Bien nettement personnalisé et droit de rétractation pour un site web
mercredi 19 mars 2025

Bien nettement personnalisé et droit de rétractation pour un site web

Par un arrêt du 17 octobre 2024, la Cour d’appel de Douai s’est prononcée sur la notion de bien nettement personnalisé appliqué à un site internet s’agissant du bénéfice du droit de rétractation.  

Un litige autour du droit de rétractation dans la création d’un site internet 

En l’espèce, un prestataire démarche une société spécialisée dans le remorquage de véhicules – intervenant à titre non professionnel – afin de l’accompagner dans le cadre de la création et la location de son site internet. Le contrat conclu était un contrat hors établissement et intégrait une clause de renonciation au droit de rétractation

En raison d’une inexécution contractuelle, le client allègue qu’il n’a pas valablement informé de son droit de rétractation et assigne en justice le prestataire pour demander la nullité du contrat. Le prestataire avance le moyen selon lequel le contrat de création du site internet relève des contrats pour lesquels le délai de rétractation n’est pas applicable, dès lors que la création du site internet répondait aux spécifications du client.  

Les exceptions au droit de rétractation pour un bien nettement personnalisé  

En effet, il convient préalablement de rappeler le principe général selon lequel un contrat conclu à distance ou hors établissement entre un professionnel et un consommateur doit donner lieu à l’application d’un délai de rétractation de 14 jours, en application de l’article L121-18 du code de la consommation. 

L’article L121-18 du code de la consommation prévoit des cas d’exclusion du droit de rétractation, notamment en présence d’un contrat de fourniture d’un bien confectionné selon les spécifications du consommateur ou lorsque le bien est nettement personnalisé (article L121-28, 3° du code de la consommation).  

Pour contredire le requérant, le prestataire avance principalement trois arguments. Le premier porte sur l’inapplicabilité du droit de la consommation, le second porte sur le caractère nouveau de la demande et le troisième  porte  sur l’inapplicabilité du droit de rétractation à un contrat portant sur la fourniture d’un bien personnalisé.  

L’analyse de la Cour d’appel sur le droit de rétractation 

Tout d’abord, s’agissant du premier argument, la Cour d’appel rappelle que l’article L221-3 du code de la consommation prévoit que certaines dispositions du droit de la consommation, notamment les dispositions relatives au droit de rétractation,  applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels, dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq. Elle en déduit l’applicabilité des dispositions sur le droit de rétractation.  

S’agissant du second argument, le prestataire indique que le requérant a sollicité en première instance la résolution du contrat conclu le 22 octobre 2019, alors qu’en appel il a demandé la nullité à titre principal, et la résolution à titre subsidiaire. Pour rejeter cet argument, la Cour d’appel rappelle la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle, lorsque des prétentions reposent sur des fondements juridiques distincts, mais tendent aux mêmes fins, à savoir l'anéantissement rétroactif du contrat litigieux, la demande portant sur un fondement juridique distinct ne doit pas être appréciée comme une demande nouvelle (Cour de cassation 1re Civ., 24 novembre 2021, pourvoi n° 19-19.036).  

Un site internet est-il un bien nettement personnalisé ? 

Enfin, s’agissant du troisième argument, la Cour d’appel constate le contrat en cause est un contrat prévoyant la création d'un site vitrine « standard » (menu, articles, photos'), incluant un formulaire de contact, la création et l'hébergement d'une adresse e-mail et d'une base de données ainsi qu'un suivi de référencement trimestriel. Quelques options ont été « cochées » dans la liste proposée : flash-info, diaporama, newsletter, et témoignages. 

Au regard de ces éléments la Cour d’appel de Douai considère que ces seules mentions ne démontrent pas en quoi le produit serait confectionné selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisé. En effet, elle considère que le prestataire aurait dû pouvoir justifier d’un cahier des charges ou d’instructions particulières propre à la volonté du client, ce qui empêche la qualification de bien nettement personnalisé.  

En tout état de cause, La Cour d’appel de Douai précise que même si ce contrat portait sur un bien nettement personnalisé, la nullité du contrat est encourue du seul fait que le prestataire n’a pas informé le client de l’inapplicabilité du droit de rétractation, ce qui constitue un manquement à l’article L221-5 du code de la consommation.  



Références : CA Douai 17-10-2024 n° 23/01154, Sté CKM Remorquage c/ Sté Cristal’Id 

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