Violation d’une clause de non-concurrence post-contractuelle en qualité de tiers complice
La tierce complicité d’un franchiseur à la violation d’une clause de non-concurrence est établie dès lors que, avisé de l’existence d’une telle clause liant le franchisé, le franchiseur n’a pas mis fin à ses relations contractuelles avec ce franchisé.
Cet arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 20 mars 2019 vient rappeler qu’une enseigne contractant avec un franchisé soumis à une clause de non concurrence post-contractuelle participe à la violation par ce franchisé de ses obligations contractuelles et engage de ce fait sa responsabilité civile délictuelle envers l’ancien franchiseur.
En l’espèce, un franchisé avait procédé à un changement d’enseigne en concluant un contrat de franchise avec une entreprise concurrente exploitant un réseau de distribution de produits de bricolage, jardinage et décoration.
De ce fait, après une mise en demeure adressée au franchisé et demeurée infructueuse la société Weldom a avisé le franchisé de la résiliation anticipée du contrat les liant, pour inexécution fautive.
A la suite, le franchiseur a assigné le franchisé ainsi que le nouveau franchiseur devant le Tribunal de commerce de Paris, lequel a prononcé la résiliation du contrat et condamné le franchisé à diverses sommes. En revanche, le Tribunal avait refusé de faire droit aux demandes du franchiseur à l'encontre du nouveau franchiseur.
Le franchisé a interjeté appel de ce jugement.
Le franchiseur demandait à la Cour d’appel de Paris de condamner in solidum le franchisé et du nouveau franchiseur au titre de divers préjudices qu’il estimait avoir subi (perte de marge brute, perte des avantages fournisseurs, perte de cotisations risques, remboursement des aides exceptionnelles versées, indemnité de résiliation stipulée au contrat de franchise, perte sur investissement, perte de clientèle, préjudice moral).
Le nouveau franchiseur s’opposait à une condamnation in solidum avec le franchisé au motif que l'adhésion de ce dernier à son réseau de distribution ne serait pas fautive, dès lors que le franchisé lui avait indiqué avoir mis fin au contrat avec son franchiseur initial.
La Cour d’appel de Paris ne suit pas cette argumentation et relève :
- qu’aux termes de ses écritures en défense, le nouveau franchiseur ne conteste pas que le franchisé a signé avec lui un contrat de franchise ;
- que le nouveau franchiseur a été expressément avisé par le franchiseur, aux termes d'une lettre recommandée, de l'existence d'une clause de non concurrence le liant au franchisé ;
- qu’en dépit de cette correspondance, le nouveau franchiseur n'a pas mis un terme aux relations contractuelles développées avec le franchisé ;
- que, de plus, professionnelle dans le secteur du bricolage, du jardinage, de l'aménagement et de la décoration de la maison, elle ne pouvait ignorer que ce type de clause présentait un caractère habituel.
La Cour d’appel de Paris infirme donc le jugement entrepris en ce qu'il a estimé non prouvée la tierce complicité du nouveau franchiseur à la violation de la clause de non concurrence et condamne ce dernier à payer au franchiseur initial, in solidum avec le franchisé, la somme totale de 639.168 euros au titre des préjudices subi par le franchiseur.
Il est intéressant de noter que la précision apportée par la Cour d’appel de Paris selon laquelle, le nouveau franchiseur, en tant que professionnel, ne pouvait ignorer que ce type de clause (non-concurrence à effet post-contractuel) présentait un caractère habituel. Aussi, même si le nouveau franchiseur n’avait pas été expressément avisé de l’existence d’une telle clause, on peut penser que sa responsabilité délictuelle au titre de la tierce complicité aurait de toute façon été retenue, en sa qualité de professionnel, impliquant pour le nouveau franchiseur l’obligation de vérifier la situation de non-concurrence préalablement à la conclusion d’actes qui contribueraient à permettre aux débiteurs de telles obligations de les violer.
Rappelons toutefois que la responsabilité du nouveau franchiseur à raison de la violation par le franchisé d’une clause de non-concurrence à effet post-contractuel ne peut être encourue que si cette clause lie effectivement son débiteur, ce qui suppose qu’elle soit valide.
CA Paris, 20 mars 2019, n° 17/09164
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