La succession de contrats à durée déterminée n’exclut pas l’existence d’une relation commerciale établie
Durant plus de six années, une tête de réseau a conclu successivement des contrats de mandat-gérance à durée déterminée d’un an chacun, pour l’exploitation de plusieurs fonds de commerce. Certes aucune tacite reconduction n’était prévue au contrat, mais la relation d’affaires était renouvelée contractuellement chaque année sans aucune difficulté.
A peine plus d’un mois avant le terme du contrat en cours, la tête de réseau informe le mandataire de sa volonté de ne pas renouveler le contrat, et de son souhait de mettre un terme à leur relation d’affaires. Il assigne alors la tête de réseau en référé afin d’obtenir la poursuite de leurs relations commerciales.
La Cour de cassation confirme l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris ayant condamné la tête de réseau à indemniser le mandataire-gérant du fait du caractère brutal de la rupture des relations commerciales établies.
Pour rappel, l’article L.442-6 §1 5° du Code de commerce dispose qu’ « engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers […] de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels […] ».
Appliqué à la situation de fait, la Cour estime d’une part que l’existence d’une succession de contrat à durée déterminée couplé à une absence de tacite reconduction du contrat n’exclut absolument pas l’existence d’une relation commerciale établie. D’autre part, elle constate que l’existence d’une chaine ininterrompue de contrat pendant six ans ainsi qu’une exclusivité générée par la relation établie est de nature à faire présager au mandataire la poursuite de la relation et la signature d’un nouveau contrat à l’échéance du précédent.
La Cour constate que le délai de carence d’un mois consenti au mandataire avant la prise d’effet de la rupture était insuffisant pour lui permettre de se reconvertir et de réorienter son activité vers d’autres clients. Elle en déduit que la rupture est constitutive d’un trouble manifestement illicite et ordonne la poursuite des relations commerciales entre les deux cocontractants pour une durée de six mois.
La Cour a pris en compte dans son analyse, et ce de manière classique, la durée de la relation d’affaires ainsi que l’existence d’une exclusivité de collaboration pour la victime.
Cet arrêt vient rappeler une solution établie par la jurisprudence, suivant laquelle pour apprécier le caractère établie d’une relation, les juges ne s’intéressent pas à la forme juridique de cette relation, la simple caractérisation d’une relation commerciale suffit. Ainsi, une succession de contrat à durée déterminée peut être constitutive d’une relation commerciale établie et n’échappe donc pas à la délivrance d’un préavis raisonnable. Les têtes de réseau doivent donc, même en cas de relation à durée déterminée, veiller à respecter un délai de prévenance suffisant afin d’éviter tout contentieux et une poursuite forcée des relations commerciales, en prenant en compte l’ensemble de la relation commerciale.
Décision de la Cour de cassation, chambre commerciale 23 juin 2015, pourvoi n°14-14.687.
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