mardi 2 mai 2017

Juridictions spécialisées, clause d’arbitrage et clause attributive de juridiction : qui est compétent pour statuer sur la rupture brutale ?

Le contentieux de la rupture brutale de l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce peut être confié à un tribunal arbitral mais non à une juridiction désignée par une clause attributive de juridiction qui n’est pas une juridiction désignée par l’article D. 442-3 du Code de commerce.

En 2005, la société Cabinet de maîtrise d’œuvre (ci-après « société CMO ») conclut un contrat avec une filiale française du groupe internationale Lavalin, la société Lavalin, comportant une clause attributive de juridiction en faveur du Tribunal de commerce de Créteil.

En 2011 et 2012, cette même société conclut cinq autres contrats avec une autre filiale française du groupe, la société Lavalin International, comportant une clause compromissoire.

En 2014, la société Lavalin International résilie les contrats.

La société CMO assigne les filiales du groupe Lavalin devant le Tribunal de commerce de Paris pour rupture brutale de la relation commerciale établie sur le fondement de l’article L.442-6-I-5 du code de commerce.

En première instance, la société Lavalin International soulevait l’incompétence du Tribunal de commerce de Paris sur le fondement de laclause compromissoire tandis que la société Lavalin soulevait l’incompétence territoriale du Tribunal sur le fondement de la clause attributive de juridiction insérée dans son contrat.

Si le Tribunal de commerce de Paris s’est déclaré compétent, la Cour d’appel de Paris, statuant sur contredit, a jugé que le Tribunal de commerce de Paris était incompétent pour connaître des demandes formées à l’encontre de la société Lavalin International dans la mesure où les cinq contrats conclus entre cette dernière et la société CMO comportaient une clause d’arbitrage qui n’était pas manifestement inapplicable.

La Cour de cassation après avoir rappelé que « selon le principe de compétence-compétence, il appartient à l’arbitre de statuer, par priorité, sur sa propre compétence, sauf nullité ou inapplicabilité manifeste de la clause d’arbitrage », considère que la Cour d’appel a justement retenu que « l’arbitrage n’était pas exclu du seul fait que les dispositions impératives de l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce étaient applicables ».

Elle confirme donc l’arrêt de la Cour d’appel ayant déclaré le Tribunal de commerce de Paris incompétent en raison de la clause compromissoire.

On peut alors se demander si le Tribunal de commerce de Paris était également incompétent en raison de la clause attributive de juridiction insérée dans le contrat conclu avec l’autre filiale française du groupe Lavalin.

C’est ce qu’a considéré la Cour d’appel de Paris qui a donc renvoyé l’affaire devant le Tribunal de commerce de Créteil.

Pour déclarer le Tribunal de commerce de Paris incompétent, la Cour d’appel de Paris avait en effet retenu qu’en l’espèce, en l’absence de toute rupture desdits contrats, le litige ne pouvait s’analyser comme étant relatif à l’application des dispositions de l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce et qu’il ne pouvait dès lors être valablement fait référence aux articles désignant les juridictions spécialisées pour connaître d’un différend fondé sur cet article.

La Cour de cassation casse l’arrêt sur ce point.

Après avoir rappelé que « Vu les articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce, les dispositions du premier texte attribuant le pouvoir juridictionnel, pour les litiges relatifs à son application, aux juridictions désignées par le second ne peuvent être mises en échec par une clause attributive de juridiction », la Cour de cassation estime que la Cour d’appel de Paris ne pouvait statuer en ce sens dans la mesure où la société CMO avait saisi le Tribunal de commerce de Paris sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce et que ce tribunal était désigné pour statuer sur l’application de cet article.

Une clause attributive de juridiction ne peut donc faire échec à l’application des articles L. 442-6 et D. 442-3 du Code de commerce.

En conclusion, en présence d’un conflit de compétence entre les juridictions désignées pour statuer sur les litiges relatifs à l’article L. 442-6 du Code de commerce, une clause compromissoire et une clause attributive de juridiction :

  • la clause d’arbitrage prime sur la compétence spécialisée de l’article L. 442-6 du code de commerce, à condition toutefois que la clause compromissoire ne soit pas manifestement nulle ou inapplicable ;
  • la compétence spécialisée prévue par les articles L. 442-6 et D. 442-3 du Code de commerce prime sur la clause attributive de juridiction.

Cass. com. 1er mars 2017, n° 15-22675

Nos solutions

La sanction encourue pour une pratique restrictive de concurrence peut aller jusqu’à 5% de votre CA France.

GOUACHE Avocats veille à assurer la validité de vos accords d’achat et de distribution au regard du droit des pratiques restrictives de concurrence. Contactez-nous pour faire auditer vos accords fournisseurs et accords distributeurs.

Vous faites l’objet d’un contrôle de la DGCCRF, d’une assignation fondée sur l’incrimination d’une pratique restrictive, GOUACHE Avocats vous assiste dans le cadre de ces contrôles ou contentieux ( au déséquilibre significatif, rupture brutale de relations commerciales établies, abus de puissance d’achat ou de vente, revente à perte, prix imposés, etc).