Des clauses relatives aux données personnelles peuvent-elles constituer un déséquilibre significatif ?
La Commission d’Examen des Pratiques Commerciales (CEPC) vient de publier un avis sur cette question.
La CEPC avait été saisie par un syndicat professionnel au sujet de plusieurs stipulations insérées dans un contrat de concession exclusive à l’occasion de son renouvellement. La question portait sur leur validité au regard des articles L. 442-6-I-2° et 4° du Code de commerce, relatifs respectivement au fait :
- « 2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ;
(…)
- 4° D'obtenir ou de tenter d'obtenir, sous la menace d'une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales, des conditions manifestement abusives concernant les prix, les délais de paiement, les modalités de vente ou les services ne relevant pas des obligations d'achat et de vente ;
(…) »
Nous nous intéresserons ici uniquement à l’analyse de la CEPC de la clause prévoyant qu’à l’expiration du contrat, le concédant avait le droit de garder les données clients et prospects dans des bases de données et de les utiliser selon les conditions préalablement acceptées par les clients et prospects, au regard de la question du déséquilibre significatif. Le concessionnaire recevait pour sa part une copie des données clients et prospects dans un format standard lisible, qu’il avait le droit d’utiliser à sa discrétion sous réserve de respecter les lois relatives à la confidentialité des données. La CEPC, considérant ne pas disposer de suffisamment d’éléments, ne s’est en effet pas prononcée sur la question de l’obtention de conditions abusives sous la menace d’une rupture brutale des relations commerciales.
Elle considère tout d’abord qu’un concédant et ses concessionnaires peuvent être qualifiés de partenaires commerciaux, en se fondant pour cela sur la définition donnée par la Cour d’Appel de Paris (CA Paris, 27 sept. 2017, n°16-00671), à savoir que le partenaire est un « professionnel avec lequel une entreprise commerciale entretient des relations commerciales pour conduire une activité quelconque, ce qui suppose une volonté commune et réciproque d’effectuer de concert des actes ensemble des activités de production, de distribution ou de services ». Cela peut se traduire par la signature d’un contrat de partenariat ou « parce que leur comportement traduit la volonté de développer des relations stables et établies dans le respect des règles relatives à la concurrence pour coopérer autour d’un projet commun ».
Elle se réfère ensuite à l’arrêt Galec de la Cour de cassation (Cass. com. , 25 janvier 2017, GALEC) qui rappelait que le fait de « soumettre ou tenter de soumettre » son partenaire à un déséquilibre significatif pouvait être caractérisée lorsque le contrat était un contrat d’adhésion et que les clauses litigieuses avaient échappées à toute négociation effective. Ce même arrêt rappelait également que « le principe de la libre négociabilité n’est pas sans limite et que l’absence de contrepartie ou de justification aux obligations prises par les cocontractants, même lorsque ces obligations n’entrent pas dans la catégorie des services de coopération commerciale, peut être sanctionnée au titre de l’article L.442-6-I-2°du code de commerce, dès lors qu’elle procède d’une soumission ou de tentative de soumission et conduit à un déséquilibre significatif. »
La CEPC, relève que « le concessionnaire, tout comme le franchisé, met en œuvre, à ses risques et périls, des moyens permettant de créer une clientèle locale qui, si elle est attachée à la marque du concédant, l’est aussi à l’activité du concessionnaire ».
Cette appréciation reprend celle de l’arrêt Trevisan, rendu en matière de franchise, selon lequel : « si une clientèle est au plan national attachée à la notoriété de la marque du franchiseur, la clientèle locale n'existe que par le fait des moyens mis en œuvre par le franchisé, parmi lesquels les éléments corporels de son fonds de commerce, matériel et stock, et l'élément incorporel que constitue le bail, que cette clientèle fait elle-même partie du fonds de commerce du franchisé puisque, même si celui-ci n'est pas le propriétaire de la marque et de l'enseigne mises à sa disposition pendant l'exécution du contrat de franchise, elle est créée par son activité, avec des moyens que, contractant à titre personnel avec ses fournisseurs ou prêteurs de deniers, il met en œuvre à ses risques et périls » (Cass civ. 3e, 27 mars 2002).
La CEPC estime toutefois qu’au cas d’espèce elle ne dispose pas des éléments permettant une appréciation globale, ne disposant pas des autres clauses du contrat ni d’informations particulières sur les fichiers concernés, notamment quant à l’investissement du concessionnaire pour établir ce fichier et les efforts faits pour créer sa clientèle. Elle indique malgré cela qu’une justification de la conservation des données clients par le concédant pourrait être l’existence d’une obligation de garantie à la charge du concédant. Sur la base de ce raisonnement, il semble possible de considérer également que l’existence d’un système de fidélité utilisable dans l’ensemble du réseau de la marque justifierait de la même manière la conservation de ce fichier.
De plus, elle considère que le fait que le concessionnaire puisse continuer à exploiter ce même fichier exclue a priori un déséquilibre significatif (sous réserve toujours d’une appréciation plus globale du contrat).
Il ressort toutefois de cet avis que l’appréciation reste très factuelle et casuistique. L’activité concernée, l’existence d’obligations spécifiques à la charge du concessionnaire ou du franchiseur nécessitant de conserver ces données, les investissements effectivement réalisés par l’une ou l’autre des parties pour la collecte et la conservation des données, y compris des prospects (ex : acquisition par le biais d’un site web développé par le Concédant ou par un contact direct du concessionnaire) seront autant d’éléments à prendre en considération.
S’il n’apparait pas envisageable d’empêcher l’ancien concessionnaire ou franchisé de continuer à utiliser les données relatives à la clientèle qu’il a créée ou exploitée pendant la durée du contrat, il est indispensable que les contrats de distribution prévoient les droits de chacun quant à ces données. Ceux-ci ne devront pas constituer un déséquilibre significatif mais devront par ailleurs et en toute hypothèse s’exercer conformément aux règles relatives à la protection des données personnelles et en particulier au nouveau Règlement Général sur la Protection des Données RGPD), qui entre en vigueur le 25 mai prochain. Enfin, quand bien même des droits concurrents seraient organisés sur ces données après la fin du contrat, cela ne permet pas à l’une ou l’autre des parties de commettre des actes de concurrence déloyale, par exemple en dénigrant l’ancien cocontractant auprès de la clientèle.
Avis n°18-4 publié le 23 avril 2018
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