Modalités de retrait du membre d'un GIE et déséquilibre significatif
Par un arrêt du 11 mai 2017, la Cour de cassation juge que les modalités de retrait d’un membre d’un groupement d’intérêt économique prévues par le contrat constitutif ou le règlement intérieur de ce groupement ne sont pas susceptibles d’être qualifiées d’obligations créant un déséquilibre significatif.
Les sociétés Radio Nova et TSF Jazz ont adhéré à un groupement d’intérêt économique (ci-après « GIE ») en 1993.
L’article 21.1 du règlement du GIE prévoyait qu'en cas de départ d'un adhérent du GIE, celui-ci s'engageait, pendant la durée du préavis :
- à ne pas apparaître dans un autre produit ou couplage commercial (i) ;
- pour le produit national, à ne pas apparaître seul dans les résultats nationaux d'audience publiés par l'institut de sondage « Médiamétrie » (ii).
Ces engagements étaient assortis d'une faculté de dédit, moyennant le versement d'une indemnité égale à 30 % du chiffre d'affaires de publicité nationale perçu dans les douze derniers mois précédant la décision de retrait.
En 2011, les sociétés Radio Nova et TSF Jazz ont informé le GIE de leur démission et de la commercialisation de leurs espaces publicitaires par la société Nova Régie à l'issue du préavis.
Constatant qu’une enquête publiée par « Médiamétrie » mentionnait l'audience de Radio Nova et celle d'un nouveau couplage regroupant les audiences des deux radios, le GIE a réclamé aux sociétés Radio Nova et TSF Jazz le paiement de l'indemnité de dédit.
Soutenant que la clause prévue à l'article 21.1 créait un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, les sociétés Radio Nova et TSF Jazz ont assigné le GIE afin d’obtenir l’annulation de cette clause, sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce.
A titre reconventionnel, le GIE a demandé la condamnation des deux sociétés au paiement de l'indemnité de dédit.
En appel, la Cour d’appel avait considéré que l’article 21.1 (ii) du règlement intérieur du GIE ainsi que la clause prévoyant le paiement de l’indemnité pour s’en affranchir induisait un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties et avait annulé ces clauses aux motifs que le GIE et les sociétés Radio Nova et TSF Jazz constituaient des personnes morales distinctes dont les relations se développent dans un secteur économique pour lequel le GIE offre aux radios locales ou régionales une prestation de regroupement de leur audience en vue d'une commercialisation commune, en contrepartie d'une rémunération et de cotisations.
La Cour de cassation casse l’arrêt aux motifs que « sont exclues du champ d'application de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce les modalités de retrait du membre d'un groupement d'intérêt économique, prévues par le contrat constitutif ou par une clause du règlement intérieur de ce groupement » et qu’en statuant ainsi, la Cour d’appel a violé les articles L. 251-1, L. 251-8, L251-9 et L. 442-6 du Code de commerce.
Par cet arrêt, la Cour de cassation pose ainsi le principe l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce n’est pas applicable aux modalités de retrait d’un membre d’un groupement d’intérêt économique prévues par le contrat constitutif ou le règlement intérieur de ce groupement.
Toutefois, elle n’en explique pas les raisons.
Il suffit de se référer aux termes des articles visés par la Cour de cassation.
L’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce prévoit que « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers […] de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».
Pour qu’un déséquilibre significatif soit caractérisé, la personne soumis aux obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties doit être le partenaire commercial de l’auteur de la pratique.
L’article L. 251-1 du Code de commerce prévoit :
« Deux ou plusieurs personnes physiques ou morales peuvent constituer entre elles un groupement d'intérêt économique pour une durée déterminée.
Le but du groupement est de faciliter ou de développer l'activité économique de ses membres, d'améliorer ou d'accroître les résultats de cette activité. Il n'est pas de réaliser des bénéfices pour lui-même.
Son activité doit se rattacher à l'activité économique de ses membres et ne peut avoir qu'un caractère auxiliaire par rapport à celle-ci. »
L’article L. 251-8 du Code de commerce prévoit quant à lui que le contrat de groupement d'intérêt économique détermine l'organisation du groupement et précise les indications que doit comporter le contrat.
L’article L. 251-9 du Code de commerce prévoit enfin :
« Le groupement, au cours de son existence, peut accepter de nouveaux membres dans les conditions fixées par le contrat constitutif.
Tout membre du groupement peut se retirer dans les conditions prévues par le contrat, sous réserve qu'il ait exécuté ses obligations. »
Selon la Cour de cassation, les articles L. 251-1, L. 251-8, L.251-9 du Code de commerce feraient échec à l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce.
La raison est simple. Les membres d’un GIE concourent à constituer le groupement. Ils ne pourraient donc pas être des partenaires commerciaux au sens de l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce.
Toutefois, on remarquera qu’en l’espèce, dans cette hypothèse, la Cour de cassation aurait pu exclure du champ d’application de l’article L. 442-6, I ,2° du Code de commerce, l’ensemble des relations entre un GIE et ses membres.
Elle n’a cependant visé que les modalités de retrait du membre d'un groupement d'intérêt économique, prévues par le contrat constitutif ou par une clause du règlement intérieur de ce groupement.
Qu’en est-il alors des autres clauses du contrat constitutif ou du règlement intérieur du groupement ? Si l’absence de partenariat commercial entre le GIE et ses membres a justifié la mise à l’écart de l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce, le contrat constitutif du groupement dans son ensemble aurait dû échapper au contrôle du déséquilibre significatif.
A contrario, on peut également se demander si cette solution ne devrait pas être étendue au droit des sociétés dans son ensemble.
La solution retenue par la Cour de cassation laisse donc des incertitudes, en l’absence de motivation.
La Cour de cassation semble ainsi avoir appliqué la règle selon laquelle le spécial prime sur le général. L’article L.251-9 du Code de commerce encadrant la rupture des relations au sein d’un GIE doit faire échec à l’application de la règle plus générale de l’article L. 442-6 du Code de commerce.
On rappellera que par un arrêt du 3 avril 2007 (n° 06-10.526), la Cour de cassation avait déjà estimé que l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce relatif à la rupture brutale des relations commerciales établies, n’était pas applicable aux conditions de retrait des membres d’un GIE. Mais la solution n’était pas claire.
Plus récemment, elle a considéré que l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce devait être déclaré inapplicable aux conditions de cessation des liens entre une société coopérative et un associé, celles-ci étant régies par les statuts de la société (Cass. com. 8/02/2017, n°15-23.050).
Cass. com. 11 mai 2017, n° 14.29-717, FS-P+B+I+R
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