Rupture brutale de relations commerciales établies et contrat à durée déterminée sans possibilité de tacite reconduction.
Le caractère provisoire des relations commerciales à l'issue du terme du contrat à durée déterminée sans possibilité de tacite reconduction, les fait nécessairement échapper à l'application de l'article L.442-6, I, 5° du code de commerce prohibant la rupture brutale de relations commerciales établies.
Dans un arrêt récent du 10 janvier 2018, la Cour d’appel de Paris vient écarter l’application de l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, à propos d’une rupture intervenue postérieurement au terme d’un contrat excluant la possibilité de tacite reconduction.
Pour mémoire, cet article impose à celui qui met un terme à une relation commerciale établie de respecter un préavis écrit tenant compte de la durée de cette relation.
En l’espèce, un fournisseur espagnol avait confié à un distributeur spécialisé dans le commerce de gros d'habillement et de chaussures, la distribution exclusive en France de ses produits, pour une période de 3 ans, correspondant à 6 saisons, soit expirant au 10 août 2010. Le renouvellement de ce contrat était conditionné à un accord exprès et écrit des parties avant son échéance.
Le contrat est arrivé à son terme le 10 août 2010 mais les relations commerciales entre les parties se sont poursuivies sans qu'aucun accord pour son renouvellement ne soit formalisé.
En 2011, suite à des difficultés du distributeur dans la diffusion des produits auprès des clients du distributeur français, les relations commerciales entre les parties se sont altérées, le distributeur ayant annulé certaines commandes. Par courrier du 11 janvier 2012, le fournisseur mettait fin à la relation commerciale qu’il entretenait avec son distributeur.
S’estimant victime d’une rupture brutale de relations commerciales établies, le distributeur assignait le fournisseur en indemnisation devant le tribunal de commerce de Lyon.
Débouté de sa demande en première instance, le distributeur interjetait appel du jugement rendu.
En substance, le distributeur exposait que :
- par différents courriels, le fournisseur avait exprimé sa volonté claire et non équivoque de poursuivre les relations commerciales au-delà du terme du contrat ;
- le caractère prévisible de la rupture d'une relation commerciale établie ne prive pas celle-ci de son caractère brutal en l'absence de préavis raisonnable écrit ;
- la rupture des relations commerciales était d'autant plus brutale qu'elle est intervenue alors que les commandes de l'été suivant étaient déjà en cours et que lui-même s'était engagé auprès de ses clients et agents ;
- compte-tenu de la durée de la relation et de sa dépendance économique envers son fournisseur, elle aurait dû bénéficier d'un préavis d'au moins un an.
La Cour d’appel rejette les demandes du distributeur au motif que :
« les parties ont choisi d'inscrire leur relation commerciale dans le cadre d'un contrat à durée déterminée, sans possibilité de tacite reconduction et que faute d'accord écrit sur les conditions de sa poursuite, préalablement à son terme, le contrat du 10 août 2007 est venu à expiration le 10 août 2010, ce terme étant connu depuis l'origine par le distributeur. A compter du 11 août 2010, il s'en est donc suivi une période de relations nécessairement précaires, résiliables à tout moment, au cours de laquelle les parties étaient libres de convenir d'un nouveau contrat de distribution ou de nouer des relations avec d'autre partenaires. »
En outre, la Cour d’appel relève que l’envoi par le distributeur de propositions de nouvelles conditions générales de distribution retournées avec des propositions de modifications par le fournisseur « s'inscrit dans le cadre de négociations en vue de la signature d'un nouvel accord et ne démontrent aucunement ni que [le fournisseur] ait accepté les propositions [du distributeur] et ni qu'elle se soit engagée à poursuivre des relations contractuelles pérennes. Il ne ressort d'aucun élément que cette dernière ait pu raisonnablement croire à leur nécessaire poursuite et ce, d'autant que le 28 décembre 2011, [le fournisseur] lui a rappelé la nécessité de rediscuter des conditions de vente pour l'avenir. »
Et à la Cour d’appel de conclure, pour dire le distributeur mal fondé en toutes ses demandes de dommages et intérêts pour rupture brutale de relations commerciales établies et confirmer le jugement entrepris, que « le caractère provisoire des relations commerciales à l'issue du terme du contrat à durée déterminée sans possibilité de tacite reconduction, les fait nécessairement échapper à l'application de l'article L.442.-6, I, 5° du code de commerce. »
Ce faisant, la Cour d’appel de Paris vient conforter sa jurisprudence, en présence d’un contrat à durée déterminée excluant la tacite reconduction, puisqu'elle a récemment jugé, par un arrêt du 24 mai 2017, en l’absence de clause prévoyant la possibilité d'une tacite reconduction, le concessionnaire ne pouvait pas légitimement s’attendre à ce que la relation perdure au-delà du terme fixé par le contrat et ainsi invoquer l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce (CA Paris, 24 mai 2017, n° 14/22888).
L’on rappellera également que cette jurisprudence est en ligne avec un arrêt rendu par la Cour de cassation en date du 21 juin 2017, dans lequel elle avait considéré, en présence d’un contrat à durée déterminée, que « la société Acara, dont le contrat venait à échéance, ne pouvait raisonnablement anticiper une continuité de la relation commerciale pour l'avenir » (Cass. com., 21 juin 2017, n° 15-20.101).
CA Paris, 10 janv. 2018, n° 15/02432
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