Nécessité pour le juge de vérifier l'existence d'un préavis suffisant même en cas de respect du délai de préavis conventionnel
Un contrat de concession exclusive a été conclu entre un distributeur concessionnaire et un fournisseur le 29 juin 1975, dont l’objet était la concession exclusive de vente de chariots de manutention sur un territoire exclusif défini contractuellement.
Le contrat a été résilié le 29 décembre 2008 avec un préavis de 12 mois, un préavis de 9 mois devant être respecté au-delà de la 5ème année de relation d’affaires (disposition contractuelle) et 3 mois supplémentaires ayant été proposé par le fournisseur. Le concessionnaire, estimant la rupture brutale, a assigné son fournisseur en revendiquant un préavis de 6 ans et une indemnisation du préjudice subi.
La procédure, ayant été introduite avant l’entrée en vigueur des dispositions de l’article D. 442-3 du Code de commerce, donnant compétence à des juridictions spécialisées pour connaitre des litiges relevant de l’article 442-6 du Code de commerce et donnant compétence exclusive à la Cour d’appel de Paris, il n’y a pas lieu d’appliquer ces dispositions. Ainsi la Cour d’appel d’Amiens reste compétente.
Sur l’existence d’une relation commerciale établie, il ressort de l’espèce que la relation s’est instaurée en 1975 et s’est poursuivie depuis de manière continue. La relation commerciale était à l’évidence établie.
Sur la rupture et son caractère brutal, en l’espèce, le délai conventionnellement prescrit a été respecté et un délai supplémentaire a même été accordé. Toutefois, le respect du préavis prévu n’est pas en lui-même suffisant, au regard de l’article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, compte tenu :
- de la réalisation d’investissements dans la perspective de la poursuite de la relation contractuelle les deux années précédant la résiliation ;
- l’existence d’une situation de dépendance économique du fait d’une obligation de non-concurrence ;
- de la spécificité du marché concerné et de la part de marché dont a été ainsi privée la société (30%) ;
- la nécessité de former le personnel tant à la vente qu’à l’après-vente
La Cour fixe le préavis à 2 ans.
Sur l’indemnisation de la rupture brutale, seul le préjudice réel résultant du caractère brutal de la rupture doit être indemnisé. Le préjudice correspond non pas au chiffre d’affaires mais au gain manqué, soit à la marge brute sur la période qui correspond à la durée du préavis qui aurait dû être respectée. Le principe est celui de la réparation intégrale du préjudice en lien direct et étroit avec le fait dommageable.
Ainsi les investissements réalisés par le concessionnaire, l’embauche du personnel pour les nouvelles agences ouvertes relèvent des conséquences de la rupture du contrat qui a eu pour conséquence la réorientation du concessionnaire, lesquels ne relèvent pas du caractère brutal de la rupture. Par conséquent, ces éléments ne sont pas à prendre en compte dans l’assiette du calcul du préjudice résultant du caractère brutal de la rupture.
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Décision de la Cour d'appel d'Amiens du 2 juin 2015, RG 14/00395.
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