Droit des marques : il sera plus dur de s’opposer
La réforme du « Paquet Marque » va avoir des conséquences concrètes sur la possibilité pour des titulaires de marques françaises de s’opposer à des demandes d’enregistrement ultérieures.
Lorsqu’une personne demande l’enregistrement d’une marque auprès de l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI), la publication de sa demande ouvre un délai de deux (2) mois au cours desquels les titulaires de marques antérieures peuvent s’opposer à cet enregistrement.
La demande d’opposition est alors étudiée et la demande d’enregistrement de marque postérieure peut être rejetée, en totalité ou partiellement, en fonction de la similarité ou de l’identité des produits ou services pour lesquels l’enregistrement de la marque est sollicité avec ceux de la marque antérieure, ainsi que de l’identité ou de la similarité du signe dont la protection est sollicitée.
Toutefois, afin d’éviter que des marques ne soient bloquées par des titulaires alors même qu’elles ne seraient pas exploitées, le droit des marques prévoit qu’en l’absence d’exploitation commerciale sérieuse d’une marque dans les cinq (5) ans suivant l’enregistrement, ou ultérieurement pendant toute période ininterrompue de cinq ans, le titulaire de ladite marque peut être déchu de ses droits. Cela permet alors de rendre à nouveau disponible le signe en question.
Dans le cas où le titulaire d’une marque antérieure forme opposition à une demande d’enregistrement postérieure, le titulaire de la demande d’enregistrement objet de l’opposition peut ainsi, en application de l’article R. 712-17 du Code de la Propriété Intellectuelle, « inviter l’opposant à produire des pièces propres à établir que la déchéance de ses droits pour défaut d’exploitation n’est pas encourue ». Autrement dit il peut inviter l’opposant à justifier qu’il a effectivement fait une exploitation commerciale sérieuse de sa marque. Une telle demande présente un intérêt lorsque l’opposant invoque une marque qui a plus de cinq ans.
Dans ce cas, l’INPI n’est pas juge de la déchéance : il n’a pas à apprécier si l’opposant doit être déchu de ses droits sur la marque ou non. Il doit par contre s’assurer que « les pièces fournies rendent vraisemblable l’usage de la marque antérieure »(1). A défaut, la procédure d’opposition est clôturée (CPI, art. R. 712-18). A titre d’exemple, l’INPI peut clôturer la procédure d’opposition lorsque les pièces fournies, à savoir un catalogue, ne permettent pas d’établir « une mise en contact concrète avec la clientèle et une commercialisation effective de ces produits » (2), dans la mesure en particulier où les catalogues en question ne comportaient aucun prix.
Toutefois, il suffit que la démonstration de cette exploitation effective soit faite, selon cet article R. 712-17, « pour au moins l’un des produits ou services sur lesquels est fondé l’opposition ». Cela signifie que si un titulaire d’une marque s’oppose à l’enregistrement d’une marque au titre de plusieurs produits ou services qui seraient identiques ou similaires, il suffit de prouver une exploitation effective pour au moins l’un d’entre eux.
La directive (UE) n° 2015/2436 du Parlement Européen et du Conseil du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques vient modifier ce principe. L’objet de cette directive est d’harmoniser les droits des Etats membres en matière de marque.
Or, son article 44, relatif au non-usage d’une marque comme moyen de défense dans une procédure d’opposition, prévoit notamment en son alinéa 2 que « si la marque antérieure n’a été utilisée que pour une partie des produits ou des services pour lesquels elle est enregistrée, elle n’est réputée enregistrée, aux fins de l’examen de l’opposition prévu au paragraphe 1, que pour cette partie des produits ou des services ».
Cela signifie que lorsque le titulaire d’une marque souhaitera s’en prévaloir pour faire opposition à des dépôts ultérieurs, il devra être en mesure de faire la démonstration d’une exploitation commerciale sérieuse au cours des 5 dernières années pour l’ensemble des produits ou services invoqués au support de son opposition. A défaut, la demande d’opposition ne sera étudiée que pour les produits ou services pour lesquels cette démonstration a pu être faite.
L’impact de cette mesure ne sera pas neutre.
Il invitera tout d’abord les opposants à précisément sélectionner les produits ou services au titre desquels l’opposition sera formulée. Il ne sera en effet plus possible de fonder une opposition sur plusieurs dizaines de produits ou services et de se contenter le cas échéant de justifier une exploitation effective d’un ou deux.
De plus, au-delà de l’exploitation effective de l’ensemble des produits et services qui seront invoqués, il sera nécessaire de pouvoir prouver cet usage pour chacun d’eux. Cela implique de conserver toutes pièces en justifiant quels qu’elles soient et cela y compris pour les produits et services qui ne seraient le cas échéant plus exploités dès lors qu’ils l’auraient été au cours des cinq dernières années.
Compte tenu de la date prévue de transposition de la directive, à savoir le 14 janvier 2019, il convient dès maintenant de s’assurer de disposer de ces preuves pour pouvoir, s’il en était besoin, faire la démonstration d’une exploitation effective pour l’ensemble des produits ou services pour lesquels des marques sont protégées.
(1) M. Cantet et M. Junagade, La jurisprudence récente en matière d’opposition, Propriété Industrielle, Lexis Nexis, Avril 2016, page 10
(2) CA Paris, 10 avr. 2015, n° 14/20332, Merck KGaA.
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