Une redevance complémentaire peut être une pratique abusive
Un avis de la Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) rendu le 20 septembre 2018 vient apporter une nouvelle illustration de ce qui peut constituer une pratique abusive au regard de l’article L.442-6 du Code de commerce.
En l’espèce, une société avait développé une base de données à partir de données collectées depuis le système d’immatriculation des véhicules. Elle proposait ensuite à ses clients, à partir de cette base, des services d’études, d’analyse, de statistiques ou de prévisions.
Afin de réaliser ses analyses elle utilisait un progiciel proposé par un éditeur tiers. La société était très dépendante de la solution informatique de l’éditeur de logiciel, un changement de fournisseur étant très coûteux et les services ne pouvant être fournis sans une telle solution.
L’éditeur et la société étaient en relation d’affaires depuis le 15 novembre 2000. Un contrat cadre avait été conclu et 17 contrats d’application avaient par la suite été conclus. A l’occasion de chaque échéance, une nouvelle annexe élaborée sur la base d’un contrat type était proposée par l’éditeur, actualisant les tarifs des prestations et la puissance du matériel nécessaire pour utiliser la solution. Le montant payé par la société à l’éditeur était chaque année d’environ 335.000 euros. En 2016 l’éditeur contacte la société pour lui signifier qu’il aurait découvert son activité de fournisseur de données et lui indiquait que cette activité était contraire à l’annexe signée en 2015. L’éditeur réclame alors un ajustement de la redevance annuelle, estimé unilatéralement par l’éditeur à 8 millions d’euros, alors que l’article de l’annexe sur lequel l’éditeur fondait sa demande ne comportait aucune information sur le calcul d’une éventuelle redevance complémentaire.
La CEPC a été interrogée sur cette pratique au regard de l’article L.442-6-I, 2° du Code de commerce qui dispose qu’engage sa responsabilité tout producteur, commerçant ou industriel qui soumet ou tente de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
La CEPC rappelle tout d’abord la définition de partenaire commercial qui a été donnée par la Cour d’Appel de Paris dans un arrêt du 27 septembre 2017 (RG n°16/00671) selon lequel le partenaire commercial est le « professionnel avec lequel une entreprise commerciale entretient des relations commerciales pour conduire une activité quelconque, ce qui suppose une volonté commune et réciproque d’effectuer de concert des actes ensemble dans des activités de production, de distribution ou de services par opposition à la notion plus large d’agent économique ou plus étroite de cocontractant ». Elle rappelle par ailleurs que si l’existence d’un contrat écrit n’est pas une condition de la qualification de partenaire commercial, la durée du contrat ou de la relation est un élément déterminant dans l’appréciation.
En l’espèce, la société et l’éditeur de logiciel pouvaient être qualifiés de partenaires commerciaux. La CEPC considère que l’ajout de la clause litigieuse en 2015 doit être considéré au regard de son impact sur la situation des parties. En l’occurrence le fournisseur a augmenté unilatéralement la redevance de 2.566% en menaçant de surcroît son client de cesser la prestation s’il n’acceptait pas cette exigence. Après discussion l’augmentation de la redevance finalement de 100%.
La CEPC considère que la clause ajoutée sans négociation met un devoir exorbitant à la charge du client, sans aucune justification ni contrepartie : la société ne peut plus traiter de données avec le logiciel alors qu’il s’agit là de son activité même. Elle considère ensuite que « le constat d’une absence de pouvoir réel de négociation parait suffire pour caractériser la soumission ». La Cour d’appel de Paris (CA Paris, 19 avril 2017, RG n°15/24221) considère en effet que « l’insertion de clauses dans une convention type ou un contrat d’adhésion qui ne donne lieu à aucune négociation effective des clauses litigieuses peut constituer [la soumission ou la tentative de soumission] ».
La CEPC considère donc qu’il « est possible de qualifier l’introduction d’une redevance complémentaire de la part de l’entreprise qui fournit le progiciel de « pratique abusive » au sens del’article L.442-6 du Code de commerce ».
Des situations similaires pourraient tout à fait se rencontrer au sein de réseaux de distribution : les deux parties à un contrat de distribution pourront être qualifiées de partenaires commerciaux. Dès lors, imposer ou chercher à imposer une évolution significative des conditions contractuelles sans laisser au distributeur la faculté de les négocier pourrait ainsi être constitutif d’une violation de l’article L.442-6 du Code de commerce.
CEPC, avis n°18-7 du 20 septembre 2018
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