Interdit d'interdire la vente sur Internet (Franchise Magazine, Juin 2013)
Interdit d'interdire la vente sur Internet
Commentant un récent arrêt de la cour d'appel de Paris sur la possibilité d'empêcher la vente de produits sur Internet, les auteurs rappellent pourquoi il est "interdit d'interdire" et soulignent les conséquences de ce principe pour les enseignes.
La Cour d'appel de Paris a rendu, le 31 janvier 2013, un arrêt très attendu puisque portant sur le recours formé par la société Pierre Fabre contre une décision du Conseil de la concurrence (devenu Autorité de la concurrence) du 29 octobre 2008.
La question posée était celle de la possibilité d'empêcher des distributeurs de vendre les produits sur internet. En l’occurrence, les contrats imposaient une distribution par le biais de points de vente physiques et la présence d'un pharmacien diplômé à même de donner des conseils aux clients. L'Autorité de la concurrence a considéré qu'une telle clause, empêchant de fait de la vente par Internet, constituait une violation des règles françaises et communautaires qui prohibent toutes ententes ayant pour objet ou pour effet de restreindre le libre jeu de la concurrence. La cour de justice de l'Union européenne, interrogée par la cour d'appel avait rendu un arrêt préjudiciel le 13 octobre 2011.
Pierre Fabre a tenté de démontrer que la restriction figurant dans leur contrat n'a pas un objet anticoncurrentiel, qu'elle était justifiée au regard de ses objectifs et du contexte juridique et économique et qu'elle devait en conséquence échapper à la prohibition des ententes. La cour d'appel de Paris a confirmé la décision du Conseil de la concurrence venant ainsi confirmer une position qui avait été réaffirmée par l'Autorité de la concurrence dans un avis du 18 septembre 2012 et dans une décision Bang&Olufsen du 12 décembre 2012 : il est interdit d'interdire la vente par Internet.
Ainsi, la vente en ligne n'est pas assimilable à la vente sur catalogue, la vente en ligne permettant des interactions plus grandes. Des justifications avancées pour interdire la vente sur catalogue à des distributeurs ne sont donc pas nécessairement applicables aux ventes par Internet. Au cas d'espèce, la Cour a ainsi considéré qu'Internet permettrait la fourniture d'un conseil personnalisé, que ce soit par la mise en ligne d'informations sur les produits, y compris vidéos, ou la possibilité d'une mise en place d'une "hotline" permettant des conseils individualisés.
L'existence ou non de restrictions légales ou réglementaires imposant certaines modalités de vente a été prise en compte pour déterminer si une interdiction de vente par Internet peut être justifiée ou non. En l'occurrence la Cour a relevé qu'aucune restriction de ce type n'existait. La Cour a rejeté également l'argument selon lequel l'interdiction des ventes en ligne permettrait de réduire les contrefaçons, considérant que rien ne venait démontrer cette affirmation.
La Cour rappelle par contre qu'il n'est pas imposé à Pierre Fabre d'autoriser la vente en ligne par d'autres opérateurs que ses distributeurs agréés, tels que les "pure players". Elle précise également que le risque de "parasitage" (conseil obtenu auprès d'un distributeur puis achat en ligne auprès d'un autre) serait limité si le distributeur en ligne est tenu aux mêmes obligations que celui qui a délivré le conseil.
Les enseignes devront donc prendre soin d'éviter d'interdire la vente en ligne de leurs produits, sauf circonstances réellement exceptionnelles, liées à une contrainte légale particulière par exemple, mais devront par contre prendre soin d'organiser contractuellement les modalités desdites ventes en ligne, afin de pouvoir maintenir la qualité et l'image souhaitées. Cette question est devenue un enjeu majeur et incontournable de la rédaction des contrats de distribution.
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