dimanche 12 mai 2024
La Cour d'appel rappelle tout d’abord que le caractère contractuel du litige a été reconnu depuis une décision de 2018 et n’est plus contesté. Elle rappelle ensuite qu’il convient, pour trancher la question du droit applicable, de se baser sur le règlement (CE) n°593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (dit « Rome I »), ou de la convention de Rome si les contrats ont été conclus avant le 17 décembre 2009, ce qui est le cas en l'espèce. Elle rappelle ensuite les règles de compétence fixées par l’article 7 de la convention de Rome, lequel toutefois réserve l’application des lois de police en rappelant que « les dispositions de la présente convention ne pourront porter atteinte à l'application des règles de la loi du pays du juge qui régissent impérativement la situation quelle que soit la loi applicable au contrat. »
Recherchant le droit applicable sur le fondement de l’article 7 de la convention de Rome, la Cour d’appel devait trancher si les textes sur la rupture brutale des relations commerciales établies1 pouvaient être considérés comme une loi de police ou non.
Selon le droit européen et un arrêt Arblade du 23 novembre 1999 (CJUE), qui a inspiré le libellé de l'article 9 paragraphe 1 du Règlement Rome I, les critères de qualification d'une loi en loi de police sont les suivants :
1. Caractère impératif : La loi doit être impérative et non supplétive.
2. Intérêt public : La loi doit viser à sauvegarder des intérêts publics essentiels, tels que l'organisation politique, sociale ou économique de l'État.
3. Application universelle : La loi doit s'appliquer à toute situation entrant dans son champ d'application, indépendamment de la loi applicable au contrat ou à la situation juridique en question.
La Cour d'appel a appliqué ces critères et a conclu que « s'il est constant que ces dispositions contribuent à la moralisation de la vie des affaires et sont susceptibles de contribuer au meilleur fonctionnement de la concurrence, elles visent davantage à la sauvegarde les intérêts privés d'une partie qui sollicite l'indemnisation d'un préjudice lié à la rupture d'un contrat privé, de sorte qu'elles ne peuvent être regardées comme cruciales pour la sauvegarde de l'organisation économique du pays au point d'en exiger l'application à toute situation entrant dans son champ d'application. »
Autrement formulé, toute disposition légale impérative n’est pas nécessairement une loi de police qui trouverait à s’appliquer malgré le fait que le contrat désignerait un autre droit comme droit applicable au contrat objet du litige. En l’occurrence, le texte français n’étant pas considéré comme une loi de police puisque visant à protéger des intérêts essentiellement privés, la Cour d’appel a considéré que le droit applicable au litige était le droit allemand.
La solution retenue par la Cour d'appel de Paris est cohérente avec la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation sur la qualification des lois de police2. La Cour de cassation n’a d’ailleurs jusqu’à présent jamais considéré que les dispositions légales relatives à la rupture brutale de relations commerciales établies constitueraient une loi de police, et a au contraire par le passé accepté de faire application de la clause d’un contrat qui donnait compétence à la loi néerlandaise3.
Cela signifie que si les parties à une relation commerciale établie entendent pouvoir de prévaloir de ce texte, il est indispensable que l’application des règles de droit international désignent le droit français comme applicables. Pour éviter tout aléa, elles ont intérêt à viser le droit français comme droit applicable aux contrats conclus dans le cadre de cette relation.
(CA Paris, 2 juillet 2024, n°21/17912)
L’interdiction de la rupture brutale de relations commerciales établies n’est pas une loi de police
La Cour d’appel de Paris juge qu’une des conditions requises fait défaut.
Le litige, relatif à un contrat cadre d’approvisionnement signé en 2004 et rompu en 2009, oppose une société française à un ensemble de sociétés suédoises et allemande. La société française reproche à ces sociétés une rupture brutale de relations commerciales établies. Après un premier volet portant sur le tribunal compétent, s’est ouvert un contentieux sur le droit applicable au litige. C’est dans ce cadre qu’est saisie la Cour d’appel de Paris, à la suite d’une décision du Tribunal de commerce de Lyon qui a jugé la loi française applicable.La Cour d'appel rappelle tout d’abord que le caractère contractuel du litige a été reconnu depuis une décision de 2018 et n’est plus contesté. Elle rappelle ensuite qu’il convient, pour trancher la question du droit applicable, de se baser sur le règlement (CE) n°593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (dit « Rome I »), ou de la convention de Rome si les contrats ont été conclus avant le 17 décembre 2009, ce qui est le cas en l'espèce. Elle rappelle ensuite les règles de compétence fixées par l’article 7 de la convention de Rome, lequel toutefois réserve l’application des lois de police en rappelant que « les dispositions de la présente convention ne pourront porter atteinte à l'application des règles de la loi du pays du juge qui régissent impérativement la situation quelle que soit la loi applicable au contrat. »
Recherchant le droit applicable sur le fondement de l’article 7 de la convention de Rome, la Cour d’appel devait trancher si les textes sur la rupture brutale des relations commerciales établies1 pouvaient être considérés comme une loi de police ou non.
Selon le droit européen et un arrêt Arblade du 23 novembre 1999 (CJUE), qui a inspiré le libellé de l'article 9 paragraphe 1 du Règlement Rome I, les critères de qualification d'une loi en loi de police sont les suivants :
1. Caractère impératif : La loi doit être impérative et non supplétive.
2. Intérêt public : La loi doit viser à sauvegarder des intérêts publics essentiels, tels que l'organisation politique, sociale ou économique de l'État.
3. Application universelle : La loi doit s'appliquer à toute situation entrant dans son champ d'application, indépendamment de la loi applicable au contrat ou à la situation juridique en question.
La Cour d'appel a appliqué ces critères et a conclu que « s'il est constant que ces dispositions contribuent à la moralisation de la vie des affaires et sont susceptibles de contribuer au meilleur fonctionnement de la concurrence, elles visent davantage à la sauvegarde les intérêts privés d'une partie qui sollicite l'indemnisation d'un préjudice lié à la rupture d'un contrat privé, de sorte qu'elles ne peuvent être regardées comme cruciales pour la sauvegarde de l'organisation économique du pays au point d'en exiger l'application à toute situation entrant dans son champ d'application. »
Autrement formulé, toute disposition légale impérative n’est pas nécessairement une loi de police qui trouverait à s’appliquer malgré le fait que le contrat désignerait un autre droit comme droit applicable au contrat objet du litige. En l’occurrence, le texte français n’étant pas considéré comme une loi de police puisque visant à protéger des intérêts essentiellement privés, la Cour d’appel a considéré que le droit applicable au litige était le droit allemand.
La solution retenue par la Cour d'appel de Paris est cohérente avec la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation sur la qualification des lois de police2. La Cour de cassation n’a d’ailleurs jusqu’à présent jamais considéré que les dispositions légales relatives à la rupture brutale de relations commerciales établies constitueraient une loi de police, et a au contraire par le passé accepté de faire application de la clause d’un contrat qui donnait compétence à la loi néerlandaise3.
Cela signifie que si les parties à une relation commerciale établie entendent pouvoir de prévaloir de ce texte, il est indispensable que l’application des règles de droit international désignent le droit français comme applicables. Pour éviter tout aléa, elles ont intérêt à viser le droit français comme droit applicable aux contrats conclus dans le cadre de cette relation.
(CA Paris, 2 juillet 2024, n°21/17912)
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