Contrat de franchise et comptes prévisionnels erronés
Rappel des principales règles d’appréciation d’un vice du consentement en cas d’action en nullité du contrat de franchise par le franchisé du fait de comptes prévisionnels erronés.
L’arrêt de la Cour de Paris du 19 avril 2017 est l’occasion de revenir sur les principales règles appliquées par les juridictions pour apprécier l’existence d’un vice du consentement en cas d’action en nullité du contrat de franchise par le franchisé du fait de comptes prévisionnels erronés.
Parmi les divers motifs de nullité du contrat de franchise invoqués, le franchisé faisait valoir que :
- le franchiseur n’avait pas émis d’observations lorsqu’il lui a communiqué en février 2010, soit un an avant la signature du contrat, les chiffres prévisionnels qu’il avait retenus ;
- le franchiseur lui avait communiqué en mai 2010, soit 9 mois avant la signature du contrat, des chiffres inexacts pour établir ses comptes prévisionnels : le franchisé reprochait au franchiseur de lui avoir communiqué des historiques de chiffres d’affaires des membres du réseau et des objectifs adressés aux franchisés d’Orléans et de Rennes, qui se sont révélés être respectivement supérieurs de 20% et 25% aux chiffres effectivement réalisés par ces franchisés ;
- l’écart entre les chiffres communiqués par le franchiseur et ses propres réalisations était de 21%, ce qui démontrerait un manque de sincérité des informations transmises.
La Cour d’appel a tout d’abord rappelé que le franchiseur n'est pas tenu de remettre un compte d'exploitation prévisionnel au candidat, mais s'il remet un tel compte d'exploitation, qu’il doit donner des informations sincères et vérifiables. Il s’agit là d’un rappel d’une jurisprudence bien établie.
La Cour a également rappelé qu’il appartient à chaque franchisé d'établir son propre compte prévisionnel à partir des données communiquées par le franchiseur dans le cadre du document d’information précontractuel, relatives à la nature et au montant des dépenses et investissements spécifiques à l'enseigne ou à la marque à exposer avant le début de l’exploitation sous l’enseigne.
Cette obligation signifie que le franchisé à l’obligation de vérifier par exemple auprès des autres membres du réseau que les chiffres prévisionnels qui lui sont communiqués, ou que les données qui lui sont adressées pour la réalisation d’un prévisionnel, sont effectivement réalisés par les autres membres du réseau ou encore de recueillir lui-même les informations nécessaires à la réalisation de son propre prévisionnel. Ainsi, conformément à la jurisprudence, faute de procéder aux vérifications nécessaires alors qu’il était en mesure de le faire, le franchisé n’est pas fondé à invoquer un quelconque vice du consentement.
La Cour juge à ce titre qu’il incombait au franchisé d'établir son propre prévisionnel en effectuant les études nécessaires sur la base des quelques éléments indiqués dans le document d’information précontractuel remis en mai 2010, qui n'étaient pas erronés, et des éléments recueillis par lui.
La Cour relève sur ce point que le franchisé avait en effet eu tout loisir pendant les neuf mois qui se sont écoulés entre la remise du document d’information précontractuelle et la signature du contrat de franchise pour procéder aux études, qu'il a finalement menées tardivement en 2013.
La Cour considère ainsi que l’erreur alléguée par le franchisé ne permet pas de caractériser un vice du consentement dès lors notamment qu’il a bénéficié d’un long délai entre la remise du document d’information précontractuel et la signature du contrat de franchise, lui permettant de procéder à toutes les vérifications nécessaires.
S’agissant des objectifs fixés aux franchisés d’Orléans et de Rennes, la Cour d’appel relève d’abord qu’il a été expressément indiqué aux demandeurs qu’il s’agissait d’objectifs et non de chiffres d’affaires qui avaient été réalisés.
La Cour d’appel juge par ailleurs que ces objectifs étaient parfaitement réalistes, puisque le franchisé de Rennes a réalisé son objectif dès l’année 2012 -2013. Pour le franchisé d’Orléans, la Cour juge que s’il n’a réalisé que 80% de son objectif au cours de cette année, cet écart de 20% ne pouvait en soi établir la non sincérité des objectifs indiqués au moment de leur transmission.
De la même manière, la Cour juge que l’écart signalé entre ces indications et les résultats du franchisé, de l'ordre de 21 %, ne pouvait davantage être considéré comme révélant un manque de sincérité des informations transmises.
La Cour fait ici application du principe selon lequel les juridictions ont tendance à écarter tout vice du consentement lorsque que l’écart entre les chiffres prévisionnels et les chiffres réalisés est inférieur à 40%. Au contraire, le manque de sincérité des comptes prévisionnels est présumé dès lors que l’écart les chiffres prévisionnels et les chiffres réalisés est supérieur à 40 %.
La Cour juge par ailleurs qu’il ne peut être reproché au franchiseur de ne pas avoir donné son avis sur le prévisionnel établi par le franchisé plus d’un an avant la signature du contrat de franchise.
La Cour, procédant à une analyse in concreto, c’est-à-dire en tenant compte de l’expérience du franchisé, relève en outre que ce dernier avait exercé la profession de banquier, et en déduit que son expérience à ce titre aurait dû lui permettre d'affiner ses calculs. L’absence d’expérience du franchisé dans l’activité considérée peut au contraire être déterminante dans l’appréciation de l’existence d’un vice du consentement.
Enfin, la Cour juge que compte tenu de la faible durée d'exploitation du magasin, les pertes constatées pendant ces 18 mois ne sauraient attester, en soi, du caractère irréalisable des prévisions ou du manque de rentabilité de l'activité du réseau.
La Cour rejette en conséquence la demande de nullité du contrat de franchise formée par le franchisé.
CA Paris, 19 avril 2017, n°15/02103
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