L'Onglerie : une marque doit être distinctive (L'officiel de la franchise, Septembre 2015)
lundi 9 février 2015

L'Onglerie : une marque doit être distinctive (L'officiel de la franchise, Septembre 2015)

Une marque doit être distinctive ou Des limites de se contenter de mettre du vernis

(CA Paris, 5 juin 2015, RG n° 14/10898)


La fonction d’une marque est de distinguer l’origine des produits ou services pour lesquels elle est déposée. Ne peut donc être enregistrée une marque qui ne serait pas distinctive. C’est notamment le cas si le dépôt concerne un signe qui dans le langage courant ou professionnel est la désignation « nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service » ou si ce signe sert à désigner une caractéristique du produit ou du service (CPI, art. L.711-1).

Il arrive toutefois fréquemment que des marques déposées soient juste évocatrices : sans être totalement descriptives, elles évoquent les produits ou services qu’elles couvrent. Cela permet au consommateur qui ne connait pas la marque de comprendre quelle est la nature des services fournis ou des produits vendus. Il ne s’agit donc pas d’un pur nom de fantaisie. Toutefois, cette pratique présente des risques. Une récente décision de la Cour d’Appel de Paris du 5 juin 2015 vient l’illustrer.

En l’espèce, la société L’Onglerie est titulaire de la marque « L’Onglerie », enregistrée auprès de l’INPI depuis 1999. Cette société exploite sous cette marque un réseau de nail bars. La société JCDA, qui exploite notamment le réseau Body Minute, lance un concept dédié aux soins des ongles, sous la marque « Nail Minute ». Elle diffuse en 2013 une publicité pour ce concept, dans laquelle elle utilise le terme « onglerie » à deux reprises. L’Onglerie assigne JCDA en contrefaçon.

JCDA sollicite en réponse la nullité de la marque « L’Onglerie » pour défaut de caractère distinctif et à titre subsidiaire, demande la déchéance de la marque pour dégénérescence.

La Cour d’Appel de Paris juge que le terme « onglerie » n’est pas distinctif, mais que la marque concernée, du fait de l’emploi de l’article élidé « L » en majuscule, du O majuscule, d’une police spécifique et de la couleur rouge, comporte une part d’arbitraire et donc un caractère distinctif. La Cour d’Appel juge également que toutes les démonstrations d’emploi du terme « onglerie » ne portent que sur ce seul terme et pas sur le terme « L’Onglerie » avec la couleur rouge, telle que la marque a été déposée. Par conséquent, laa marque n’est pas annulée et L’Onglerie n’est pas déchue de ses droits sur la marque.

Pourtant, L’Onglerie n’obtient pas gain de cause. En effet, sur la question de la contrefaçon, la Cour d’Appel rappelle que pour qu’un signe soit susceptible de porter atteinte à une marque enregistrée, « encore faut-il qu’il désigne des produits ou des services et les rattachent ainsi à une origine commercial déterminée, c’est-à-dire qu’il soit exploité à titre de marque ». En l’espèce, la Cour souligne que l’emploi dans la publicité de JCDA, des termes « l’onglerie » et « d’onglerie » est réalisé dans leur « acception courante, pour désigner un service de soin des ongles », sans en identifier l’origine commerciale, d’autant plus qu’ils sont utilisés en lien avec la marque Nail Minute, laquelle apparait en gras dans le texte de l’annonce. En effet, l’annonce parlait d’un « institut (…) dédié à l’onglerie » et de « concept d’onglerie (…) ». Dès lors, L’Onglerie est déboutée de sa demande en contrefaçon.

Choisir comme marque un terme évocateur de ses produits ou services implique donc d’ajouter des éléments (autres termes, logos, typographie, couleur etc.) qui permettent de rendre la marque distinctive, sous peine de risquer l’annulation. Toutefois, cela sera sans doute insuffisant pour s’opposer à l’utilisation de ce même terme par des concurrents dès lors qu’il le sera dans son sens commun et pas à titre de marque. Si un peu de vernis permet de se distinguer, ça ne protège pas de toutes les agressions...