes du bailleur ne sont pas prescrites car elles ont été introduites le 13 mai 2022, soit avant l’expiration du délai de prescription de cinq ans.

Le délai de prescription de droit commun pour les actions en recouvrement des charges du bail commercial  

Le présent arrêt confirme l’application du délai de prescription de droit commun de cinq ans aux actions en recouvrement des charges liées à la prise à bail d’un local commercial.  

Il rappelle que si le bailleur est en principe dans l’obligation de régulariser les charges annuellement dans les délais prescrits par l’article R145-36 du code de commerce, l’absence de sanction en cas de non-respect de ces délais ne fait pas obstacle à l’action en recouvrement des charges régularisées hors délai.  

Ainsi, le bailleur qui ne respecte pas les délais de l’article R145-36 du code de commerce pour procéder à la régularisation annuelle peut agir en recouvrement de ces charges dans un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle le locataire a eu connaissance de l’arrêté définitif des charges.   

Cependant, il ne convient pas d’interpréter l’absence de sanction liée à l’application des dispositions de l’article R145-36 du code de commerce comme un blanc-seing pour le bailleur.  

En effet, le bailleur engage sa responsabilité si la régularisation tardive ou excessive des charges entraine un préjudice pour le locataire. (Cass. 3e civ., 8 oct. 2015, n°14-21.710) 

De la même manière, le bailleur qui n’est pas en mesure de justifier des charges facturées au locataire ne peut poursuivre leur recouvrement et le locataire est bien fondé à solliciter le remboursement des provisions versées au titre de ces charges injustifiées. (Cass. 3e civ., 5 nov. 2014, n°13-24.451; Cass. 3e civ., 9 juin 2015, n° 14-13.555) 

Afin d’éviter les régularisations de charges tardives ou injustifiée, le locataire doit veiller à ce que les dispositions de l’article R145-36 du code de commerce soient retranscrites dans le bail.  

Il peut également, lors de la rédaction du bail, négocier des délais afin de pouvoir solliciter auprès du bailleur les justificatifs des charges, à réception du courrier notifiant la régularisation annuelle des charges.  

CA Paris, Pôle 5 chambre 3, 5 septembre 2024, n°23/01839


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